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Arts-chipels.fr

Portraits de Cézanne : le métier du peintre

Portraits de Cézanne : le métier du peintre

On connaît majoritairement le Cézanne des Sainte-Victoire, des natures mortes ou des baigneurs. Le musée d’Orsay choisit de mettre l’accent sur un autre aspect de la recherche inlassable du peintre : le portrait. Au gré d’une soixantaine de toiles et d’un florilège de dessins, l’exposition parcourt les différentes phases de l’œuvre, des tout-débuts aux ultimes œuvres, au début du XXe siècle.

L’exposition mêle portraits de membres de sa famille – son oncle Dominique, son épouse, son fils – de ses proches – ses connaissances parisiennes et les collectionneurs mais aussi les ouvriers agricoles, des gens du commun, ou son jardinier d’Aix – et des autoportraits.

Le reflet des différentes phases de l’œuvre

La matière picturale des portraits présente les mêmes phases du travail de l’artiste que ses autres œuvres : la période « couillarde » des débuts s’accompagne d’une pâte épaisse parfois même étalée au couteau comme dans certains portraits de son oncle Dominique. Un sentiment d’urgence y prédomine, avec des figures tracées à grands traits, à touches épaisses, cerclées de noir, toutes en contrastes, violentes comme l’état d’esprit de l’artiste à cette époque.

Puis le style s’affine et on trouve le travail de la touche qui rend Cézanne reconnaissable entre tous. Ce qui apparaît de manière manifeste, dans l’exposition, c’est sa manière d’utiliser le portrait comme terrain d’expérimentation. Hortense Fiquet, devenue son épouse, lui fournit, entre autres, une matière qu’il développe de tableau en tableau, s’attachant à rendre des rapports de volumes, un dialogue des formes à l’intérieur du tableau, une recherche colorée qui confine à la complexité de l’épure, comme dans Madame Cézanne au fauteuil jaune (1888-1890) où l’alliance des trois primaires, le bleu du fond, le jaune du fauteuil, le rouge de la robe dit, au-delà de l’absence d’expression du visage, la préoccupation de l’artiste…

Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877

Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877

Portraits d’un monde sans joie

La gravité est de mise tout au long du parcours. La violence des débuts cède la place la place à une tristesse qui imprègne ces portraits sans fard. Madame Cézanne n’y échappe pas, avec sa neutralité inexpressive qui met en avant les rayures parallèles et chatoyantes de sa robe qui se détachent sur le fauteuil rouge et s’opposent au motif décoratif essaimé de petites croix du papier peint (Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877). Cet éloignement, cette mise à distance reflète-t-elle les relations entre les époux ? Il y a en effet des rumeurs d’homosexualité en ce qui concerne Cézanne – sa brouille avec Zola, consécutive à la publication de l’Œuvre, qui met en scène un peintre raté, n’aurait, selon certains, pas que des motifs littéraires. Cette assertion éclairerait d’un jour différent les déclinaisons de Baigneurs qui répondent aux Baigneuses.

… mais d’une présence entêtante

Les portraits de Cézanne, graves et silencieux, n’en ont pas moins une puissance fantastique. Ils ne sont pas dépourvus parfois d’humanité, tel le Jardinier Vallier (1905-1906) qui prend la pose, avec comme un demi-sourire aux lèvres, mais restent énigmatiques, traités comme Cézanne le ferait d’une pomme dans un compotier. Sa Dame en bleu (vers 1904), à l’air abattu, le bras posé sur un tapis de table multicolore annonce le jeu des formes et des décors qu’on retrouvera chez Matisse, tout comme son Autoportrait au fond rose (vers 1875) qui laisse couler sur la tempe dégarnie de l’artiste un peu de son motif. Pour non psychologiques, en apparence inexpressifs et perdus dans un ailleurs qui déchante, qu’ils sont, ces portraits dégagent une force qui ne peut laisser indifférent.

 

Autoportrait à la palette, 1886-1887

Autoportrait à la palette, 1886-1887

Des autoportraits sans complaisance

Les autoportraits de Cézanne fouillent les méandres de sa personnalité. Du jeune homme farouche qui apparaît au début de l’exposition à ses autoportraits vieillissants, avec la calvitie qui gagne, des traits qui s’émacient et s’affaissent, c’est une vision sans fard que s’impose l’artiste et qu’il nous propose, observateur implacable de la lente dégradation de la figure et du corps. Ce qui demeure comme le fil conducteur, c’est cette obstination quasi inhumaine à trouver le bon prisme pour rendre compte de la lumière, à chercher, encore et toujours, la forme géométrique pure capable de s’imposer sur la toile. Dans l’exposition figure un autoportrait de Cézanne devant son chevalet (Autoportrait à la palette, 1896-1897). Sa palette y apparaît de manière complètement irréaliste. Présentée à plat sur la surface de la toile, les couleurs vers le spectateur, à angle droit avec le bras, elle semble signifier que le plus important n’est pas l’homme debout devant la toile mais la palette de couleurs qu’il utilise…

Concentré sur le portrait, qui chasse toute diversion du « sujet », l’art de l’artiste apparaît ici dans toute sa complexité et sa force.

 

Les Portraits de Cézanne,

13 juin – 24 septembre 2017. Tlj sauf mardi, 9h30-18h, jeudi jusqu’à 21h45.

Musée d’Orsay – 1, rue de la Légion d’honneur – Paris 75007

Tél. 01 40 49 48 14. Site : www.musee-orsay.fr

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