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Arts-chipels.fr

Chawa. Une course contre la mémoire en perdition de la Shoah.

Chawa. Une course contre la mémoire en perdition de la Shoah.

Quand la mémoire familiale, pour se reconstruire, a effacé un passé douloureux ou l’a rangé dans une armoire bien scellée, il est difficile de se définir une identité. Revenir sur ses traces, rouvrir l’armoire pour se comprendre, se trouver est le projet qu’a mené Maud Landau. Cette quête, elle la raconte avec ce qui la compose : le théâtre.

Elle aborde le public avec une autodérision complice, la jeune femme qui nous prend à témoin. Son problème ? Des rots persistants dont rien ni personne n’est venu à bout. Médecine allopathique, médecines douces, coachs en tous genres et même chamanes ont été sollicités. En pure perte. Parce que ses rots, ils lui viennent de l’au-delà, de ces morts qui, tels des fantômes, n’ont pas trouvé le repos. Ce qu’elle rote, c’est la mémoire de la Shoah dont on lui a peu ou pas parlé, en tout cas pas en tant qu’histoire vécue, une mémoire dont sa grand-mère, Chawa, d’origine polonaise, est la seule dépositaire. L’histoire de Maud, elle lui semble raccourcie, atrophiée. Elle tient dans sa génération et celle de ses parents, et dans la présence amputée, rognée, de sa grand-mère. Plus bas, c’est le silence, le grand désert. Difficile dans ces conditions de répondre à la question « Qui suis-je ? » Aussi, lorsqu’elle découvre une lettre de sa grand-mère retraçant sa vie depuis sa naissance à Lodz, en Pologne, jusqu’à celle de ses petites-filles, elle se lance dans un jeu de pistes qui la ramènera, finalement, à elle-même.

© Luca Bozzi

© Luca Bozzi

Voyage dans les terres de « Juifland »

Avec un humour ravageur, cette manière inimitable qu’ont les juifs de rire d’eux-mêmes, elle met en scène sa famille : une sœur qui s’en fout, une mère stressée, « au bord de la noyade cérébrale », un père qui joue les grands absents, une famille plus préoccupée par le militantisme politique ou les futilités que par ses origines, un tonton grande gueule qui assène son avis sur tout, et un enterrement qui doit se faire dans les règles : dix hommes pour dire le kaddish, la prière des morts – femmes s’abstenir – et la présence du rabbin – ici une rabbine, au grand dam de certains. Elle joue tous les rôles, avec le décalage de rigueur. On passe en revue la généalogie des demi-juifs – juif par le père, ça ne compte pas – et on se penche sur les attendus kasher du repas funéraire. Tout ça n’aide pas vraiment…

© Luca Bozzi

© Luca Bozzi

Une quête pour trouver des réponses

Maud n’a plus d’autre issue que de rassembler les bribes qu’enfant elle a arrachées à sa grand-mère, qu’elle associe avec le contenu de la lettre laissée par la vieille dame. Horizon Lodz et la Pologne, pour découvrir des villes où, avant la guerre, les juifs représentaient la moitié de la population et où ils ont totalement disparu, des cimetières à l’abandon, chercher qui ont été et ce que sont devenus les membres de sa famille. Cette aventure personnelle, la comédienne trentenaire qu’elle est devenue en élargit le propos pour interroger des concepts plus généraux – sur ce que recouvrent la transmission, l’héritage, le transgénérationnel en tant que porteur d’une mémoire collective inconsciente – et aborder la question des origines, de la judéité, de l’identité. L’émotion affleure dans des propos qui convoquent des statistiques – des études montrent que 19% des 25-34 ans n’ont jamais entendu parler de la shoah et que ce chiffre augmente à chaque génération, s’élevant à 21% pour les 18-25 ans – en les passant au filtre de l’expérience personnelle. Dans un contexte où les agressions fascistes et les tags haineux se multiplient, où l’on affirme aujourd’hui haut et fort, toute honte bue, son appartenance à l’extrême-droite, le devoir de mémoire est plus que jamais d’actualité.

© Luca Bozzi

© Luca Bozzi

Chawa, Pièce de ma mémoire de Maud Landau

S Dramaturgie Quentin Laugier S Mise en scène Laura Lutard & Maud Landau S Avec Maud Landau S Création lumière Fabrice Barbotin S Création musicale Lionel Losada S Régie Cynthia Lhopitallier S Lieux partenaires Maison des Pratiques Artistiques Amateurs – Paris (75), Citadelle du Château d’Oléron – Le Château d’Oléron (17), L’espace culturel le Champ de foire – Plabennec (29), Théâtre des Roches – Montreuil (93), L’espace Malraux – Geispolsheim (67) S Soutiens & partenaires DRAC Grand Est, Direction Départementale de la Cohésion Sociale (67), Dilcrah Gironde, Spedidam S Le spectacle a reçu le label de la Licra et est soutenu par le Mémorial de la Shoah S Durée 1h

Les jeudis et vendredis 8-9, 15-16 et 22-23 décembre 2022 à 21h15

Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs Paris 1er 

01 42 36 00 50 www.lesdechargeurs.fr

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