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Arts-chipels.fr

Perdre son sac. Et le vider…

© Louise Quignon

© Louise Quignon

Un moment – presque – ordinaire de la vie d’une jeune femme en révolte qui dit son refus de l’existence qu’on lui a préparée, dans une écriture de premier jet.

Sur un fond de plastique de chantier, un petit carré de bitume sur lequel une jeune femme apparaît. Son univers : un caddie et un sac qui déverseront un contenu de rien et une petite lampe kitsch aux couleurs changeantes. Elle vit dans la rue et, face au public, dit sa solitude, sa colère, ses refus. Cuirassée dans sa tenue aux genoux renforcés, armée de son seau et d’une perche télescopique terminée par une éponge, elle balance, face au public, toute sa hargne. Elle ne lave pas les verres au fond d’un café, non, elle nettoie les vitrines des magasins, proposant ses services à qui voudra bien l’employer pour gagner quelque argent. De quoi subsister. De quoi entretenir, choyer, la femme qu’elle idolâtre. 

Une tranche de vie, à toute vitesse

Peu à peu, par bribes, dans le désordre, apparaissent ses moments de vie. Des études supérieures – bac + 5 – et le choix de la rue pour dire merde à la vie qu’on voulait lui faire. Et puis sa rencontre avec une femme aux mèches rouges qui travaille là où les femmes sont formatées, décorées pour le plaisir des hommes : l’institut de beauté où l’on vous refait, de la racine des cheveux à la pointe des ongles pour devenir la poupée de chiffon désirable par les hommes. Mais son désir à elle, c’est cette femme, sans « éducation », brute de décoffrage, insortable dans les salons intellectuels, pas d’équerre avec le milieu de la narratrice. Pour elle, elle ferait n’importe quoi. Les mots se bousculent. Elle parle à perdre haleine, vidant son sac de paroles, enchaînant les phrases quasi sans reprendre sa respiration, avec un sentiment d’urgence de dire. Sa détresse aussi parce que son amoureuse l’a quittée.

© Louise Quignon

© Louise Quignon

Quelque part, entre les années 1970 et aujourd’hui

Si c’est dans l’ici et maintenant que se situe ce seul-en-scène, si l'esprit se reporte en particulier aux années récentes, post-covid, et au refus de toute une génération de s’inscrire dans les canaux tracés par leurs aînés – métro-boulot-dodo – avec un boulot qui ressemble plus à perdre sa vie qu’à la gagner, on garde de cette logorrhée désespérée et colérique qui se déverse à flux continu un vague sentiment de hiatus. Parce que ce refus, présenté ici dans une opposition entre une mentalité « bourgeoise » et une forme de vérité « populaire » – la France d’en bas opposée à la France d’en haut – a de furieux relents d’années 1970, quand les fils et filles de bourgeois, par militantisme politique, reniaient leur classe en choisissant d’aller travailler en usine et de partager la vie des « sans-grade ». Et parce qu’aujourd’hui, si la colère est la même, on a le sentiment que le discours se fait moins « politique », moins collectif, mais plus environnemental et individuel, plus ontologique. Ce sentiment de décalage n'est sans doute pas étranger à l'impression que laisse le texte de Pascal Rambert. Ici rapide et de premier jet, il est comme une bouteille balancée à la mer, un pavé dans le marigot d’une vie où le concept de progrès a cédé la place à la régression et à la décroissance.

© Louise Quignon

© Louise Quignon

Perdre son sac

S Texte, mise en scène et installation Pascal Rambert S Avec Lyna Khoudri S Collaboration artistique Pauline Roussille S Chorégraphie claquettes Romain Rachline Borgeaud S Régie générale Alessandre Calabi S Régie lumière Thierry Morin S Costumes Clémence Delille S Répétitrice Hélène Thil S Direction de production Pauline Roussille S Administration de production Juliette Malot S Coordination de production Sabine Aznar S Production structure production S Coproduction (en cours) CICT – Théâtre des Bouffes du Nord Création automne 2022 à Tanger (Maroc) en partenariat avec l’Institut Français de Fès Le texte Perdre son sac est édité aux éditions Les Solitaires Intempestifs Création automne 2022 à Rabat, Maroc

Du jeudi 2 au samedi 18 février 2023, du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Théâtre des Bouffes du Nord - 37 (bis), boulevard de La Chapelle 75010 Paris

Réservations 01 46 07 34 50 www.bouffesdunord.com

Du jeudi 2 au samedi 18 février 2023, du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Théâtre des Bouffes du Nord - 37 (bis), boulevard de La Chapelle 75010 Paris

Réservations 01 46 07 34 50 www.bouffesdunord.com

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