11 Décembre 2024
Trois clowns acrobates, soldats perdus dans une guerre sans nom, multiplient tours et détours d’une maladresse virtuose. Drôle et insolite, le nouveau spectacle du Cirque Trottola se joue au Centquatre puis partira en tournée.
Un chapiteau sur mesure
Dans le petit chapiteau, rouge à l’extérieur, bleu à l’intérieur, on retrouve l’atmosphère chaleureuse des cirques d’antan. Autoportée, la structure peut être facilement installée n’importe où dans la ville. Les gradins plongent sur la piste, favorisant une proximité avec les artistes. Le cirque Trottola (« toupie » en italien) tourne depuis vingt ans mais n’a rien perdu de son style décalé et faussement brouillon. Créé en 2002 par Bonaventure Gacon, Titoune Krall et Laurent Cabrol, il exploitera pendant plus de quatre ans son premier spectacle Trottola. Suivront Volchok, Matamore, puis Campana, en 2018.
En musique
Au loin, une fanfare militaire appelle à la bataille mais c’est une grosse caisse qui débaroule jusqu’à la piste, avec, dessus, son clown tambourinaire... qui, bien sûr, ne tarde pas à la détériorer. On reconnaît le personnage rustique à la dégaine maladroite que s’est forgé Bonaventure Gacon, au fil de ses numéros, barbe et cheveux en broussaille, dans la veine du Boudu de son fameux solo Pour le Boudu. Brandissant une épée de bois, chevalier errant, il part en guerre, rejoint par Rififi une créature frêle et muette : Titoune, sa partenaire de longue date, as du trapèze, face blanche et nez rouge en forme de bec, sifflote tel un oisillon tombé du nid. Un troisième larron rattrape la petite troupe en déroute.
D’une trappe est sortie une plateforme, sur laquelle trône un orgue, joué par Samuel Legal. Imperturbable, le musicien interprète des compositions de son cru, y mêlant du Jean-Sébastien Bach, César Franck, Mauricio Kagel ou Charles-Marie Widor. Drôles, tristes ou recueillies, ces mélodies sont souvent en décalage ironique avec les acrobaties et facéties des trois clowns. L’organiste sera parfois propulsé sur la piste, obtempérant comme à regret, et regardera d’un air désapprobateur le traitement infligé par ses partenaires à un piano à queue.
Objets détournés
Les seuls agrès apparents sont deux trapèzes calés en haut du chapiteau. Les autres semblent improvisés : pour Titoune et Bonaventure, le piano à queue fait un amusant toboggan, où ils s’égayent de glissades en acrobaties sonores. Une grande échelle devient une vertigineuse balançoire : les trois acolytes grimpent et s’agrippent aux barreaux, en tournoyant sous la coupole, jouant de leurs poids et contrepoids... Aux cabrioles, acrobaties, cascades collectives gaguesques, font place quelques numéros individuels saisissants. Bonaventure Gacon se risque à une marche au-dessus de la piste, suspendu à deux tringles accrochées aux poutres métalliques du chapiteau. Titoune voltige entre deux trapèzes, synchronisés par ses partenaires. Que de dextérité derrière cette feinte gaucherie ! « On a envie de montrer notre cirque, montrer de la prouesse physique tout en faisant l’éloge de la maladresse », disent les circassiens. C’est ça le cirque Trottola : une belle harmonie dans les discordances !
On se moque de la guerre
« On a voulu faire un spectacle où les clowns se réfugient sous un chapiteau, comme dans un terrier. Ils ont bien perçu au dehors les bruits, la brutalité, l’absurdité du monde. Alors comme des enfants, ils transcendent cela en rigolade, en singerie. » Rescapés ou déserteurs, poilus de la Grande Boucherie ou grognards de Napoléon, Don Quichotte de cirque, éternels trouffions en marche contre des moulins à vent, ces clowns ont la fibre poétique et plus d’un tour à jouer. Marquant une pause dans leur marche forcée et, considérant que la guerre avait « tout bousillé » et que « tout ce vacarme, ce raffut n’avait servi à rien », ils vont jusqu’à soulever un lièvre dissimulé sous un tabouret de cirque, en l’apprivoisant avec des carottes. Un clin d’œil aux spectacles d’antan qui, eux, utilisaient des animaux ? En tout cas une parenthèse de douceur pour le public, et une respiration pour les artistes, après le bruit, la fureur et les morceaux de bravoure. À voir sans hésitation.
Strano S Créé par Titoune et Bonaventure Gacon
S En piste Titoune, Bonaventure Gacon et Pierre Le Gouallec, en alternance avec Sébastien Brun S Musicien Samuel Legal S Régie générale Bonaventure Gacon S Régie son et lumière Baptiste Heintz, Yannis Gilbert S Création costumes Nadia Genez S Compositions musicales Samuel Legal, Jean-Sébastien Bach, César Franck, Mauricio Kagel, Charles-Marie Widor S Conseillers techniques, artistiques et acrobatiques Filléas de Block, François Derobert, Caroline Frachet, Dimitri Jourde, Michaël Pallandre, Martin Prieto, Clément Rousseaux, Nicolas Picot, Claire Villard S Construction chapiteau Atelier Gest & Ortona S Production Marc Délhiat diffusion Geneviève Clavelin administration Laura Trappier production Cirque Trottola – La Toupie S Coproductions Les 2 Scènes, scène nationale de Besançon ; L’Agora, Pôle National Cirque Boulazac – Aquitaine ; L’Azimut - Antony/ Châtenay-Malabry, Pôle National Cirque en Île-de-France ; Le Carré Magique - Pôle National Cirque en Bretagne - Lannion Trégor ; Le CENTQUATRE-PARIS ; Centro nazionale di produzione blucinQue Nice (Italie) ; Cirque Jules Verne - Pôle National Cirque et Arts de la Rue – Amiens ; CREAC - La Cité Cirque de Bègles ; Espaces Pluriels scène conventionnée d’intérêt national Art et création Danse – Pau ; L’Estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège ; Latitude 50 – pôle des arts du cirque et de la rue - Marchin (Belgique) ; Le Palc - Pôle National Cirque de Châlons-en-Champagne - Grand Est ; Le Prato, Pôle National Cirque Lille ; Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper ; Le Théâtre de Lorient - centre dramatique national ; Théâtre-Sénart, Scène nationale ; La Verrerie d’Alès - Pôle National Cirque Occitanie ; La Scène nationale du Grand Narbonne avec le soutien du FONDOC - Fonds de soutien à la création contemporaine en Occitanie S Accueils en résidence Le Prato, pôle national cirque - Lille ; La Griotte - Die S Durée 1h 15
Du 3 au 21 décembre 2024
Au CENTQUATRE - 5 rue Curial Paris 19e T. 01 53 35 50 00
TOURNÉE
du 10 au 14 janvier 2025 Théâtre de Lorient - CDN, Lorient
du 22 au 29 janvier 2025 Théâtre de Cornouaille - scène nationale, Quimper
du 6 au 10 février 2025 Le Carré Magique - pôle national cirque, Lannion
du 5 au 9 mars 2025 Le Palc – pôle national cirque, Châlons-en-Champagne
du 28 mars au 5 avril 2025 Latitude 50 - pôle des arts du cirque et de la rue, Marchin (Belgique)
du 25 au 30 avril 2025 Le Prato - pôle national cirque, Lille
du 20 au 24 mai 2025 Théâtre Sénart, scène nationale, Lieusaint
du 5 au 19 juin 2025 Festival Arena, Prague (République Tchèque)