23 Janvier 2017
Mikael Chirinian, pour son troisième « seul en scène » s’inspire de Moby Dick, chef d’œuvre de la littérature américaine pour nous raconter son histoire familiale.
On est happé par ces deux histoires en parallèle qui nous raconte chacune à sa manière une histoire obsessionnelle, une vengeance destructrice, une course irrémédiable vers le naufrage. Et de part et d’autre, petit à petit le drame se resserre. Au début, on ne voit pas immédiatement le lien. On se demande pourquoi ces deux histoires mais bien vite on pressent l’irrémédiable.
L’histoire de Moby dick tout le monde la connait avec la lutte entre Achab et Moby Dick qui sur un plan métaphorique symbolise celle du Bien et de Mal.
Et on peut aussi voir une autre corrélation dans cette pièce entre Ismael, matelot de Achab et Noel, tous deux survivants au naufrage, tous deux narrateurs. Ismael pour l’histoire de Moby Dick et Noel pour celle de cette famille bien singulière.
La mère, enfant de juif pied noir, porte en elle le regret d’un pays abandonné et un sentiment irrémédiable d’exil bien enfoui. Le père, enfant d’Arméniens ayant fui le génocide et les atrocités turques sur sa famille, porte les stigmates profondes des souffrances de son père sans réellement se l’avouer. ET puis la sœur ainée en perdition qui porte ces errances et entraîne le reste de la famille dans le sillage de son naufrage.
C’est une histoire sur le déracinement et aussi une histoire sur les origines, sur l’identité que notre histoire familiale nous forge et nous transmet. Comment peut –on se construire en portant le fardeau, la douleur des générations antérieures ?
C’est une histoire sur l’amour familial, compliqué, complexe, jalonné de jalousie, sur l’amour maternel qui vaille que vaille, irrémédiablement continue d’avancer, continue d’aimer, de consoler et de donner.
Mikael Chirinian joue tous les rôles à la fois. Il va de l’un à l’autre avec une aisance incroyable. Il n’est cependant pas seul en scène. Une marionnette de Francesca Testi à son effigie lui donne la « réplique » et tous deux forment un étrange duo miroir.
La mise en scène est de Anne Bouvier et la scénographie de Natacha Markoff. La pièce commence dans un dépouillement carcéral, un plateau en bois et une chaise et finit dans une flamboyance fleurie de papier découpé qui apparaissent en ouvrant des trappes et des volets dans le décor. C’est malin et inattendu, comme une magnifique résilience après ce drame.
Au Théâtre Paris Villette
Du 18 janvier - 11 février
Fabienne Schouler