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Arts-chipels.fr

Les Francophonies, des Écritures à la scène. Les Coulisses du Festival

Hassane Kouyaté au Laboratoire du Zèbre © Christophe Péan

Hassane Kouyaté au Laboratoire du Zèbre © Christophe Péan

En amont et en marge de ce festival, repérage et circulation des artistes de langues françaises, dans la région, l’Hexagone et au-delà contribuent au rayonnement international de la culture francophone.

Les « Francos » ont quarante ans

Ce festival unique en France fête cette année sa 40e édition, sous la houlette de Hassane Kassi Kouyaté. Depuis son arrivée, en 2019, le Festival se décline désormais en deux saisons. En cette fin d’été nous assistons aux Zébrures d’automne, tandis qu’en mars prochain, les  Zébrures de printemps seront consacrées plus spécifiquement aux écritures francophones. Pour le directeur, ce changement de nom n’indiquait pas une rupture mais une continuité : « Être à Limoges me permet de poursuivre ce projet essentiel, et de rendre hommage à ceux qui l’ont mené jusque là : Pierre Debauche, Monique Blin, Patrick Le Mauff et Marie-Agnès Sevestre. »

Avant de prendre ses fonctions, il connaissait bien ce festival pour y être venu dès 1989 en tant qu’étudiant, en 1987, comme conteur, en 1989 et plus tard comme metteur en scène, puis directeur du Centre dramatique de la Martinique : « J’y ai participé trente fois en quarante ans. Limoges est pour beaucoup dans ma décision de faire du théâtre mon métier. Je le vois comme un endroit important pour parler du monde autrement, par d’autres fenêtres, sous d’autres angles. Décloisonner les esthétiques, favoriser les rencontres. »

Après quatre ans aux manettes, Hassane Kassi Kouyaté constate qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire : « Il y a une méconnaissance de ce Festival, au niveau national, mais à l’international tout le monde connaît Limoges alors qu’en Afrique francophone, on ne connaît même pas Avignon. Tous les grands artistes de la Francophonie sont passés par là : Québécois, Suisses, Belges, Africains » Beaucoup d’artistes et d’auteurs de théâtre ont pris leur envol à Limoges. 

La maison des auteurs.rices a trente cinq ans

Dès 1988, Limoges reçoit des auteurs en résidence : Michel-Marc Bouchard, Sony Labou Tansi, Moussa Konaté, Kossi Efoui... la liste est longue. Trois appartements sont à leur disposition et il y a deux types d’invitation. Le programme découvertes d’autrices s’adresse aux écrivaines des pays du Sud, encore trop peu nombreuses à émerger. Il accueille celles qui s’orientent vers l’écriture dramatique en juin, puis en mars suivant. Elles sont conseillées par un écrivain.e confirmé.e et leurs pièces bénéficient éventuellement d’une lecture aux Zébrures de printemps et chez des partenaire du Festival. Nombre de résidentes ont été remarquées par la suite : primées, mises en scène, éditées, par exemple l’Haïtienne Gaelle Bien-Aimé, prix RFI 2022  ou Natalie Hounvo-Yékpé, éditée chez Lansman.

D’autres auteurs.rices, plus matures, venu.e.s de toute la Francophonie, sont invité.e.s à terminer un texte qui sera présenté aux prochaines Zébrures de Printemps. Pour Léa et la Théorie des systèmes complexes, créé cette année aux Zébrures d’automne, le Luxembourgeois Ian de Toffoli a bénéficié d’une résidence, après la lecture du début de la pièce aux Zébrures de Printemps. Parfaite illustration les objectifs de Des écritures à la scène qui vise à faire circuler et promouvoir ces écritures francophones. Pour cela, la Maison travaille en réseau avec la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon et la Cité internationale des Arts à Paris, et de nombreux partenaires Outremer, en Afrique, au Québec...

