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Arts-chipels.fr

Le Nid de cendres. Une mythologie personnelle conjuguée à l’aventure d’une troupe.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Version courte et version longue. Comment une épopée conte la terrible histoire d’une société déliquescente qui erre dans un paysage en ruines et ses retrouvailles possibles avec le merveilleux en treize heures comme en un peu plus de trois. Entre souffle inspiré et exercice de style.

C’est un conte contemporain que Simon Falguières nous invite à découvrir. L’histoire d’une société qui allait mal, qui avait perdu ses valeurs et qui n’avait plus pour paysage que la destruction et l’errance. Il était une fois de l’autre côté de cette demi-pomme, un monde de contes et de fables que plus personne n’écoutait. Et il y avait entre eux cet étrange groupe qu’on nomme comédiens, des saltimbanques volontairement errants, attachés, envers et contre tout, à faire vivre et revivre des histoires, à leur donner corps, matière, texture et couleurs. Ils sont la passerelle entre ces deux moitiés qui s’étaient perdues de vue. Ainsi pourrait se résumer l’intrigue de ce parcours-fleuve en sept parties qui évoque la destinée de chacun des protagonistes en même temps qu’il rassemble à la fin les deux moitiés de la pomme.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Un long chemin à parcourir ensemble

Au point de départ, il y a un jeune homme passionné d’histoires et comédien à ses débuts de la Classe Libre du cours Florent, qui dirige un stage de formation et propose aux étudiants de créer avec lui une première version de l’épopée. Ses références, il les trouve dans le grand William (Shakespeare), lecteur impénitent des Métamorphoses d’Ovide et de l’Âne d’or d’Apulée. Ces étudiants, il va les retenir sept années durant autour de ce projet, alors que chacun a rejoint d’autres classes nationales, en les rassemblant tous les étés dans un jardin charentais. En surgit une version en cinq puis en huit heures jouée en extérieur sur un plateau de bois. Christophe Rauck, alors directeur du Théâtre du Nord et le réseau des Théâtres normands vont lui permettre de monter une version en six heures, que le second confinement transformera dans la version longue de l’épopée qui s'inscrira dans la programmation du festival d’Avignon 2022. Cette version longue donnera lieu, à la demande des Amandiers, à Nanterre, à une version qui constitue comme un retour au point de départ de la démarche et restitue, comme en accéléré, les différentes phases qui la composent. Une expérience hors du commun qui fait revivre, sans doute, cette expérience des théâtres d’autrefois avec leur troupe dédiée. Un passé dans lequel le théâtre occupait dans la cité un rôle de première importance.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Il était une fois…

En ce temps-là, la société, confite dans la grisaille d’une vie rétrécie, avait sombré dans la violence. Le Président, en fuite, s’était travesti en voyante et chacun cherchait à échapper à ces terroristes armés. C’est dans ce contexte plus que troublé que naît Gabriel, le fils d’un petit rond-de-cuir qui s’enfuit avec sa famille et abandonne le bébé devant les roulottes d’une troupe de comédiens, qui vont adopter le petit. Un enfant qui biberonne aux histoires, sans cesse réinventées par sa famille d’adoption. Sur l’autre moitié de la pomme, il y a un roi et une reine qui se meurt, et un royaume menacé parce que plus personne ne veut entendre des contes. Il y a aussi une princesse et ses deux frères qui vont partir combattre pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Mais ils meurent et, comme dans tout drame shakespearien de bon aloi, les vivants et les morts communiquent. Finalement, c’est à Anne, la princesse, que reviendra la charge et la volonté de sauver le royaume des contes. Les histoires de Gabriel et d’Anne vont s’entrecroiser jusqu’à s’écrire ensemble.

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Sous le signe de la transformation

L’espace scénique se métamorphose à vue pour évoquer tour à tour l’intérieur de la famille de Gabriel, le grenier où il naît, le palais royal, les champs de bataille ou la roulotte et les tréteaux des comédiens. Quelques croix plantées sur des supports et nous voici errant dans les ruines. Quelques bougies disposées autour de l’espace et nous voici plongés dans une veillée funèbre. L’artifice, c’est le décor de fond de scène qui se tourne et se transforme, se mue en poste d’observation, en trône ou en théâtre ambulant. Quant à l’espace tapissé d’histoires où se rencontrent Anne et Gabriel, c’est le public qui en forme les parois. Ces fables, il les a inspirées ou nourries, il en est l’un des protagonistes. Un personnage cependant traverse ces espaces et fait communiquer ces univers : narratrice, commentatrice ou Madame Loyal introduisant les numéros, elle est le fil rouge, comme son costume, qui mène d’un lieu à l’autre, d’une histoire à l’autre, comme un lutin facétieux qui nous escorterait tout au long du spectacle.

