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Arts-chipels.fr

Dans la Caravana. Entre famille recomposée et nomadisme.

© Hervé Bellamy

© Hervé Bellamy

Ce sympathique spectacle jeune public, qui croise théâtre, musique et chansons, sollicite les réactions des spectateurs à partir d’un thème – les gens du voyage et la « différence » – tout en rapprochant leur situation de celles que vivent aujourd’hui nombre d’enfants de leur âge.

Une drôle de roulotte trône au centre de la scène. Un abri de bric et de broc sur lequel sont accrochés une flopée d’objets – valises, sacs de courses en plastique colorés, panier d’osier, chaise et autres objets du quotidien – qui disent l’exiguïté, l’absence de place. On a même dressé une tente sur le toit de la Caravana. Cette roulotte, c’est le lieu trop étroit où vit une famille entière : un couple, leurs trois enfants et la grand-mère. Ce sont des gens du voyage, ceux qui déménagent tout le temps, ceux qui portent leur maison sur leur dos ou presque. Ils sont musiciens. Flûte, guitare, accordéon et tambourin rythmeront tout au long du spectacle un parcours émaillé de chansons et de musique.

© Hervé Bellamy

© Hervé Bellamy

Une galerie de personnages emblématiques

Cette famille, elle ressemble – ou presque – à celle des enfants qui regardent. Il y a le père, remarié, et ses enfants de deux lits qui se détestent, comme il se doit, en même temps qu’ils se protègent mutuellement. Ceux du premier lit se sentent mal aimés et montrent envers leur jeune belle-mère une hostilité palpable parce qu’elle est l’intruse. Ils ne manquent pas une occasion de lui pourrir la vie. Cette famille recomposée, elle ressemble à celle de milliers de familles sédentaires et les enfants peuvent se reconnaître dans les comportements de ces enfants du voyage, même s’ils n’ont pas tout à fait la même vie. Mais il y a tout de même quelques différences. Chez les gens du voyage, on ne se sépare pas des anciens et la grand-mère vit avec eux. Et on ne reste jamais longtemps au même endroit...

© Hervé Bellamy

© Hervé Bellamy

Une vie cahin-caha

Malgré la galère de leur vie, suggérée par cette accumulation anarchique d’objets qui évoque le manque de place, la roulotte offre aux enfants un terrain de jeux formidable et une source inépuisable d’activités. La Caravana, dont le nom tiré du grec indique métaphoriquement le transport, est un lieu magique. Parce qu’on peut s’y cacher, apparaître et disparaître, sortir d’un côté et entrer par l’autre, se percher sur le toit de la roulotte, monter, descendre, courir et se poursuivre, sauter à l’intérieur et transformer la roulotte en simili culbuto. Ça ressemble à un castelet de guignol. Et un jour ici, un jour là, c’est la liberté pour les enfants, comme pour la jeune femme aussi, qui a quitté les tâches ingrates de la ferme pour suivre son baladin. Cependant cette situation de déménagement permanent n’a pas que des avantages. Tout n’y est pas rose. Des trois enfants, la fille aimerait pouvoir se poser, aller à l’école, se faire des amis…

Dans la Caravana. Entre famille recomposée et nomadisme.

Une langue chahutée pleine de sel

Cette famille d’un autre type parle aussi une autre langue. Les parents surtout. Parce que s’y mêlent des traces de roumain et d’autres idiomes, engrangés au fil des voyages, qui viennent s’emmêler comme s’emmêlent les paroles du père, ce roi sans royaume d’un pays de cocagne imaginaire qui fait la « sourde oseille » quand ça l’arrange et qu’on accuse d’avoir « pété des pédales ». Les enfants dans la salle ne manquent pas d’ailleurs de rectifier au passage les expressions de ces personnages à la langue bizarre qui savent faire des tours de magie mais passent leur temps à ne pas dire la « vraie rité ».

© Hervé Bellamy

© Hervé Bellamy

La différence en filigrane

La musique est éclectique. Interprétée en live, elle fait résonner, par instants, comme des échos de rythmes tsiganes et emprunte à ces musiques du monde qu’on écoute aujourd’hui, dans lesquels baignent les enfants et où se croisent ballade, folk, pop, hip-hop, blues et même funk. Elle vient dire les identités mêlées qui forment aujourd’hui notre environnement. Mais sous la cocasserie, les chansons entraînantes et les situations menées tambour battant se révèle néanmoins une réalité moins brillante. « On est des pauvres, des riens du tout », qui n’ont « pas les mots qu’il faut, pas l’argent qu’il faut », soulignent ces enfants du voyage pas tout à fait comme les autres, en butte à l’hostilité des habitants des maisons qui les chargent de tous les maux ou les accusent de vol. Sous les dehors sympathiquement bordéliques de cette famille à la fois familière et exotique se dessine en creux un paysage moins reluisant où la peur de l’autre, de l’étranger, peut conduire à l’ostracisme et à l’exclusion. Si le ton est léger, l’esprit facétieux et l’ambiance festive, la pièce n’en aborde pas moins l’une des grandes problématiques de tous les temps, et plus particulièrement celle de notre époque : l’exil et la migration. Ainsi la « Caravana » offre-t-elle une invitation au voyage pour découvrir l’autre et se mettre à l’écoute… 

Dans la Caravana

S Texte et mise en scène Catherine Anne (L'école des loisirs, 2015) S Avec Fabienne Pralon, Pol Tronco, Lalou Wysocka, Martin Sève S Musique originale Fabienne Pralon S Scénographie Élodie Quenouillère S Collaboration aux costumes Claire Michau S Lumières Loris Gemignani S Assistante mise en scène Mathilde Flament-Mouflard S Régie générale Laurent Lechenault S Un spectacle de théâtre et musique accessible aux enfants à partir de 6 ans

Du 29 mars au 7 avril 2023 • Mercredi 29 mars, 10h et 15h • Jeudi 30 mars, 10h et 14h30 • Vendredi 31 mars, 10h et 19h • Samedi 1er avril, 18h • Dimanche 2 avril, 16h • Lundi 3 avril, 14h30 • Mercredi 5 avril, 10h et 15h • Jeudi 6 avril, 10h et 14h30 • Vendredi 7 avril, 10h

Théâtre Dunois – 7, rue Louise Weiss, 75013 Paris. www.theatredunois.org

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