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Arts-chipels.fr

M.O.L.I.E.R.E. Acronyme pour un auteur de théâtre défunt resté infiniment vivant.

M.O.L.I.E.R.E. Acronyme pour un auteur de théâtre défunt resté infiniment vivant.

2023 marquera le 350e anniversaire de la mort de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Le moment de lui rendre – un peu en avance pour que le spectacle soit en mesure de tourner au moment des célébrations – un hommage en forme de miscellanées habilement agencées et pleines de drôlerie.

Prenez un tapis, trois chaises et une console son. Ajoutez-y une musique du XVIIe siècle – Lully ou Rameau ? revu façon électronique – et trois comédiens qui ont choisi un acronyme – Méli-Mélo Oratoire Librement Inspiré d’Errances dans le Répertoire de l’Eponyme – pour évoquer l’histoire d’un fils de tapissier devenu comédien contre la volonté de son père – il en héritera néanmoins la charge et assistera au lever du Roi. Vous trouverez un certain « Monsieur de Molière » – de la pierre qu’il s’était choisie, dit-on, pour pseudonyme et titre de noblesse…

Une révision historique traitée sur le mode distrayant

Molière, tout le monde connaît tant les années passées sur les bancs d’école sont restées imprimées dans nos mémoires. Les Fourberies de Scapin, Georges Dandin, le Bourgeois gentilhomme, les Femmes savantes, l’Avare mais aussi les comédies « sérieuses » telles le Misanthrope, Tartuffe ou Don Juan font partie de notre patrimoine culturel. Même si leur contexte ou le thème que ces pièces développent ne laissent parfois qu’un souvenir un peu flou et se perdent parfois, pour certains, dans une brume confuse, Molière est pour nous le compagnon de route obligé du théâtre français. La pièce, sous une forme humoristique volontairement schématique et très inspirée par l’univers de la BD, nous rappelle les principales étapes de la vie de celui qui est l’un des plus grands auteurs du théâtre français. On le découvre bourgeois aisé, destiné à poursuivre le commerce de son père. Alors que rien ne le prédispose au théâtre, le voici qui se dresse face à l’autorité et affronte l’ire paternelle pour suivre sa vocation. On suit ses débuts ratés à Paris, ses années de tournées en province où il obtient le soutien du prince de Conti, le retrait de celui-ci, son retour à Paris et l’appui du Roi-Soleil, les querelles et cabales qui l’opposent à ses concurrents et aux dévots. L’air de ne pas y toucher, les grandes étapes de la biographie sont présentes, les années de galère, les dettes, le succès, la comédie-ballet, ses démêlés avec Lully, les cabales et le reste.

© DR

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Molière et sa légende

La pièce, sous ses dehors légers, met en avant l’apport considérable de Molière à l’histoire du théâtre. Elle montre comment il s’approprie en les détournant de la pure farce les ressorts et les techniques de la commedia dell’arte – le lazzo, acrobatie verbale et gestuelle, le quiproquo et l’humour bouffon qu’il utilise comme des modules réutilisables d’une pièce à l’autre – comment il érige la comédie au rang de genre à part entière et comment il l’enrichit encore davantage en créant la comédie-ballet où théâtre, musique et danse se mêlent pour le plaisir du Roi-danseur. Elle présente aussi ses ambitions de tragédien – la tragédie est alors le genre « noble », comme les sujets d’histoire occupent le haut du pavé de la peinture – tuées dans l’œuf malgré des tentatives répétées et infructueuses. Car Molière a la veine comique, c’est indéniable, et sa manière de « parler » le théâtre est pour l’époque révolutionnaire. Il s’oppose à l’attitude grandiloquente des acteurs et à la diction emphatique, empruntée, avec ses « r » roulés, des conventions théâtrales de son temps. Il se fait le héraut de la prose au théâtre et défend une manière « naturelle » de dire et d’être en scène, ancrée dans l’observation du réel et débarrassée des artifices. La pièce dégonflera aussi la légende romantique de sa mort en scène, lors de la quatrième représentation de l’Avare.

