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Arts-chipels.fr

Quand je serai grande, je serai (avec) Patrick Swayze. Chloé Oliverès en quarantenaire rugissante.

Quand je serai grande, je serai (avec) Patrick Swayze. Chloé Oliverès en quarantenaire rugissante.

Elle en envoie, l’ex-petite jeune fille qui se frottait en rêve à son fort en muscles avec des mines de midinette ! Avec un humour sur soi ravageur, Chloé Oliveres se penche sur ce à quoi aspirent – ou plus – les jeunes filles et sur leur devenir…

Dans son habit de lumière et ses paillettes aux souliers, elle pourrait tout droit sortir de quelque comédie musicale scintillante à bluettes et étoiles. Ce n’est pourtant pas ce qu’elle affirme, la quarantenaire qui se penche sur son passé de jeune fille. Son rêve à elle, ce n’est pas Fred Astaire, mais Patrick Swayze, le beau baraqué prof de danse sur lequel elle a fantasmé en regardant Dirty Dancing, qu’on traduirait par « danse lascive », avec son rapprochement chaud-chaud-chaud des corps qui se touchent. Elle va nous entraîner dans la folle ronde qui mêle les désirs amoureux à la découverte de soi.

© Fabrice Cervel

© Fabrice Cervel

Un seule-en-scène mené tambour battant

Sur un petit rectangle de confettis, Chloé Oliverès redessine le monde de l’adolescence version eighties, du « moi aussi j’existe » biberonné aux standards du cinéma, où l’on se rêve inoubliable en regardant avec dépit ses bourrelets dans la glace et où, sous couvert d’indépendance, on continue malgré tout à écarter les garçons trop faibles ou trop sensibles pour se jeter sur les autres, machos sans faille qu’on exhibe comme des trophées. Avec une justesse pleine de drôlerie, elle plonge dans les incertitudes de l’âge adolescent, entre la « crâneuse » exhibitionniste et le « fantôme de compagnie » toujours prête à opiner du bonnet quant à ce que veut son Homme. Elle nous ramène au temps des amours de vacances, à ses parenthèses éphémères et délicieuses, et aux révoltes au cours desquelles se dessine notre avenir.

© Fabrice Cervel

© Fabrice Cervel

Un parcours de femme en mutations permanentes

Chloé Oliverès nous plonge aussi dans les écartèlements des penchants féminins, hérités sans qu’on s’en aperçoive : le syndrome de princesse et les bluettes qui nous laissent dans la réalité le plus souvent le bec dans l’eau, ou celui de Stockholm – l’amour pour son bourreau – où l'on s'oublie pour partager les douleurs de l’autre et où l'on n’existe plus que par l’envie de le soigner. Elle esquisse un portrait de jeune fille de dix-sept ans, « meuf à mémoire de forme » malléable qui minaude et se fond dans le désir des hommes. Elle s’en affranchit en empruntant à Simone de Beauvoir sa lucidité et ses formules lapidaires telles que « Les hommes désirent et les femmes désirent être désirées ». Elle passe en revue les expériences libératoires et leur cortège de difficultés sur un air de « savez-vous planter un clou ? » et s’interroge sur l’étrange silence qui marque le milieu de l’amour, entre naissance et perte – la vie de famille, les enfants, le couple – avant d’aborder ce milieu de vie de la quarantaine où la peur de vieillir vient une nouvelle fois remettre les pendules à zéro.

© Fabrice Cervel

© Fabrice Cervel

Dirty Dancing, envers et contre tout

Le film d’Emile Ardolino traverse le spectacle de part en part comme une référence permanente dont la comédienne-autrice explore les multiples sens et leurs prolongements. Car la « Bébé » qui rêve de son Johnny à biscotos proéminents et se mue en danseuse de choc – ce à quoi tient une vocation d’actrice est parfois mince – devient aussi une femme responsable, solidaire des autres femmes, qui assume ce qu’elle est ouvertement, à la face du monde. Avec un air de ne pas y toucher en y engageant son corps entier et sa verdeur de propos, en mêlant son parcours « exemplaire » de jeune fille bien sous tous rapports à une gestuelle libérée, toute en ondulations, qui réconcilie son corps de femme avec son bas-ventre, elle est mouvement, dynamique, toujours projetée vers l’avant. Parce que la leçon de ces airs fredonnés, de la ritournelle du « être » ou « être avec » Patrick Swayze que comporte le « avec » barré du titre, pose finalement la question du moyen de parvenir à être soi-même. Ou, comme le dit le spectacle, de comprendre que « C’est toi, l’homme de ta vie. »

© Fabrice Cervel

© Fabrice Cervel

Quand je serai grande, je serai avec Patrick Swayze

S Écriture et interprétation Chloé Oliverès S Mise en scène Papy S Scénographie Émilie Roy S Lumières Arnaud Le Dû S Costume Sarah Dupont S Chorégraphe Laëtitia Pré S Voix off Richard Darbois S Production Little Bros S Avec le soutien du Théâtre du Rond-Point, de la Commanderie de Saint-Quentin-en-Yvelines, de l’Espace Culturel André Malraux au Kremlin Bicêtre, du TE’S à Plaisir, de la SACD et du CNM S Durée 1h10

Du 3 octobre au 27 décembre 2023 à 19h30

Piccola Scala – 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris www.lascala-paris.fr

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