27 Mai 2023
Ces tribulations d’un petit garçon né obèse, parvenu au seuil de l’adolescence, offrent une manière humoristique et débridée de parler des désirs et des peurs de l’enfance et d'interroger les adultes sur l'impact de leurs comportements.
Au seuil des années 2000, Fabrice Melquiot avait fait une incursion aux pays de l’enfance en inventant l’histoire d’un petit garçon, Bouli Miro, qui avait grandi au fil des quatre textes qu’il avait inventés. En 2009, Emmanuel Demarcy-Mota, qui entretient avec Fabrice Melquiot une relation de complicité qui a donné naissance à de nombreuses créations communes décide de monter Wanted Petula, l’une des étapes de l’évolution de Bouli, qui le conduit au seuil de l’adolescence. Cette création s’inscrit dans une réflexion que tous deux mènent sur ce que devrait être la création théâtrale pour la jeunesse. Un théâtre dont l’enfant serait « le proprio » pour reprendre les termes de Fabrice Melquiot, qui permettrait de revenir à la source, avant que les enfants « vifs et vagabonds » ne se métamorphosent « en chenilles vers l’âge adulte et non l’inverse ». Et une forme qui incite à une confrontation des « savoirs » et au dialogue entre petits et grands sur des thèmes qui intéressent les enfants mais concernent aussi les adultes.
Un Bouli pas ballot dans sa tribu pas banale
Bouli pèse neuf kilos à la naissance, comme pour ériger une barrière de graisse entre lui et la méchanceté du monde. Il est obèse mais n’en a pas moins l’esprit vif et affûté, et l’imagination débordante. Il faut dire que sa famille n’est pas à piquer des hannetons. Elle ressemble furieusement aux familles recomposées d’aujourd’hui. Sauf qu’ils ont tous un peu quelque chose de barré. Daddi Redondo, le père, n’a pas trouvé mieux que de se remarier avec une actrice spécialisée dans les films de vampires, Améthyste Crappp, qui mélange un peu la réalité et la fiction et manifeste son amour à travers la dévoration. Quant aux grands-parents, ils ne déparent pas dans le paysage. Entre les grand-mères – l’une myope comme une taupe qui a trompé son époux avec Sigmund Freud avant de se trouver un nouveau mec, tellement vieille qu’elle en est morte, et l’autre, tellement fidèle qu’elle a suivi son alter ego de compagnon sur les routes de l’au-delà – et les grands-pères qui sont morts parce que la mort, c’est contagieux, on navigue dans les âges de la vie – et de la mort – avec humour et poésie.
À la croisée du monde des adultes
Bouli est amoureux de sa cousine Petula, qui l’aime « gros » en jouant du double sens du mot qui renvoie à beaucoup comme à son embonpoint. Mais Petula a disparu. Elle n’a pas supporté la reconversion de ses parents, les Clark, au rock’n’roll et a fini par ne plus manger et par maigrir jusqu’à devenir plus petite qu’une feuille de salade avant de ne plus être visible du tout. Elle proteste, elle fait la grève des humains. Alors Bouli se lance dans un voyage au milieu des étoiles pour la chercher. Il croisera le premier homme à avoir posé le pied sur la Lune, Neil Armstrong, prétexte à jeux de mots autour de « lune » et de « luné », et l’enfant qui venait d’une toute petite étoile, le Petit Prince. Mais celui-ci est passé dans les griffes de la société de consommation ; il est made in Taiwan, transformé en magnets, en peluches et en posters. Une pincée d’oreilles de Charles d’Angleterre au milieu et on trouve des références qui parlent aux adultes, vues au travers du filtre de l’enfance, qui forment comme une passerelle entre les générations dans laquelle chacun puise ses propres points d’appui.
Entre burlesque et poésie
La quête de Bouli offre une plongée en spirale dans l’espace-temps et dans les étoiles. Des personnages tête à l’envers ou transformés en jouets mécaniques, des bicyclettes devenues machines extraordinaires toutes droit sorties d’un imaginaire à la Jules Verne, des costumes bigarrés et déjantés, des arrangements musicaux et sonores farfelus menés tambour battant maintiennent le spectateur en haleine. Les métamorphoses s’enchaînent à rythme soutenu, les aventures de Bouli cheminent entre onirisme et réalité. La puce géante qui l’escorte dans sa quête est spécialiste de Marguerite Duras. Il est question de difficulté de grandir face à des parents immatures, d’amour et même de sexualité. Dans une belle langue, qui ne cède pas aux sirènes de la simplification « enfantine », et avec un humour décapant à la Tim Burton, la pièce mêle cirque, théâtre et théâtre d’ombre sans oublier les masques dans une suite d’images décalées qui n’en posent pas moins les problèmes auxquels sont confrontés les enfants : grandir, faire face aux aléas familiaux, rencontrer l’amour et ses émois. Fabrice Melquiot leur offre un miroir où se reflètent leurs craintes et leurs désirs. Il porte aussi, en creux, un plaidoyer pour la tolérance et l’amour.
Wanted Petula. Texte Fabrice Melquiot
S Mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota S Avec Édouard Eftimakis (Bouli Miro), Gérald Maillet (Daddi Rotondo), Valérie Dashwood (Amethyste Crappp), Sandra Faure (Mama Binocla), Philippe Demarle (Jo Moudugenou), Gaëlle Guillou (Marguerite Duressort), Céline Carrère (Jean-Michel Clark, Mami Rotondo), Charles-Roger Bour (Marie-Jeanne Clark, Papi Rotondo), Jauris Casanova (Neil Amstrong, Le Petit Prince, Papi Binocla), Mélissa Polonie (Petula Clark, Mami Binocla) S Assistants mise en scène Christophe Lemaire, Julie Peigné S Scénographie Yves Collet, Emmanuel Demarcy-Mota S Lumière Yves Collet, Christophe Lemaire S Musique Jefferson Lembeye S Son Flavien Gaudon S Costumes Corinne Baudelot, Fanny Brouste Accessoires Clémentine Aguettant, Éric Jourdil Maquillage Catherine Nicolas S Collaboration lumière Thomas Falinower S Travail gestuel Claire Richard S Première version créée en mai 2008 à la Comédie de Reims-CDN S Re-création en mai 2023 au Théâtre de la Ville-Les Abbesses. S Fabrice Melquiot est publié et représenté par L’ARCHE éditeur & agence théâtrale. www.arche-editeur S Production Théâtre de la Ville-Paris S Dès 8 ans S Durée 1h20
Du 12 au 27 mai 2023
Théâtre de la Ville – Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, 75018 Paris