8 Mai 2018
Julie Autissier et Raphaël Gallandreau rendent de très jolie et agréable manière dans ce spectacle musical hommage aux Jacques qui peuplent la chanson et la variété françaises.
Elle est une boule d’énergie grimpée sur hauts talons, lui, un grand dégingandé – ou du moins paraît-il ainsi lorsqu’il se dresse près d’elle. Ils chantent et jouent, pour notre plus grand plaisir. Elle, la voix de gorge un peu voilée venue des profondeurs, lui, la voix de tête qui ne craint pas de s’élever dans les aigus. Ils jouent du piano – surtout lui, et sa maestria est impressionnante. Comme en passant, l’air de ne pas y toucher, il brode en permanence, commente, réinterprète des mélodies que nous connaissons pour la plupart par cœur et qu’on découvre, en les écoutant, sous un autre jour. Elle dit et chante les textes à sa manière. À la saveur, intacte, des textes qu’ils interprètent, ils ont ajouté leur touche personnelle…
Quand tous les Jacques du monde…
… Ou au moins ceux de la chanson française se donnent la main… Il y a ceux qui s’imposent, d’emblée – Dutronc, Brel ou Higelin. Ceux qu’on n’évoque jamais sans un sourire et dont on se remémore les textes un peu verts, les collants noirs et la gestuelle clownesque – les Frères Jacques. Viennent ensuite ceux auxquels on n’aurait pas pensé au premier abord mais qui tiennent leur place, qu’ils viennent de l’opérette (Offenbach) ou aient été fascinés par la comédie musicale (Jacques Demy). Et pour fermer la marche, les compositeurs de parole, de musique ou des deux dont nous fredonnons encore les airs mais à qui nous n’attribuons pas toujours les morceaux. Tels Jacques Prévert et ses Enfants qui s’aiment qui hantent toujours les Portes de la nuit de Marcel Carné, Jacques Revaux dont l’inoubliable Comme d’habitude a bercé la génération yéyé sous la houlette de Claude François ou Jacques Datin dont la musique inoubliable a accompagné la Petite fille en pleurs que Nougaro poursuit encore dans les rues de Paris. Le paysage serait incomplet sans l’Inspecteur Gadget créé par Jacques Cardona, la légèreté cocasse de Jacques Pills dans Couché dans le foin ou l’ineffable Jacques Martin et ses dérisoires vedettes en herbe qui ont fait en leur temps rire la France entière.
Au-delà du collage, un spectacle admirablement maîtrisé
Les éléments du montage, on le voit, ont déjà de quoi faire saliver. Mais Julie Autissier et Raphaël Callandreau ne se contentent d’enfiler les airs comme on place des perles sur un fil à la suite les unes des autres. À la délicatesse inventive des arrangements vocaux et musicaux et à la complémentarité des voix ils ajoutent une science de la construction proprement théâtrale. Des documents d’époque surgissent par endroits – le dialogue entre Jacqueline Joubert et Jacques Douai laisse dans l’oreille une délicieuse saveur surannée – vite remplacés par le spectacle qui s’y infiltre pour en proposer une version décalée. L’agencement des séquences alterne l’humour nonchalant d’un Dutronc, les irruptions poétiques de l’aiguilleur du ciel d’Higelin tombé du lit, la faconde égrillarde des Fesses alléchantes des Frères Jacques mais aussi la tristesse déchirante distillée par Brel avec ces amants qui s’arrachent l’un à l’autre sur les terrasses d’Orly. Bref, on rit, on pleure, on bat la mesure, on chantonne, on se divertit… la vie et le spectacle comme on les aime, quoi !
J’ai mangé du Jacques. Montage de divers extraits impliquant des « Jacques » dans leur composition ou leur interprétation, d’Offenbach à Tati, de Prévert à Higelin, de Brel à Dutronc….
Mise en scène : Émilie Chevrillon
Avec Julie Autissier et Raphaël Callandreau
Du 7 au 29 mai 2018, les lundis et mardis à 19h45
Théâtre Essaïon – 6, rue Pierre-au-Lard – 75004 Paris
Tél. 01 42 78 46 42. Site : www.essaion-theatre.com