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Arts-chipels.fr

Les Grands rôles. Les Mauvais Élèves révisent leurs classiques.

Les Grands rôles. Les Mauvais Élèves révisent leurs classiques.

Une visite enlevée et pleine de drôlerie aux grands rôles qui ont fait les belles pages du théâtre. Un moment à savourer pour le seul plaisir du rire.

De Richard III à Cyrano de Bergerac ou Dom Juan, de Lucrèce Borgia à Médée en passant par Roméo et Juliette, Électre ou l’École des femmes, cette plongée dans nos classiques – même si certains le sont moins comme Anouilh ou Giraudoux – offre le plaisir des retrouvailles libérées du caractère empesé de l’étude. Le plaisir, ici, c’est le théâtre et rien que le théâtre. Le décor le dit bien, réduit qu’il est à deux rideaux à cour et jardin qui servent aux nombreuses transformations que les quatre comédiens en scène assurent tambour battant avec une énergie inépuisable.

Une revanche jubilatoire sur les petits classiques.

Il y a dans cette pièce quelque chose de la vengeance d’avoir souffert sur les commentaires de textes que nous ont imposés les études secondaires, une manière de retourner le sérieux pour en rire, de se moquer des questions de compréhension du texte qui ont bercé nos enfances. L’une des comédiennes, d’ailleurs – look petit prof coincé sanglé dans un tailleur et petit chemisier blanc à jabot – le rappelle à maintes reprises, au cas où nous aurions oublié l’inanité de certaines questions qui nous faisaient soupirer d’un air excédé lorsque nous les voyions poser. Dans l’esprit avec lequel à « Rodrigue, as-tu du cœur ? » nous répondions enfants « Non, j’ai du pique » et autres billevesées, les potaches s’amusent, et nous avec.

© La Belle du Gabut

© La Belle du Gabut

Détournements en tout genre

Commentaires sur les textes, dérapages, trous de mémoire, outrance du jeu introduisent une distance avec ces grands classiques dont les tirades reviennent dès lors que retentissent les premières phrases. Hamlet, déguisé en hippie, se pose ses questions existentielles en chantant et en s’accompagnant sur une guitare d’enfant. Quant au petit chat des Femmes savantes, il meurt, écrasé dans son panier par un pied vengeur. Les filles jouent les garçons, les garçons s’efféminent. Bérénice Goudy prend une voix de rogomme pour incarner Richard III l’estropié. Médée, amoureuse sanguinaire revue par Anouilh, s’imprègne d’une sensualité débordante et crue. Cuir et style punk s’invitent au banquet, introduisant une pincée de contemporanéité chez les personnages. La tirade de Cyrano de l’acte II où Cyrano s’interroge sur son avenir et se refuse à être courtisan, traitée en mode slam, est d’une inventivité impayable…

© La Belle du Gabut

© La Belle du Gabut

La patte de Shirley et Dino

Le portrait de Juliette en nunuche maniérée et naïve, perruque blonde version salade frisée sur la tête et minijupe, rappelle le personnage féminin du duo Shirley et Dino, dont elle adopte la voix perchée. La confusion permanente des prénoms entre le personnage et le comédien – t’es qui toi ? – les intrusions intempestives, les fausses sorties rappellent les clowneries des deux duettistes. Et en effet chacun cherche son clown, dans le dandysme ou dans le trash, dans le petit bourgeois, le vieillard facétieux, le déjanté « grave » ou la minette écervelée. À bride abattue, un monologue succède à l’autre, les transformations s’opèrent, les culottes bouffantes apparaissent sous les pantalons, le punk alterne avec le hippie, tandis que valsent les tenues sur scène ou hors scène.

© La Belle du Gabut

© La Belle du Gabut

La vengeance des classiques

On rit beaucoup et cela fait du bien. On joue au jeu de reconnaître à qui les textes appartiennent – et on est parfois perdant. Mais dans le même temps on réécoute ces textes qui pour beaucoup n’ont pas pris une ride. Car ce sont de grands textes, celui où Richard III, prince contrefait, dit sa volonté de nuisance, sa revendication d’être hors norme ; celui où Lady Macbeth, pleine d’outrance et de rage, en appelle à l’enfer et au meurtre ; ou le monologue de Cyrano clamant avec un humour vengeur son refus si actuel des compromissions et des courbettes. On goûte avec délices l’oxymore de l’« obscure clarté qui tombe des étoiles » du Cid, on déguste la profession de foi de séducteur de Dom Juan dont « tout le plaisir est dans le changement » avec ce qu’il faut de réminiscence amusée et de contemporanéité, on se régale des ronflements de langue en alexandrins du père Hugo. Bref, les textes résistent et cela est bien. Au bout du compte classiques et dérision se renvoient la balle et bien mal venu serait celui qui pourrait dire lequel des deux gagne…

© La Belle du Gabut

© La Belle du Gabut

Les Grands rôles par les Mauvais Élèves.

Avec des textes de Shakespeare, Victor Hugo, Giraudoux, Edmond Rostand, Anouilh, Tchekov, Corneille et Molière

Mise en scène : Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino

Avec : Valerian Behar-Bonnet, Élisa Benizio, Bérénice Goudy, Antoine Richard

Lucernaire – 55 rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris

Du 13 février au 21 avril 2019, du mardi au samedi à 21h00, le dimanche à 18h00.

Tél. 01 45 44 57 34. Site : www.lucernaire.fr

En tournée

20 mai 2019, Marseille

24 mai 2019, Jonzac

15 juin 2019, Saint-Valery-sur-Somme

10 avril 2020, Canejean/Cestas

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