29 Septembre 2021
Robin des Bois est ce héros au grand cœur, ce défenseur des pauvres gens, de la veuve et de l’orphelin, qui a bercé nos enfances. Le collectif du Grand Cerf bleu s’en empare pour explorer les multiples visages du personnage et de sa légende dans une interrogation très contemporaine.
Robin des Bois est le héros par excellence. Celui qui vole les riches pour donner aux pauvres, celui qui vit à l’écart du monde, en osmose avec la forêt. Celui qui ne déteste pas, loin s’en faut, de faire bombance avec ses potes au verbe haut, au maintien rigolard, au caractère bagarreur. L’intrépide qui n’hésite pas à se jeter dans la gueule du loup pour sauver un copain. Le beau gosse qui fait tourner toutes les têtes. L’amoureux indéfectible d’une noble dame pour laquelle il brave tous les dangers. Il fait l’objet de ballades dès le XIVe siècle, de chansons de geste, de romans, de pièces de théâtre, de comédies musicales, de séries télé, de films. Lui, l’homme à la capuche (Robin Hood), devenu homme « des bois » par suite d’une erreur de traduction. Personnage principal développé en feuilleton de journal, matière de deux romans chez Dumas, personnage secondaire très actif dans Ivanhoé de Walter Scott, il apparaît au cinéma dès 1908 et sera immortalisé par Errol Flynn dans le film de Michael Curtiz en 1938. Il connaîtra ensuite d’incessantes réapparitions filmiques. On le retrouvera même dans des mangas ou dans un épisode de Star Trek…
Un personnage aux multiples facettes
Robin Hood n’a pas toujours été ce héros moqueur préférant ridiculiser ses adversaires que les tuer. Il apparaît dans certains récits comme un paysan parfois sanguinaire et violent. Il lui arrive de décapiter un moine, et même un enfant. Son nom laisse planer l’ambiguïté. « Hood » se réfère-t-il seulement à son chapeau ou au sens de « truand » ? Ses origines sont tout aussi incertaines. Était-il yeoman, fils de paysan propriétaire de sa terre, ou d’un commerçant ? Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle, à l’époque élisabéthaine, qu’il acquiert son titre de noblesse pour devenir Robin « de Loxley » et devenir un noble dépossédé de sa terre. Au XIXe siècle, à l’époque où se développe la revendication romantique d’une liberté qui s’enracine dans l’attachement au sol, symbolisé par le remise au goût du jour des traditions populaires, et dans l’émergence des nationalismes en Europe, Robin endosse le costume du Saxon en lutte contre les Normands qui ont pris le pouvoir en Angleterre avec l’arrivée en 1066 de Guillaume le Conquérant et ont confisqué les terres des natifs du lieu. Son amoureuse, Marianne (ou Mathilda selon les versions), qui n’apparaît que tardivement, devient même, en guerrière à cheval, le double féminin de Robin. Quant à l’allégeance finale de Robin Hood à Richard Cœur de Lion, là encore les versions divergent…
Interroger la légende en la prolongeant aujourd’hui
Fort de l’idée que, d’une certaine manière, Robin des Bois est une enveloppe comportant des creux que chacun remplit à sa guise, le collectif du Grand Cerf bleu décide d’y placer à son tour les problématiques de l’époque contemporaine. Un collectif reflètera la joyeuse bande des compagnons de Sherwood, et il lui ajoutera un ensemble hétéroclite de personnages qui sont autant de clés pour interroger le mythe. On y trouvera des militants de toute sorte (autonomes, décroissants, écologistes, libertaires), un forestier retraité, un tireur à l’arc qui relie cette discipline « ignoble » (au sens premier du terme) à la noblesse de la philosophie qui préside à l’art du tir, des journalistes, des directeurs de grandes entreprises, des hauts fonctionnaires, des politiciens… Ils éclaireront tour à tour des problématiques qui croisent celles de la légende de Robin : une vie en symbiose avec la nature, les thèmes d’autonomie et de décroissance, de relocalisation, de justice sociale, la mondialisation, l’engagement au quotidien et les méthodes de la contestation, la question du leadership, l’usage de la violence et sa justification ou non.
Un espace mixte pour un propos transversal
L’espace scénique raconte ce passage du temps. Si, côté cour, trônent deux grandes cibles en paille, c’est un gros rouleau de bois servant à enrouler des câbles, très contemporain, qui fait office de table sur laquelle sont posées des bouteilles de bière et où prennent place des personnages assis sur des billots. De la même manière, les ballades anciennes voisinent avec le hard rock ; la flûte, le luth et le violoncelle côtoient la guitare électrique et les percussions de toute sorte. Quant à la forêt de Sherwood, elle est devenue arbre en pot artificiel – normal, le gland ramené d’Angleterre et mis en terre n’est encore qu’une petite pousse fraîchement germée et qui ne peut encore jouer son rôle. Si les comédiens tirent à l’arc avec de vraies flèches, ce sont des flèches à ventouses que les spectateurs seront utiliseront à l’entracte pour s'entraîner. Et lorsque la pièce fera place aux personnages contemporains, ils seront installés sous le regard d’une caméra qui projette leurs images en vidéo sur un rideau tiré pour l’occasion.
