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Arts-chipels.fr

La Nuit des Rois. Travestissements et faux-semblants.

La Nuit des Rois. Travestissements et faux-semblants.

Rester fidèle à l’esprit de Shakespeare plutôt qu’à la lettre fournit la matière de cette délicieuse comédie placée sous le signe de la fantaisie quelque peu déjantée et d’un humour qui ne dédaigne pas d’être leste.

Sur un plateau nu, deux comédiens ont fait leur apparition. Ils meublent l’arrivée des spectateurs en faisant de la musique. Guitare et percussion résonnent dans un style pas du tout élisabéthain. Ils sont accompagnés par une jeune femme en blouson de cuir et canotier. Le ton est donné. Pas de culotte bouffante ni de tenues clinquantes ou relatives au passé. Sur pantalons et robes noires, il suffira de quelques accessoires pour transformer un comédien ou une comédienne en n’importe lequel ou laquelle des personnages de la pièce. Un jupon bouffant créé à partir de bandes assemblées et voilà une domestique-soubrette, des cannes de bambou pour figurer les épées que portent les personnages « nobles », un blouson de cuir rouge bardé de piques colorées assorti d’un chapeau tout aussi porc-épic pour camper Feste, le Fou qui balance à chacun ses vérités sous le couvert du rire, nous sommes bien au théâtre et c’est de théâtre qu’il est aussi question.

© David Aries

© David Aries

Une pièce sous le signe de l’amour et du jeu

La Nuit des Rois porte comme autre titre Ce que vous voudrez (What You Will), un jeu de mots dans lequel apparaît, en filigrane, son auteur, William (Will) Shakespeare et, dans ce que veut Will, le « jeu » et le « je » sont déjà à l’œuvre. C’est bien sous ce signe que se dessine cette histoire pas très vraisemblable. D’un naufrage réchappent deux jumeaux fille et garçon, Viola et Sébastien, dont chacun croit l’autre mort et qui sont l’un et l’autre recueillis. La jeune fille travestie en garçon entre, sous le nom d’Octavio, au service d’un duc, Orsino, qui aime la jeune Olivia mais n’en est pas aimé, avec pour mission de conquérir la belle pour son maître. Mais l’objet de cet amour sans retour tombe raide dingue de l’envoyé travesti qui lui, en pince en secret pour le duc. Heureusement, la sœur et le frère se retrouvent et la gémellité résoudra bien des problèmes.

© David Aries

© David Aries

Une comédie toute en rebondissements et à-côtés

On ajoute un lot de personnages secondaires bons vivants, truculents et farceurs, un intendant qui se hausse du col et qu’on ridiculise, le tout sous la houlette du fou grand amateur de jeu qui, comme une figure facétieuse de l’auteur, balance à chacun ses vérités et est décidément de tous les mauvais coups, et, de chassés-croisés en doubles sens, de vessies prises pour des lanternes, de travestissements en doubles gémellaires, on se retrouve en plein cœur d’un désordre admirablement organisé où la réalité joue avec les apparences et vice-versa, et ou être et paraître se mélangent avec brio et bonne humeur. Du Marivaux en germe créé pour être représenté dans une période festive qui célèbre les rois mages, la Chandeleur, qui précède le carnaval, pimenté de reparties brillantes et bien troussées.

© David Aries

© David Aries

Une fidélité dans l’infidélité

La proposition de la compagnie Les Lendemains d’hier offre de la pièce de Shakespeare une version débarrassée de ses oripeaux seizièmistes-dix-septièmistes – la pièce est créée en février 1602 – pour trouver un ton résolument contemporain. Les femmes y mènent la danse. L’histoire de Sébastien est shuntée au profit de celle de Viola. Olivia, qui sait décidément ce qu’elle veut, poursuit sans retenue Octavio-Viola de ses assiduités. Maria, complètement délurée, n’en verse pas moins que ses camarades buveurs dans la grivoiserie et les sous-entendus lestes. Les interludes musicaux reprennent des chansons populaires des poilus de la Première Guerre mondiale – la Madelon – ou la Jeune fille du métro de Renaud. Quant à la Rhapsode, personnage féminin créé de toutes pièces pour combler les trous dans l’histoire provoqués par son resserrement, elle replace le théâtre sur la scène et n’hésite pas à commander les sorties de scène de certains personnages quand ils s’attardent trop à son goût. Si l’on ajoute que les comédiennes et les comédiens entrent dans la peau de divers personnages tout en commentant leur prestation, on se retrouve dans un tourbillon dont, malgré sa complexité, on ne perd pas le fil. On rit beaucoup de cette impertinente version et on se dit que décidément, cette Nuit des Rois d’Hier a de beaux Lendemains…

© David Aries

© David Aries

La Nuit des Rois d’après William Shakespeare

S Mise en scène Benoît Facerias assisté de Nolwen Cosmao S Avec Pierre Boulben ou Melchïor Lebeaut, Benoît Facerias ou Maxime Bocquet, Céline Laugier ou Nolwen Cosmao, Ugo Pacitto ou Clément Paul Lhuaire, Arnaud Raboutet ou César Duminil, Joséphine Thoby ou Justine Morel S Scénographie Marine Brosse S Lumières Raphaël Pouyer S Costumes Thomas Denis S Décors Florian Guerbe S Production Les Lendemains d’hier S Coproduction La Compagnie du premier homme S Coréalisation Théâtre Lucernaire S Partenaire La Cinquième Roue Production S Remerciements Institut Georges Méliès, Ville de Sarzaux, Éric et Laurence Boulben, Jérôme Lair, La Diaconie de la beauté, Mains d’œuvre et plus généralement à tous ceux qui ont œuvré à l’existence de ce spectacle S Durée 1h10

Du 21 juin au 27 août 2023, à 18h30 du mercredi au samedi, à 15h le dimanche

Théâtre Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris

Rés. : 01 45 44 57 34 & www.lucernaire.fr

TOURNÉE

Du 7 au 29 juillet 2023 à 21h20 (relâche les lundis) : Festival d’Avignon, au théâtre du Roi René

18 novembre 2023 : Templeuve

23 novembre 2023 : Palais des congrès de Versailles

14 mai 2024 : Villeparisis

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