2 Décembre 2024
Ce délicieux spectacle plein d’humour et de gaieté plonge des enfants captivés dans les arcanes de la naissance et de leur petite enfance. Du côté des adultes, ce parcours souvenirs-souvenirs a la douce saveur de la réminiscence et de l’histoire vécue…
Quand on a six ans, le monde des grandes personnes n’est plus tout à fait du domaine de l’intouchable, même si l’on connaît les commentaires agacés du « on verra plus tard, je suis occupé » ou « tu es encore trop petit ». Les parents, les enfants les observent, scrutent leurs comportements, les singent aussi parce qu’avoir l’air grand, c’est rentrer dans la grande communauté des hommes. Alors, quand sa grand-mère (ou son grand-père) décide d’écrire le journal de sa vie, Sami, un petit garçon joué par une fille – comme ça on les met dans le même sac, ils sont pareils –, décide de faire de même. Parce que lui-elle aussi, il-elle en a des choses à raconter.
Les « verts » paradis de l’enfance
Nous voici à hauteur d’enfant plongés dans une chambre bourrée de jouets de toute sorte. Il y a même une vraie tente, pleine de fermetures éclair partout ! On ouvre un coffre et on en tire peluches et appareils. Il y a les traditionnels accessoires des garçons, la moto, la voiture, l’avion et autres robots, et ceux qu’on prête d’ordinaire plus aux filles – des bébés, des poupées, des peluches. Ici tout ce petit monde est animé. Les animaux couinent, l’éléphant barrit, les bébés pleurent, rient, boivent leur lait, font pipi. Ceux qui n’auraient pas de bruit associé, on leur fabrique un environnement sonore. Une caverne d’Ali Baba sur lequel l’enfant règne en maître absolu. Et tout ce petit monde, par la vertu de son propriétaire, se raconte des histoires, se bagarre à l’aide d’épées improvisées, imite parfois les conversations ou les attitudes des grandes personnes, du moins comme on les perçoit. Ils sont les protagonistes de l’histoire de l’enfant, ses possessions en propre. Il les manipule pour expliquer son monde…
Écrire ? ses mémoires
Forcément, il y a beaucoup de choses à dire dans ses mémoires. Donc ce sera long à faire. C’est bien joli mais à six ans, l’écriture c’est pas évident, même si on apprend à former des lettres ou qu’on déchiffre les mots écrits. C’est le bazar, d’autant qu’il faut en aligner des phrases vu la quantité à dire. Puisque ça part dans tous les sens, il faut trouver d’autres stratégies. Et comme de l’imagination, Sami n’en manque pas, il va faire avec les moyens qu’offre notre époque et mettre à contribution machines musicales électroniques ou acoustiques. Ses mémoires seront décomplexées, modernes, ou ne seront pas.
Des mémoires, pour quoi raconter ?
Si les adultes ont des souvenirs, ceux des enfants remontent à quand et à où ? La tente se métamorphose en ventre maternel-baignoire dans lequel le bébé prend son bain. Et quand les parents mettent de la musique, on n’entend pas grand-chose vu que dans l’eau les sons sont étouffés – manière de pointer du doigt avec humour les innombrables injonctions en tout genre édictées par les psys et les innombrables manuels de « J’élève mon enfant ». L’air de rien, David Lescot s’attaque aux grandes questions que posent les enfants, qui laissent parfois les parents interdits quand on leur demande « C’est quoi Dieu ? » ou « C’est quoi l’infini ? ». Sauf qu’ici c’est sur eux-mêmes – et par ricochet sur nous – que s’interrogent les enfants. Et on sait bien aujourd’hui que pour parler de naissance, les choux et les cigognes, ça n’est plus de saison.
En direct avec les enfants
Tout au long du spectacle, Sami prend le public à témoin. C’est à nous qu’il-elle raconte son histoire. Il-elle nous fait profiter de ses commentaires, c’est pour nous (pour les enfants présents mais pas que) qu’il-elle organise son petit théâtre. À l’aise dans ses chaussettes, Sami mime le bébé, tire sur la manche des parents, ou traduit en musique ses états d’âme de six ans. Il-elle s'amuse avec les chansons d'enfant, pastiche ce qui ressemblerait à du Boris Vian, se déchaîne sur le rap et se la joue gentil garçon ou un peu racaille. Et lorsqu’il-elle chante, ça commence à s’agiter dans la salle. Parce que le rythme ça donne envie.
Les enfants entrent de plain-pied dans cet univers plein de tendresse, de poésie inventive et d’humour et les parents accompagnateurs se retrouvent une âme d’enfant. Le spectacle pétille. Et dans ces mémoires à hauteur de petit, elle paraît belle, la vie !
Depuis que je suis né
S Texte, mise en scène et musique David Lescot S Avec Louise Guillaume ou Mirabelle Kalfon (en alternance) S Scénographie Alwyne de Dardel S Conception sonore, électronique Antony Capelli S Lumières Paul Beaureilles S Costumes Olga Karpinsky S Régie générale Romain Pignoux S Production Compagnie du Kaïros S Coproduction Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN S Avec la participation du Jeune Théâtre National S Texte édité chez Actes Sud Papier Heyoka en janvier 2022 S La compagnie du Kaïros est subventionnée par le Ministère de la Culture – DRAC Ile de France S Création dans le cadre d'Odyssées en Yvelines le 18 janvier 2022 à la Salle des Fêtes de Villiers-le-Mahieu, un festival de création théâtrale enfance et jeunesse conçu par le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN, en partenariat avec le conseil départemental des Yvelines S David Lescot est artiste associé au Théâtre de la Ville-Paris S À partir de 6 ans S Durée 45 mn
TOURNÉE
2 > 4 décembre 2024 Festival Ad Hoc / Le Volcan - scène nationale du Havre