19 Novembre 2024
Avant la représentation, le rideau de scène est fermé, ce qui est assez rare désormais et typique de cette chorégraphe. Un tictac ou une sorte de minuterie à deux temps rythme les premiers mouvements des sept interprètes qui nous livrent dans ce début de chorégraphie une sorte de danse immobile où leur corps s’étire, se tord et se contorsionne jusqu’aux limites du possible. Et puis tout s’accélère et se met en mouvement. Les sept interprètes nous offrent une danse hypnotique, incroyablement technique, calée au millimètre et à la milliseconde. Rien n’est sujet à improvisation. Tout est parfaitement maitrisé et cadencé au rythme de la musique électronique d’Ori Lichtik et cependant c’est un torrent d’émotions qui nous assaillent. On est pris dans cet enchainement presque frénétique, parfois très noir et angoissant et parfois très sensuel. Sharon Eyal, la chorégraphe présente son spectacle ainsi : « Je vis, j’aime, je fonctionne tout en étant brisé.e en miettes d’amour ». Elle explore ainsi, les rapports entre amour, pulsion et folie. Elle joue sur le paradoxe entre haine et amour, entre attirance et répulsion.
Comme pour toutes les chorégraphies de Sharon Eyal, on peut parler véritablement de danse « virtuose ». Elle joue jusqu’au paroxysme avec le corps de ces interprètes. Elle met à contribution tout leur talent et leur technique jusqu’à frôler leurs limites. La performance des danseuses et danseurs est incroyable et à souligner véritablement. C’est une danse ciselée, hyper technique et cependant très sensuelle. Les corps sont déstructurés, désarticulés jusqu’à l’extrême, tous en rythme et impeccablement raccord, mais toujours en lien avec les émotions, toujours connectée avec nos sentiments et nos ressentis.
Une des particularités de Sharon Eyal est cette posture demi-pointe qui accentue l’allure filiforme de ces interprètes et leur donne une forme élancée d’une élégance incroyable. Chaque geste est travaillé au plus juste, chaque expression est étudiée avec précision. On est dans une recherche de la perfection assez fascinante et hypnotique.
Ce spectacle est une reprise. Il a été créé en 2017, et présenté à Montpellier Dance Festival pour la première fois en 2017 également. C’est le deuxième, comme son nom l’indique, d’une trilogie, créée par la compagnie L-E-V, compagnie créée en 2013 par la chorégraphe Sharon Eyal et le directeur artistique Gai Behar. Cette trilogie comprend donc OCD Love, Love Chapter2 et enfin Chapter 3 .
Sharon Eyal a commencé sa carrière avec la Batsheva Dance Company en 1990 et jusqu’en 2008. Elle y fut interprète, directrice artistique associée et chorégraphe et y créa de nombreuses pièces. En 2005, Sharon Eyal démarre sa collaboration avec Gai Behar et crée avec lui la L-E-V compagnie en 2013. Cette compagnie est beaucoup plus qu’une compagnie de danse, c’est une véritable plateforme d'innovations aux confluences de la danse, de la musique, de l’art et de la technologie.
L-E-V signifie coeur mais aussi spyché en hébreu, et ce spectacle au-delà de la technicité qu’il demande nous parle directement à nos émotions, nous raconte la vie et les sentiments qui vont autour. C’est une incroyable expérience fascinante et inoubliable. Sharon Eyal fait partie de ces chorégraphes incontournables qui marquent leur époque. A ne pas manquer.
Distribution
Création : Sharon Eyal, Gai Behar
Musique : Ori Lichtik
Danseurs : Frida Dam Seidel, Darren Devaney, Guido Dutilh, Juan Gil, Alice Godfrey, Johnny McMillan, Nitzan Ressler
Lumières : Alon Cohen
Costumes : Odelia Arnold, Rebecca Hytting, Gon Biran
Directeur technique : Alon Cohen
Techniciens : Yair Salman, Oren Elimelech, Hillel Sharp
Directeur de la compagnie : Roy Bedarshi
Directeur de production : Maya ManorLove Chapter 2
Tournée :
12-15 fév. 2024 • L’Onde Théâtre Centre d’Art (Vélizy)