Emmelyne Octavie (Prix Sony Labou Tansi) © Christophe Péan

Emmelyne Octavie (Prix Sony Labou Tansi) © Christophe Péan

Des prix littéraires

Le Festival est pour la Maison des auteurs.trices l’occasion de remettre plusieurs prix décernés par ses partenaires de longue date

Le prix Sony Labou Tansi des lycéen.ene.es, en partenariat avec l’Éducation nationale, fête ses vingt ans. Des comités de lecture de 46 lycées (en France, Ghana, Gabon, République Tchèque Viet-Nam) ont choisi cette année la Guyannaise Emmelyne Octavie pour Mère Prison (Lansman Éditeur).

Le Prix SACD de la dramaturgie francophone récompense Lune de Pamela Ghislain, deuxième volet d’une trilogie. Lune est une femme « gonflée » qui porte plainte contre l’État pour non respect du principe d’égalité homme/femme. « Un cri, dit l’autrice. Lune, c’est l’une de nous, et elle nous demande : et vous quelle part du boulot faites-vous dans cette lutte ? » Pamela Ghislain met en scène sa pièce au Rideau de Bruxelles du 10 au 21 octobre prochain. Il faut lire cette lanceuse d’alerte publiée chez Lansman Éditeur.

Le prix RFI Théâtre fête ses dix ans. Le jury de professionnels a élu, parmi plus de 130 textes envoyés par les pays du Sud, Éric Delphin Kwégoué pour À cœur ouvert, un thriller politico-policier écrit en réaction à l’assassinat du journaliste Martinez Zogo en janvier 2023 par les services secrets camerounais parce qu’il dénonçait la corruption. L’histoire d’une révolte populaire appelée par les réseaux sociaux... On retrouvera la pièce en lecture au Festival d’Avignon.

Mais pour l’heure, place aux 15 spectacles vivants : 11 créations, deux premières en France, présentées dans treize lieux partenaires, à Limoges et dans la région.

Les journées commencent par des rencontres avec les artistes présents (Les Laboratoires du Zèbre), puis quelque trois ou quatre spectacles sont proposés jusque tard dans la soirée. Cette année, il y aura moins de concerts nocturnes, mesure d’économie en raison de l’inflation, des baisses de subventions et des difficultés à faire voyager certains artistes.

Eric Delphin Kwégoué (prix RFI) et Pamela Ghistain (Prix SACD) © Christophe Péan

Eric Delphin Kwégoué (prix RFI) et Pamela Ghistain (Prix SACD) © Christophe Péan

L’Affaire des Visas

Le refus de la France d’accorder des visas aux artistes du Burkina-Faso, du Mali et du Niger a produit un tel tollé que la mesure a été levée « exceptionnellement » par le cabinet du ministère de la Culture. Mais trois invités ont dû transiter par le Togo, le Bénin et la Belgique, d’où une charge supplémentaire en billets d’avion. Plus grave, dit Hassane Kouyaté à l'antenne de France-Culture : « Cette politique met en cause plusieurs années de travail et pénalise les artistes de ces pays et la collaboration avec des créateurs français. Cette décision est l’arbre qui cache la forêt parce que toute l’année nous avons des problèmes d’obtention de visa. On perd des billets d’avion, des partenariats, et on devient sélectif dans notre programmation. On devient des mendiants et c’est déshonorant pour les artistes. Il y a un sentiment d’abandon et nous perdons ces liens secrets entre la France et ces pays. »

En conclusion

Non content de faire venir à nous des artistes, en dépit des aléas, ce festival a la particularité de nous faire voyager, via leurs créations, dans les vastes territoires de la Francophonie et d’interroger cette notion aujourd’hui sujet à controverse. Souhaitons longue vie à ces Zébrures quadragénaires...

A suivre, donc…

Zébrures d’Automne du 20 au 30 septembre 2023

Les Francophonies de l’écriture à la scène : 11, avenue du Général de Gaulle – Limoges (Haute-Vienne).

T. 05 55 10 90 10

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