20 Juin 2019
La trame du spectacle entremêle avec efficacité recherche documentaire et œuvre fictionnelle dans une fable qui aborde les spoliations des juifs durant la guerre et une quête d’identité.
Louise, une jeune étudiante, effectue un stage aux archives de la Préfecture de police. Sa mission : classer des documents remontant à la Seconde Guerre mondiale et aux années qui l’ont suivie. Rien de bien palpitant au demeurant. Mais voici qu’elle découvre un dossier relatif à un syndic d’immeubles pour le moins particulier. Il réclame à l’Union Générale des Juifs de France (UGIF) des arriérés de dettes de juifs disparus dans des camps de concentration. L’affaire est suffisamment surprenante et scandaleuse pour qu’elle donne envie à la jeune fille de remonter la piste…
Une enquête doublée d’un récit de fiction
Cette histoire est d’abord issue du travail de recherche qu’effectue Viviane Point sur une femme déportée à Auschwitz, Sylvia Weissmann, morte en 1943. Elle y trouve la mention d’un enfant d’à peine un an, séparé de sa mère à Drancy puis envoyé de pouponnières en logements d’urgence jusqu’à finir chez une nourrice accréditée par le Haut Commissariat aux questions juives. On perd ensuite sa trace. Au cours de ses recherches, l’auteur fait aussi émerger, dans la masse des documents consultés, les demandes répétées d’un syndic de copropriété réclamant à l’UGIF les loyers de personnes déportées. Elle croise les deux histoires pour créer une fiction qui s’enracine dans la réalité. Louise, la jeune étudiante lancée sur les traces du syndic Jouveau, rencontre le fils de ce dernier. Ses recherches la mèneront vers de sales affaires de dénonciation et de spoliation, mais la mettront aussi sur la piste des origines réelles du fils de ce syndic.
Un spectacle efficace
À la manière d’un polar, la pièce amène le spectateur à entrer peu à peu dans la réalité de ces années terribles. Très construite, dans l’agencement des scènes comme dans la distribution des espaces, elle l’oriente dans les méandres du dossier. On découvre avec intérêt les fragments de l’enquête effectuée par Viviane Point. La musique, constituée de sons produits par de curieux instruments – bruitages de machines à écrire et de chariots qu’on fait revenir à la ligne, casseroles utilisées comme percussions, étrange instrument à soufflet qu’on manipule assis – est intéressante et parfaitement adaptée à cet univers de paperasses accumulées qui imprègne l’action. Reste que l’ensemble est un peu cousu de fil blanc. L’idylle naissante entre la jeune fille et le fils du syndic est digne des meilleurs romans populaires, et les indignations vertueuses exprimées par la pièce ne laissent pas au spectateur la liberté de les imaginer lui-même. L’ensemble n’en est pas moins sympathique et de nature à susciter des questionnements pertinents et l’ouverture d’un dialogue.
Le Dossier Jouveau de Viviane Point
Mise en scène : Taïdir Ouazine
Avec : Éloïse Auria (Louise), Julien Favart (Jouveau fils), François Macheret (Jouveau père), Catherine Aymerie, Stéphane Scott (univers sonore)
Du 5 au 28 juillet 2019 à 20h45 (relâche les 9, 16 et 23)
Théâtre des Lucioles – 10, rue du Rempart Saint-Lazare – 84000 Avignon