20 Novembre 2021
Entre Valse des fleurs, Lac des Cygnes et Poinçonneur des Lilas, un patchwork plein de saveur dans lequel musique, chant et danse concourent à créer un objet atypique et plein d’humour.
Peut-on chanter l’histoire de deux comédiennes et chanteuses en mal de gloire qui se battent pour obtenir à grand-peine les heures et les trimestres qui leur permettront, faveur suprême, de s’inscrire au chômage et de toucher les Assedic ? Aurore Bouston et Marion Lépine le font avec beaucoup d’allant et de talent. Dans cette aimable fantaisie entièrement chantée et en musique, elles nous baladent dans les petites et les grandes misères de la vie quotidienne avec humour tambour battant.
De la « grande » musique à la chanson populaire
Dans un ingénieux patchwork qui convoque aussi bien Dvorák que Brel, Mendelssohn, Brahms ou Tchaïkovski que Chimène Badi, Jacques Dutronc ou ou Charles Trenet, où Johnny Halliday répond à Verdi et Gainsbourg à Rossini, où nous naviguons « de ville en ville », « les copains d’abord » avec Brassens et Jacques Demy, les chanteuses s’amusent et nous amusent avec cette déferlante d’airs connus qu’on peine à identifier tant leur enchaînement est rapide. La chanson populaire est de tous les temps, entre Aznavour et Queen, Georges Ullmer et Bruel, Souchon et Ennio Morricone. La musique classique va de Bach à Chostakovitch en passant par Mozart, Liszt, Gounod et Mahler. Romantique quand elle célèbre l’amour sur un nocturne de Chopin ou un trio de Schubert, elle se rapproche du dramatique lorsque l’amour se meurt et que le désespoir gagne.
Imbrication, intrication
La grande force de ce parcours musical réside dans le mélange permanent des genres. Il est infiniment cocasse d’entendre parler de chômage sur l’Hiver de Vivaldi ou de se trouver comprimé – actualité oblige – dans les transports en commun de la RATP sur l’ouverture de Guillaume Tell. L’évocation de situations quotidiennes sur de la « grande » musique induit un décalage d’autant plus savoureux que les airs ne font pas que s’enchaîner. Aurore Bourdon et Marion Lépine chantent des paroles contemporaines sur la musique classique et passent sans transition d’un univers musical à un autre, mêlant avec dextérité et humour tous les genres. Il faut saluer la performance qui les fait passer à bride abattue à travers tous les styles et toutes les époques au milieu d’une phrase musicale ou d’un texte. Elles nous baladent de surprise en surprise, d’airs en airs que l’on se prend à fredonner, de réminiscences qui remontent à la surface et s’enchaînent avec maestria, accompagnées en cela par des adaptations musicales pour l’accordéon qui se mue en l’occurrence avec dextérité en orchestre complet.
La musique, mais pas seulement
Une inventivité pleine de poésie et de surprises est au rendez-vous lorsqu’un tutu se métamorphose en ciel étoilé tout clignotant d’étoiles que la Lune vient visiter ou qu’un joli bibi abrite une boîte de kleenex pour étancher les larmes du désespoir. Construit comme une série de séquences dont l’intitulé est inscrit chaque fois sur le mur en fond de scène, le spectacle nous promène dans les événements petits et grands qui composent la vie quotidienne. À l’operassedic succèdent, par exemple, la balade dans Paris et l’Operatp tandis que les amours et les amitiés se forment sur l’Operappeletoi avant de sombrer dans l’Operamour. Une histoire s’ébauche entre la blanche colombe provinciale un peu naïve qui décide de monter à la capitale pour faire carrière et devenir vedette et la diablesse tentatrice qui se joue d’elle. Sous le signe du noir et du blanc, le tutu est de rigueur et cygne noir et cygne blanc se livrent à une parodie de danse classique on ne peut plus cocasse. Il faut dire qu’elles ont la pêche, nos deux chanteuses en perdition. Avec un bel ensemble, elles passent sans claquettes de la comédie musicale façon Fred Astaire au tango, valsent en cadence ou rugissent dans le micro pour notre plus grand bonheur. Trouveront-elles leur place et gagneront-elles leurs galons pour toucher les Assedic ? Il faut se rendre au spectacle si vous voulez en connaître la fin…
Opérapiécé, de et avec Aurore Bouston et Marion Lépine
Mise en scène : William Mesguich
Direction musicale : Louis Dunoyer de Segonzac
Accordéon : Marion Buisset ou Vincent Carenzi
Costumes : Black Baroque. Chorégraphies : Barbara Sylvestre. Création lumière : Éric Schoenzetter
Du 8 décembre 2021 au 30 janvier 2022, du mardi au samedi, 21h00, dimanches à 17h30. Relâches les 25/12, 1er, 13 & 22 janvier 2022
Théâtre Le Lucernaire – 53 rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris
Tél. 04 42 22 66 87. Site : www.lucernaire.fr
Tournée
Vendredi 11 février 2022 - Noisy-le-Grand - Espace Michel Simon,
Samedi 12 février 2022 - Champs-sur-Marne - Salle Jacques Brel
Dimanche 22 mai 2022 - Sarcelles - Salle Jacques Berrier
Jeudi 9 juin 2022 - Versailles - Royale Factory