Humour toujours…
Cette évocation croise avec allégresse présent et passé et mêle sans vergogne l’histoire – multiple – et son commentaire. Elle prend le chemin des écoliers qui se déguisent et jouent à la guerre, se teinte d’accent aveyronnais ou s’habille d’une langue châtiée. Elle ne recule pas devant la truculence et les jeux de mots parfois douteux, singe le discours politique qu’elle pastiche avec une jouissance gourmande et décalée. Il est savoureux d’entendre Robin et ses compagnons emprunter le vocabulaire d’aujourd’hui pour se justifier de leur action ou discuter de la conduite à tenir. Les spectateurs sont invités à une partie de chamboule-tout avec des boîtes de conserve à l’effigie des grandes fortunes, la pièce mélange allègrement garçons et filles dans tous les rôles et dessine un Robin pluriel dont les multiples facettes correspondent aux reflets éphémères dont chaque époque, chaque individu a revêtu le mythe. Bref, sans se perdre dans ce labyrinthe qui joue à saute-mouton par-delà les siècles et les styles, qui joue la provocation et les coups de théâtre, on s’amuse beaucoup tout en se posant de vraies questions. Et si quelques longueurs apparaissent, que des facilités de bonimenteurs mériteraient d’être revues, voire de disparaître, et que l’ensemble gagnerait à être resserré, non seulement on en apprend beaucoup sur ce personnage, emblématique de la mémoire populaire sans qu’on se soit jamais posé la question de décrypter ce que recouvrait son histoire, mais on s’interroge aussi sur ici et maintenant à travers les images à la fois drôles et significatives que propose le spectacle. Dans le livre d’or des héros, Robins mérite bien son pluriel et les héros sont partout.
Robins - Expérience Sherwood - Création collective Le Grand Cerf Bleu
S Écriture et mise en scène Laureline Le Bris-Cep, Gabriel Tur et Jean-Baptiste Tur S Avec Lukas Dana, Thomas Delpérié, Laureline Le Bris-Cep, Nolwenn Peterschmitt, Gabriel Tur, Jean-Baptiste Tur et Richard Sammut S Dramaturgie et traduction Clément Camar Mercier S Conception scénographique Laureline Le Bris-Cep, Gabriel Tur, Jean-Baptiste Tur et Valentin Paul S Lumière et régie générale Valentin Paul S Son Émile Wacquiez S Assistanat à la mise en scène Juliette Prier S Coach vocale Jeanne-Sarah Deledicq S Administration Production Diffusion Léa Serror S Administration de production Mathis Leroux S Remerciements Hugues Duchêne, Anna Bouguereau et Marine Cerles S Production Le Grand Cerf Bleu S Coproduction Théâtre de la Cité - centre dramatique national Toulouse Occitanie (31), Scène nationale d’Aubusson (23), La Passerelle - Scène nationale de Saint-Brieuc (22), L’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône (71), L’Archipel - Scène nationale de Perpignan (66), membres du Collectif En Jeux, Théâtre Roger Barat - Herblay-sur-Seine (95) S Avec l’Aide à la création de la DRAC Occitanie et de la Région Occitanie S Accueil en résidence La Manufacture - Centre Dramatique national de Nancy-Lorraine, Théâtre de L’Union - Centre dramatique national de Limoges, Le Théâtre Molière - Sète, Scène nationale archipel de Thau, Le CENTQUATRE-PARIS, L’Espace des Arts - Scène nationale de Chalon-sur-Saône, Théâtre dans les Vignes, Théâtre de la Cité - centre dramatique national Toulouse Occitanie
Au Théâtre 13 / Site Bibliothèque- 30 rue du Chevaleret - 75013 Paris
Du 28 septembre au 8 octobre 2021 (relâche le 4 octobre)
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche 3 octobre à 16h
TOURNÉE
9 novembre 2021 – Théâtre Molière – Sète, Scène nationale archipel de Thau (34)
Les 18 et 19 novembre 2021 – Théâtre de Vanves, scène conventionnée (92), dans le cadre du festival OVNI
22 au 24 mars 2022 – L’Archipel, Scène nationale de Perpignan (66)
8 avril 2022 – Théâtre Roger Barat – Herblay-sur-Seine (95)
26 et 28 avril 2022 – Théâtre de Lorient, Centre dramatique national (56)
3 et 4 mai 2022 – La Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc (22)
31 mai et 1er juin 2022 – L’espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône (71)