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

La comédie avec le drame

Comme un ballet réglé au petit poil, accompagné par la musique, les personnages se déploient dans une chorégraphie impeccable. On voit passer des médecins de cour rappelant les Docteurs Diafoirus du Malade imaginaire, opinant du bonnet en mesure. Les conseillers du royaume sont de la même veine et leurs attributions – culture, recensement, politique ou ville, quand ce n’est pas « nouveautés » ou « travaux finis » – nous ramènent à un environnement qui ressemble furieusement au nôtre. Il y a les bons et les méchants, les comptables et les dieux – Zeus est de la partie. Les poètes y débattent par-delà le temps, Sophocle y va de sa tirade et se dispute avec Homère, bref, on nage dans une cocasse marmite pour préparer l’idylle qui mettra à bouillir ensemble les deux moitiés de la pomme et formera la compotée idéale.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Une déclaration d’amour au théâtre

Le public se laisse porter par ce mouvement incessant, parfois non exempt de clins d’œil qui pourraient sembler faciles mais qui sont aussi la loi du genre. Mais ce qui ressort, au-delà de cette accumulation de citations et de références qui jouent au ping pong, c’est cet extraordinaire appétit des histoires, qui mêle les réminiscences de l’enfance à la compréhension du réel, ce besoin de réenchanter le monde en faisant appel à ces apparitions furtives, inopinées, surgies de nos imaginaires, qui ont un goût de confitures mitonnées, de saveurs qu’on croyait oubliées et qu’on redécouvre. Le théâtre, c’est cela. Une manière d’éclairer le monde en faisant luire l’amorce d’une réflexion qui traverse le temps, l’exemplarité d’une image, la faculté de faire surgir des mondes d’un plancher de bois. Et cela, c’est la mythologie propre de Simon Falguières qui la transporte, celle du poète, de l’aède du XXIe siècle qu’il incarne.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Le Nid de cendres de Simon Falguières (édité chez Actes Sud Papiers)

S Texte et mise en scène Simon Falguières S Avec John Arnold (le Roi, Argan, le chef de la troupe) , Layla Boudjenah (Auguste) , Antonin Chalon (Lorenzo, le grand médecin, Sophocle, l'architecte, le conseiller à la culture) , Mathilde Charbonneaux (la Reine, Bélise, la femme de ménage, Manie) , Camille Constantin Da Silva (Sarah, une accoucheuse, une jeune femme, Juliette femme du royaume, le conseiller aux associations) , Frédéric Dockès (Didi, Homère , le conseiller au recensement) , Elise Douyère (Etoile, la Clémentine, une dame de la cour) , Anne Duverneuil (Sophie, Lanie, le petit médecin, une infirmière, une femme de la bande) , Charlie Fabert (Jules le Blanc, Brock fils de Bélise et d'Argan, un infirmier, le chef de bande) , Simon Falguières (le médecin, Garon le comptable, Shakespeare, Zeus, le conseiller à la nouveauté) , Charly Fournier (le Président grimé en voyante, le temps , le gros médecin) , Victoire Goupil (Oerine la nourrice, Dorine, une infirmière, un conseiller politique) , Pia Lagrange (la princesse Anne, une infirmière, une jeune femme) , Lorenzo Lefebvre (Gabriel, le valet, le stagiaire) , Charlaine Nezan (Louison, Loulou femme du monde, Jacquotte) , Stanislas Perrin (Jean, Henri fils aîné du roi et de la reine, un conseiller à la ville, le voisin de Brock et Etoile) , Manon Rey (Julie, Eros, Mariette , un conseiller aux travaux finis) , Mathias Zakhar (Monsieur Badile, Coroll le balayeur, un infirmier, un vieillard, Dionysos, le secrétaire de cabinet) S Collaboration artistique Julie Peigné S Assistant à la mise en scène Ludovic Lacroix S Scénographie Emmanuel Clolus S Création lumières Léandre Gans S Création sonore Valentin Portron S Création costumes Clotilde Lerendu, Lucile Charvet S Accessoiriste Alice Delarue, Pauline Lefeuvre Régie générale Clémentine Bollée, Morgane Bullet S Régie plateau Guillaume Rollinde, Nicolas Gérard S Régie fils Charlotte Notter, Simon d'Anselme de Puisaye S Régie lumière Léandre Gans, Thomas Mousseau Fernandez S HabillageLucile Charvet, Léa Bordin S Tambouriste Mohammad Mostafa Heydarian S Instrumentarium Baschet Olivier Kelchtermans S Administration - Diffusion Martin Kergourlay S Production Justyne Leguy-Genest S Intégrale créée le 9 juillet 2022 au Festival d'Avignon, 76 e édition S Production Le K S Coproduction Festival d'Avignon, Théâtre Nanterre-Amandiers ; La Comédie de Caen - CDN de Normandie ; ThéâtredelaCité - CDN Toulouse Occitanie ; Le Tangram Scène Nationale d'Évreux-Louviers ; Le CDN de Normandie – Rouen ; Le Préau - CDN de Normandie Vire ; Théâtre du Nord CDN de Lille -Tourcoing - Hauts de France ; La Rose des vents - Scène Nationale Lille Métropole Villeneuve d'Ascq ; Dieppe Scène Nationale, le Trident Scène Nationale de Cherbourg en Cotentin ; Scène Nationale 61 S Avec le soutien de la DRAC Normandie Ministère de la Culture, la Région Normandie, le Département de l'Eure, l'ODIA, avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le dispositif d'insertion de l'École du Nord S Durée 3h30 pour les prémices de l'épopée du Nid de cendres , 13h pour l'intégrale

