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Arts-chipels.fr

L’heure des assassins. Meurtre à l’entracte.

L’heure des assassins. Meurtre à l’entracte.

Lorsque les coups de théâtre ne se déroulent pas sur la scène mais passent dans l’intimité d’un salon particulier pour nourrir une intrigue policière sans policier, voici venue l’Heure des assassins, qui introduit avec humour un mélange détonnant de personnages littéraires.

Dès l’entrée, le décor donne le ton. Big Ben veille en arrière-scène sur un salon très victorien. Un canapé Empire trône au centre de la scène. Fauteuils de cuir, poufs et guéridons occupent le reste de l’espace. En fond de scène la baie vitrée donne sur une terrasse d’où l’on contemple Londres. Nous sommes en 1904. On donne ce soir-là une représentation de Peter Pan et le gratin littéraire est présent pour fêter la première de Peter Pan d’un baronnet écossais, James Matthew Barrie. Dans le salon, on sable le champagne en attendant la venue du propriétaire des lieux, Philip Mortimer, absorbé dans la lecture d’un contrat, quelque part sur la terrasse. On le découvrira quelques temps après, mort hors scène, empoisonné. Les convives réunis dans le salon ont été enfermés, on ne sait par qui. L’assassin est nécessairement l’un des leurs.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Une belle brochette de littérateurs

Aux côtés de la sœur de Philip Mortimer, Miss Belgrave, de l’assistante de celui-ci, Miss Lime, et du chargé d’affaires américain de Mortimer est réunie une assemblée de frères ennemis. L’administrateur du théâtre, Bram Stoker – le personnage historique, Irlandais d’origine, assumera l’administration du Lyceum Theatre à partir du milieu des années 1870 – vient de mettre, en 1897, un point à ses recherches sur le voïvode valaque Vlad Tepes qui lui inspire le personnage du comte Dracula dans le roman épistolaire dont on connaît la postérité prolifique. George Bernard Shaw, un auteur dramatique connu pour sa plume acerbe, son ironie et ses bons mots, a mis récemment fin à sa vie de bohème et rejoint la bonne société londonienne sans se départir de sa vision critique de la société. Pacifiste, réformateur adversaire d’un capitalisme au nom d’un socialisme éclairé, défenseur des droits des femmes, il est le vilain petit canard, qui pose sur chacun un regard ans aménité. Ne manque plus au tableau qu’Arthur Conan Doyle, un médecin écossais qui a profité du temps libre de son installation dans un cabinet indépendant pour inventer le personnage de Sherlock Holmes – le succès des différents romans, parus en feuilleton, est tel que Doyle fera mourir son héros en 1891 avant de le ressusciter et de poursuivre ses aventures jusqu’en 1907. Le dernier ingrédient de l’intrigue policière est en place. Doyle exercera les facultés du célèbre détective pour trouver le coupable.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

De faux-semblants en faux-semblants

C’est dans cette atmosphère aigre-douce, en dialogues à fleurets mouchetés, que les personnages enfermés dans le salon décident de trouver lequel d’entre eux est le coupable. Cette recherche est l’occasion d’une mise à nu des histoires de chacun car, comme dans toute bonne histoire policière, chacun ou presque a de bonnes raisons de faire passer à trépas Philip Mortimer. On disserte sur les circonstances de l’empoisonnement, on invente, sous l’autorité de Conan Doyle, des histoires qui se défont les unes après les autres, on s’intéresse à la personnalité de Miss Lime et des raisons de sa présence auprès de Mortimer et à celle d’Hartford, l’Américain. On se demande aussi qui était réellement visé par l’empoisonnement. Bref, les hypothèses se succèdent jusqu’à la révélation finale, comme dans toute bonne histoire policière.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

L’efficacité pour règle

Il faut dire que Julien Lefebvre s’y connaît. Il en est à sa troisième histoire policière. Après le Cercle de Whitechapel et les Voyageurs du crime, le voici sur les traces d’un grand classique en convoquant l’inventeur de Sherlock Holmes. Il convient d'ajouter que ce jeu sur la vérité et le mensonge, la réalité et les faux-semblants, c’est une antienne connue, familière, par les temps qui courent, truffés de fake news et de rumeurs mensongères. Que celui qu’on croit qu’il est ne soit pas ce qu’il est réellement est presque devenu une norme même si « que fait la police ? » est devenu parfois plus incertain. Aussi les comédiens, vieux briscards rompus à l’exercice, se glissent-ils avec une dextérité amusée dans la peau de leurs personnages. Dans cette heure bien allongée que dure le spectacle, le véritable assassin, comme il se doit, c’est l’auteur !

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

L’Heure des assassins de Julien Lefebvre

S Mise en scène Elie Rapp et Ludovic Laroche assistés de Mathilde Flament-Mouflard S Avec Stéphanie Bassibey (Miss Belgrave) Pierre-Arnaud Juin (Hartford) Ludovic Laroche (Arthur Conan Doyle) Ninon Lavalou (Miss Lime) Jérôme Paquatte (Bram Stoker) Nicolas Saint-Georges (Bernard Shaw) S Scénographie Elie Rapp S Lumières Dan Imbert S Costumes Axel Boursier S Décors Les Ateliers Marigny S Vidéo Sébastien Mizermont S Production Le Renard Argenté, Lucernaire S Partenaires Pascal Legros Organisation S Soutiens Ville De Marly-Le-Roi, Le Chesnay-Rocquencourt, La Celle-Saint-Cloud, Les Herbiers S Durée 1h25

Du 25 octobre 2023 au 21 janvier 2024

Le Lucernaire - 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris. Rés. • sur internet www.lucernaire.fr • par téléphone 01 45 44 57 34

 

TOURNÉE

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