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Arts-chipels.fr

Esquif (à fleur d’eau). Quand la Mer relaie les récits des migrants.

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

S’inspirant de témoignages de rescapé.es recueilli.es par le navire humanitaire de SOS Méditerranée, Ocean Viking, la pièce d’Anaïs Allais Benbouali trouve une forme délicate pour témoigner du drame que vivent ceux qui, fuyant leur pays, tentent, sur les embarcations de fortune, de gagner l’Europe.

Dans un espace resserré, tri-frontal, les enfants entourent un espace neutre recouvert de plastique bleu. À jardin une violoncelliste introduit une histoire faite de délit de faciès et d’adultes « chelou » où les grandes personnes, qui ont le savoir, ont tout faux et où les enfants comprennent tout sans savoir. Passé cette entrée en matière un peu laborieuse, on entre dans le (bleu) vif du sujet. Ceux dont il va être question sont assis entre des chaises – comprenez des pays – parce qu’ils espèrent déménager ou ont besoin d’être ailleurs. La mer, animée par un ventilateur placé sous le plastique, gonfle ses flots. Celle qui va l’incarner apparaît, un récipient de verre transparent dans lequel baigne une algue à la main. Elle est la mer sur laquelle navigue le bateau-ambulance de SOS Méditerranée et ce n’est pas de gaieté d’algues qu’elle a englouti l’esquif qui portait ces gens venus de toutes parts, qui ne peuvent trouver leur place.

À l’origine, un fonds documentaire

Inspirée par une réalité tragique – depuis dix ans, plus de 28 000 personnes ont trouvé la mort en tentant de franchir la Méditerranée dans des conditions épouvantables, parfois à 200 sur un canot pneumatique – et par les efforts déployés par les associations humanitaires – on compte plus de 30 000 personnes sauvées par le navire humanitaire Ocean Viking  – la pièce évoque les origines géographiques des migrants – Afghanistan, Guinée, Moyen-Orient… – et leurs motivations. Miséreux souffrant de la faim, femmes voulant échapper au mariage forcé, hommes réfractaires au service militaire, enfants poussés par leurs parents, exilés politiques affrontent la maltraitance de passeurs sans foi ni loi et le danger de la traversée dans l’espoir d’une vie meilleure. 

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Une approche onirique et sensible

Leur histoire, ils ne sont plus là pour la raconter. La mer les a engloutis et ils demandent à cette mer devenue mère de se faire l’écho de leur histoire « pour que nous existions ». Elle va donc « retourner la carte » pour parler de ceux qui ont fini par « faire peuple avec les poissons ». Évoquer ceux qu’on a « laissés au bord de [leur] vie » dans le bruit des bulles, ceux qui vaguent dans les eaux, cliquettent, gloussent, grincent et sifflent avec les dauphins, chantent avec la baleine, sur une mer qui autrefois ne séparait pas les continents mais les unifiait. Cette mer-mémoire fait remonter le souvenir d’un exil oublié, que tous les hommes ont partagé. Elle stigmatise ces adultes qui, au lieu des étoiles, comptent aujourd’hui les billets.

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

De l'imaginaire à la vraie vie

Entre onirisme et réalité, elle évoque de manière plus concrète les sauvetages en mer, les gestes de base pour secourir : les vêtements secs, les rations alimentaires, les premiers soins. Un bateau-jouet devient l'Océan Viking sur lequel des personnages de papier scrutent l'horizon à la recherche de rescapés, le pont du bateau se peuple de figurines tandis que des extraits d'interviews donnent le cadre « documentaire » qui a servi de base à la conception du spectacle. L'imaginaire débouche sur la vraie vie. À hauteur d'enfant, la Méditerranée devient un personnage pour faire comprendre à des enfants que le sauvetage des migrants et leur accueil nous concernent tous. L'allégresse des femmes qui entonnent un chant de joie à la fin est là pour nous rappeler de quoi le mot « humanité » devrait être porteur.

 

Esquif (à fleur d'eau)
S Texte et mise en scène Anaïs Allais Benbouali S Avec Anissa Kaki , comédienne, Amandine Dolé , comédienne et violoncellisteS Son Sandy Ralambondrainy S Scénographie Lise Abbadie S Régie générale Thomas Demougeot S Production Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDNS Coproduction La Grange aux BellesS Pour écoles, bibliothèques et lieux non équipésS Jauge 60 personnes (ou 2 cours) S Durée 45 minS Dès 8 ans

Du 4 au 22 décembre 2024

Théâtre de la Colline – 15, rue Malte-Brun, 75020 Paris www.colline.fr

6 et 7 février 2025 Communauté de communes d’Erdre et Gesvres
Du 25 au 28 février 2025 au ZEF – Scène nationale de Marseille
Du 18 au 22 mars 2025 au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Du 28 au 30 avril 2025 au Quai – CDN Angers Pays de la Loire

 

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