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Arts-chipels.fr

Les Paillettes de leur vie. Quand la cryogénie spermatique plonge dans les vertiges de la paternité.

Phot. © Marie Charbonnier

Phot. © Marie Charbonnier

Mickaël Délis a fait de sa vie sexuelle et amoureuse le motif de sa « Trilogie du Troisième Type ». Après s’être attaqué aux clichés normatifs des genres et au symbole de la masculinité, le pénis, ce dernier volet aborde, avec le même humour joyeux et iconoclaste, l’épineuse question d’être père.

Comme pour chacun des spectacles de cette trilogie, le plateau est nu. Seul un petit tas de fragments de papier blanc occupe le centre de la scène. Comme à l’accoutumée, c’est en partant de rien ou presque que Mickaël Délis, seul en scène, sollicite l’imagination de son public. Le sujet du jour, c’est le don de sperme, après qu’une des amies de l’auteur-comédien a fait état du manque de donneurs et l’a convaincu d’entrer dans la confrérie. Rien de plus anodin en apparence que d’abandonner son sperme à une institution qui le transformera en jolies paillettes – qui forment un tas sur scène –, cryogénisées et mises à disposition des femmes, accompagnées ou pas, en mal d’enfant. Mais rien n’est si simple qu’il y paraît.

Phot. © Marie Charbonnier

Phot. © Marie Charbonnier

Être donneur : une odyssée

Mickaël Délis ne nous cache rien des étapes qui ponctuent l'entreprise : questionnaires, rendez-vous successifs, psychologues et médecins, réalité et déroulement des prélèvements. On fait un petit détour par la physiologie de l'appareil génital, on parle de production du sperme, on considère la taille des bourses, craie et tableau noir à l'appui, blouse blanche sur le dos. Le « pourquoi pas ? » initial se transforme en parcours du combattant que l'auteur anime avec un humour ravageur, devenant tour à tour le « client » et le praticien qui, comme il se doit, se fait de plus en plus inquisiteur, jusqu'à poser la question qui tue : pourquoi ? Pourquoi donner votre sperme anonymement ? N'avez-vous pas envie d'être père ? Et, pour clore le tout, la question de l'anonymat et la loi qui stipule que l'identité du donneur pourra être accessible à l'enfant à sa majorité, d'où la suggestion insistante d'écrire une lettre à l'enfant à naître… Là, c'est la panique et la remontée à la surface de toutes les questions qu'on avait, jusque-là, évité de se poser, qu'on avait soigneusement enfermées, pour toujours, croyait-on… 

Le grand déversement de l'intérieur de soi

La boîte de Pandore est ouverte et avec elle surgissent les questionnements personnels, toujours présents dans les spectacles de Mickaël Délis, mais qui prennent ici, avec leur habituel cortège d'ironie tendre et de petits travers, une dimension plus empreinte de gravité. Parce que le questionnement sur la paternité vient au moment du décès d'un père absent, perçu comme lointain pas seulement par son départ du domicile familial. Parce que se pose la question de « fonder famille », normative ou pas, et parce que l'avenir d'un possible enfant à naître occasionne un retour dans le passé qui interroge le concept de « paternité ». Donner naissance, grandir faire, accompagner… autant d'éléments qui ne sont pas du domaine de l'évidence et qui ne concernent pas seulement l'auteur du spectacle.

Phot. © Marie Charbonnier

Phot. © Marie Charbonnier

Les fils tissés de la trilogie

Si d’un spectacle à l’autre les figures parentales, et de manière prépondérante celle de la mère, aimante et attentionnée entre deux bouffées de cigarettes, sont présentes, une continuité est établie entre les spectacles par le biais des accessoires. Ainsi, les confettis de papier qui renvoient aussi bien aux paillettes de cryogénie qu’au sables des plages de l’enfance, à la mousse du bain du filleul, aux cendres du père et aux médicaments de la mère seront accompagnés par les objets qui servaient de support principal aux précédents spectacles, citant en clin d’œil les voiles blancs transformés en bébé du Premier sexe qui deviendront serviette dont on éponge le « petit » filleul, ou les bâtons-sexes de néon de la Fête du slip.

Une grande humanité

À chaque fois le trait est juste, d’une acuité remarquable. On se divertit beaucoup de la manière avec laquelle Mickaël Délis rit de lui-même en même temps que de ses proches. Acteur caméléon, en transformations incessantes, campant tous ses personnages à grands coups de mimiques et de tics révélateurs, il les rend en même temps profondément humains. Aucune aigreur ne se dégage de ces règlements de compte étalés dans la joie et la bonne humeur même si l’auteur ne fait pas silence des dégâts occasionnés. Mais surtout, on trouve dans ces Paillettes parentales un « plus » par rapport aux spectacles précédents : l’impression d’un chemin parcouru qui dégage beaucoup d’amour. Sans doute est-ce là que réside la parentalité. Avec délicatesse, Mickaël Délis sait, en même temps que sa dérision, nous faire partager l’émotion qu’elle suscite.

Phot. © Marie Charbonnier

Phot. © Marie Charbonnier

Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage
S Texte, co-mise en scène et jeu Mickaël Délis S Co-mise en scène Clément Le Disquay et Mickaël Délis S Collaboration artistique David Délis, Romain Compingt, Anne-Charlotte Mesnier S « La Trilogie du Troisième Type » » – composée de : Le Premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité, La Fête du slip ou le pipo de la puissance, Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage – a reçu le soutien de la DRAC Ile-de-France pour son premier volet Le Premier Sexe, ou la grosse arnaque de la virilité, l’Aide à la reprise en 2023 et l’Aide à la création pour La Fête du Slip en mars 2024 S Durée 1h15

Du 23 mai au 14 juin 2025, ven. 21h, sam. 20h, dim. 25 mai, 1er & 6 juin, 18h, 8 juin 20h
Théâtre de la Reine Blanche – 2 bis Passage Ruelle, 75018 Paris
www.reineblanche.com

La « Trilogie du Troisième Type » (durée de chaque spectacle 1h15) sera présentée
Les 7 et 8 juin 2025 à la Reine Blanche Paris (intégrale, de 17 à 22h)
Du 5 au 23 juillet 2025 à Avignon Reine Blanche (84), en 3 spectacles séparés
De début sept. à fin déc. à la Scala-Paris, en 3 spectacles séparés

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