22 Octobre 2024
Armand Gatti aurait eu cent ans en janvier 2024. France culture et le Théâtre de la Ville évoquent, dans une émission qui sera diffusée le 17 novembre prochain, la personnalité de l’anarchiste qui incarna infatigablement la résistance au « penser droit » et fit de son œuvre l’expression de la vie même.
Ceux qui l’ont rencontré au fil de leur parcours, se souviennent de sa personnalité incandescente et de la passion qui, durant trois quarts de siècle, au mépris de toutes « normes » et de tous critères esthétiques préétablis, fit du théâtre la tribune en acte non seulement de tous les sujets qui bougent – et de ceux qui fâchent aussi – mais une pratique en rupture, travaillant avec des non comédiens, des êtres à la marge, des personnes en délicatesse avec la justice, des militants et des « loulous » simplement désireux de « faire », de prendre part au questionnement incessant qui motiva toute l’œuvre d’Armand Gatti. Un parcours collectif servi par une écriture poétique intense qui fait de Gatti un personnage emblématique de près de quatre-vingts ans d’histoire.
Un siècle de contestations et de luttes
Gatti, c’est à lui seul un monde qui croise tout ce que la vie politique, intimement mêlée à son expérience propre, a produit. Depuis son aventure familiale – un père éboueur, qui mourra des suites d’une tabassage lors d’une grève en 1942 – qui lui inspire la Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G., il n’est pas une remise en question qu’il n’ait abordée, dans son métier de journaliste d’abord, qui le mène de par le monde – d’Algérie en Chine et d’Allemagne au Guatemala, mais aussi sur tous les terrains de la lutte révolutionnaire. Parachutiste à Londres durant la Seconde Guerre mondiale, journaliste en Chine, en Sibérie, en Corée du Nord, consciencieux au point d’apprendre le métier de dompteur pour réaliser un reportage qui lui vaut en 1954 le prix Albert-Londres, ouvrier spécialisé à Berlin après l’interdiction à Paris de la Passion du général Franco, interdit par Michel Debré en dépit du soutien d’André Malraux, en décembre 1968, il est emblématique de cette partie du XXe siècle où utopies en actes et combats politiques rythmaient la vie quotidienne. L’Affiche rouge, la condamnation à mort des anarchistes Sacco et Vanzetti aux États-Unis (Chant public devant deux chaises électriques, 1964), Cuba, la guerre du Vietnam, Rosa Luxembourg (Rosa collective, 1971), l’anarchiste ukrainien Nestor Makhno, sont autant de sujets qu’il traite au même titre que les Treize soleils de la rue Saint-Blaise, écrits pour le TEP de Guy Rétoré à partir des témoignages d’habitants du 20e arrondissement de Paris sur les transformations du quartier en 1968 ou les Combats du jour et de la nuit à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, pour l’anniversaire de la Révolution française, avec douze détenus en 1989.
Au-delà du documentaire, un témoignage chaleureux et personnalisé
David Lescot et Olivier Neveux ne se livrent pas seulement à une traversée du temps qui suit la chronologie de la vie et de l’œuvre d’Armand Gatti. Ce qu’ils livrent c’est l’impact que l’homme et son œuvre ont eue sur leur propre parcours et, partant, sur toute une génération qui a vécu au contact, proche ou lointain, d’Armand Gatti. C’est ce « je » qui dit, plus qu’un long discours, l’impact d’Armand Gatti sur toute la pensée artistique contemporaine, son esprit de remise en cause permanente dont nous devons aujourd’hui conserver la mémoire, non dans une armoire aux souvenirs mais comme une pensée en actes.
À travers les extraits choisis par David Lescot –la Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G., Chant public devant deux chaises électriques, Un homme seul, La passion en violet, jaune et rouge, Rosa Collective, Nous ne sommes pas des personnages historiques, Opéra avec titre long, La traversée des langages, Chant d’amour des alphabets d’Auschwitz – lues par les comédiennes et les comédiens de la troupe du Théâtre de la Ville et les musiques chantées interprétées par Anthony Capelli, Philippe Thibault et Ludmilla qui rappellent le combat antiségrégationniste de Nina Simone, les chants de la guerre d’Espagne ou Rosa Lux (paroles et musique de David Lescot), on traverse le temps, mais aussi ses espoirs, ses croyances et ses mythes.
Ainsi cette « Scène imaginaire » rappelle-t-elle aussi, à travers la poétique de Gatti, ce moment où l’on arborait « L’imagination au pouvoir. » Je vous parle d’un temps…
Scène imaginaire - Armand Gatti
S Lectures & conversation enregistrées en public le lundi 7 octobre 20h au TDV-Sarah Bernhardt -grande salle S Choix des textes David Lescot et Olivier Neveux S Lectures dirigées par David Lescot S Entretien avec David Lescot et Olivier Neveux par Arnaud Laporte S Réalisation Baptiste Guiton S Avec Ilona Astoul, Jauris Casanova, Ludmilla Dabo, Valérie Dashwood, Edouard Eftimakis, Sarah Karbasnikoff, Serge Maggiani, Gérald Maillet, Jackee Toto S Et les musiciens Anthony Capelli, Philippe Thibault S Extraits d’œuvres d’Armand Gatti : La vie imaginaire de l’éboueur Auguste G., Chant public devant deux chaises électriques, Un homme seul, La passion en violet, jaune et rouge, Rosa Collective, Nous ne sommes pas des personnages historiques, Opéra avec titre long, La traversée des langages, Chant d’amour des alphabets d’Auschwitz (œuvres publiées aux éditions Verdier) S Musiques jouées par Anthony Capelli, Philippe Thibault et David Lescot, avec au chant Ludmilla Dabo : Mississipi Goddam de Nina Simone, El Quinto Regimiento (chant de la guerre d’Espagne), Tire une balle dans ma tête (sur Rosa Luxemburg, paroles et musiques de David Lescot), La Makhnovtchina (paroles d’Etienne Roda Gil) S Une production de France Culture en partenariat avec le Théâtre de la Ville à l'occasion du centième anniversaire de la naissance d'Armand Gatti
Diffusion sur France Culture dans Fictions / Théâtre & Cie.
Le dimanche 17 novembre 2024 à 20h