Une pièce des pièces de Molière

Dans les monographies d’artistes, deux types de découpage apparaissent généralement de manière récurrente : la vie et l’œuvre. On fait d’ailleurs souvent découler, à tort ou à raison, l’œuvre de la vie, comme si les ressorts de l’œuvre se trouvaient dans les événements qui émaillent la carrière de l’artiste. Ici c’est de la création moliéresque qu’émerge la biographie. C’est à coups de citations, tirées d’une multitude d’œuvres mêlées avec un plaisir gourmand que se dessine la silhouette de Poquelin-Molière. Le Bourgeois gentilhomme nous renseigne sur l'apprentissage du comédien, sur la manière de dire un texte, de considérer le rapport des voyelles à la voix et le rôle de consonnes pour sonner avec. L’École des femmes, dos à dos avec les Précieuses ridicules, et avec l’appui de la vindicative Elvire de Don Juan, nous éclaire sur l’infériorité des droits des femmes. Les Femmes savantes répondent au Misanthrope, l’Impromptu de Versailles, met en scène le théâtre dans le théâtre et règle ses comptes avec l’Hôtel de Bourgogne Quant aux Fourberies de Scapin, elles nous ramènent aux 500 écus dont Molière a besoin pour sauver son théâtre. Les citations se répondent, se renvoient la balle ou ferraillent ensemble. Elles se battent à fleurets mouchetés pour dessiner, à petites touches malicieuses, un portrait en creux de l’auteur Molière.

Dans les coulisses de la comédie

Pour évoquer ce roi de la farce et de la comédie, il fallait que les artifices fussent à la hauteur et provoquassent le rire. Alors les comédiens jouent à jouer. Ils n’hésitent pas à en faire trop, à forcer le trait. L’un mime pendant que l’autre dit le texte, ou qu’il bruite l’action. Les jeux de mots sont légion. Racine devient Radis et l’un des personnages, face au Roi qui compatit, plein de commisération - « Dans quel état il vous a mis ! », se récrie : « Non, Sire, l’État, c’est vous ! » La tirade « Ciel, je suis perdu ! » se profère, pour en distancier le contenu, en jouant à saute-mouton. Le personnage Molière n’hésite pas à rappeler au public la date de sa mort et, pour évoquer les années de tournée en province, les acteurs se muent en présentateurs sportifs couvrant le Tour de France du comédien Poquelin affrontant les difficultés tandis que le scandale provoqué par Tartuffe fait les choux gras d’un présentateur télé. Pour clore le tout, quand il est question des tragédies de Racine – «  la tragédie, ça ne nourrit pas », commente Molière – c’est au ralenti que ses répliques sont dites comme pour marquer la quasi-totale absence d’action qui les caractérise.  Au total, cet acronyme tient ses promesses de méli-mélo oratoire librement inspiré d’errances dans le répertoire de l’éponyme Molière. Pour le plaisir, l’édification et le divertissement de chacun…

M.O.L.I.E.R.E.

Méli-mélo Oratoire Librement Inspiré d’Errances dans le Répertoire de l’Eponyme

S D’après la vie et l’œuvre de Molière S Conception Clément Beauvoir, Lucas Hénaff et Etienne Luneau S Mise en scène Elsa Robinne S Avec Clément Beauvoir, Lucas Hénaff, Etienne Luneau et Joseph Robinne S Musique Joseph Robinne S Lumières Emilie Nguyen S Costumes et décors Anne Lacroix S Chargée de production Tiphaine Vézier S Durée 1h15 Production Compagnie Grand Tigre S Coproduction Théâtre Maurice Sand de La Châtre (36) S Avec le soutien des Chantiers du Théâtre de Villeneuve-sur-Yonne, de la Compagnie Clin d’Œil  de Saint-Jean-de-Braye et du Lavoir Moderne Parisien.

Du 7 au 29 juillet
Tous les jours pairs  à 20h30

Théâtre du Centre, 84000 Avignon

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