Au Théâtre Nanterre Amandiers -7, avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre  du 11 au 20 mai 2023

Le Nid de Cendres jeu. 11, v. 12 mars. 16 mai à 19h30 / sam. 13 à 18h / obscurité. 14 à 15h Durée estimée 3h30 avec entracte

Le Nid de Cendres - Jeu Intégrale. 18 mai/sam. 20 mai à 11h Durée 13h, entractes compris

Rés. 01 46 14 70 00 et www.nanterre-amandiers.com 

Au ThéâtredelaCité – Toulouse les 2 & 4 juin 2023 (2 intégrales)

Composition de l'intégrale et durée (13 heures, 7 parties avec entractes)

Le Chant de l'abandonné [ Durée 1h20 ]  Ou comment un jeune couple fuit une révolution, un embrassement et abandonne son enfant au pied d'une roulotte de comédiens. [ Entracte : 30 min ]

Le Chant de l'endormie [ Durée 1h40 ]  Ou comment, dans un royaume de conte, un roi, qui voit sa reine tomber dans un profond sommeil, perd la raison et se sépare de ses trois enfants. [ Entracte 1h ]

Le Chant de l'aveugle [ Durée 1h ]  Ou comment Gabriel, qui a grandi avec la troupe du théâtre des campagnes, est appelé par une femme de l'autre côté de la mer. [Pause 15 minutes]

Le Chant traversé [ Durée 1h05 ]  Ou comment la princesse Anne traverse les mers, les limbes pour retrouver l'homme qui sauvera la reine mère. [ Entracte 30 min ]

Le Chant du véritable abandonné [ Durée 1h40 ]  Ou comment, dans les cendres de l'occident, une troupe de comédiens voyage en errance. Ou comment deux frères s'y déchirent. [Entracte 1h ]

Le Chant de la réunion [ Durée 1h10 ]  Ou comment la princesse Anne, rebaptisée Psyché par Sophie, rencontrée fin à l'amour pour trouver Gabriel. Ou comment la reine se réveille. [Pause 15 minutes]

Le Chant d'Auguste [ Durée 1h05 ]  Ou comment Brock est devenu le chef de la ville. Ou comment Anne et Gabriel abandonnent le théâtre en ruines pour retrouver l'éternité.

L’Errance est notre vie, une petite forme d’1 heure tirée du spectacle, tournera dans Nanterre les 6, 7 & 8 février 2024

Le 6 février à 13h, Groupe Forvia, 23, avenue des Champs pierreux

Le 7 février à 18h, Maison de l’Enfance, 39, rue de l’Aubépine

Le 8 février à 18h, Université de la Sorbonne nouvelle, Paris III, 8 av. de St-Mandé, 75012 Paris

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