Un bon job. La vie moderne est pleine de chausse-trapes…

Lorsqu’à force de débordements de toute part, la vie grippe de partout, il est temps de faire quelque chose. La formule trouvée par Johana est-elle une solution miracle ?

C’est à un entretien d’embauche un peu particulier que nous assistons lorsque la pièce commence. Parce que celui qui postule ne sait pas à quel poste, qu’il ne connaît pas les conditions dans lesquelles il travaillera et qu’elle sera sa mission. Tout ce qu’il sait, c’est que c’est bien payé. Une motivation suffisante pour candidater, même si on ne sait pas pourquoi. Mais une difficulté pour passer correctement un entretien de personnalité pour le moins incisif et plutôt « sécos ». Mais Raphaël le veut, ce poste, et il l’aura. Son travail ? Alléger la charge mentale de Johana, qui exerce un contrôle absolu – du moins le voudrait-elle – sur son environnement professionnel et familial. Le credo de Johana ? Être logique jusqu'au bout en prenant le contrepied des tièdes qui ne vont pas jusqu'au bout de leurs idées et utilisent pourtant la longue chaîne de services offerts par la société : « Le pâtissier fait des gâteaux à votre place, l’esthéticienne s’occupe de vos poils, la femme de ménage cure vos chiottes mais que quelqu’un puisse penser à votre place pour vous éviter le burn-out, alors ça quelle horreur ! »

Un portrait-charge de l’efficacité à tout prix

Johana, c’est le portrait-type de la femme moderne, parvenue à un poste de pouvoir. Avec son compagnon, Denis, qui est aussi son collaborateur, elle gère un business de services au niveau international. Pendue à son téléphone à tous les moments de la journée et dans toutes les langues, l’œil rivé sur l’évolution des chiffres, elle brasse, remodèle et révise, sans cesse à l’affût de la nouveauté qui augmentera un peu plus ses marges et élargira son champ d’action. La performance est son credo et son compagnon sait que cet impératif ne touche pas seulement les affaires à gérer ou celles à créer. Car au lit, c’est la même histoire. Donc gaffe aux pannes ou aux ralentissements de la libido !

Un monde qui se délite et s’en va par tous les bouts

Tenir tout son monde n’est, dans ces conditions, pas une mince affaire parce que le temps lui manque pour s’occuper de sa famille et qu’elle a le sentiment que quelque chose est en train de déraper. Sa fille, qui fait pourtant de brillantes études, a décidé de tout laisser tomber pour se consacrer à la chanson – ce qui n’est pas forcément la meilleure idée compte tenu de sa voix – et elle soupçonne son fils de cacher son homosexualité. Qu’à cela ne tienne ! Raphaël est là pour rentrer dans la peau de sa patronne et répondre à toutes les questions, résoudre tous les problèmes. Mais attention ! Le précédent n’a pas tenu le choc et a été débarqué, c'est ce que chacun lui susurre...

Une comédie noire

On navigue avec un cynisme sans vergogne et une acidité réjouissante dans un monde qui part par tous les bouts. Les affaires sont mauvaises, les enfants se révoltent, le compagnon donne des signes d’usure et Johana, qui refuse de lâcher prise tout en ne maîtrisant plus ses priorités, s’enfonce chaque fois davantage. Aussi, lorsque son alter ego, qui a tellement retenu les leçons de sa patronne, se met à régenter à son tour cette famille en perdition, utilisant les arguments qu’on lui a inculqués, la mesure est comble. Sur un rythme mené tambour battant, les comédiens, dans une série de courtes saynètes, campent de manière épatante des personnages pris au piège des attendus de la société. On rit beaucoup, même si le rire est jaune. Il n’en demeure pas moins que la peinture est juste et que le trait, à peine forcé, donne de notre société une vision drôle mais acérée.

Un bon job

S Texte et mise en scène de Stéphane Robelin S Musique Antoine Robelin S Scénographie David Bersanetti S Création vidéo Ludovic Lang S Avec Sophie Vonlanthen, Lionel Nakache, Juliette Marcaillou, Philippe Chaine et Tom Robelin

À partir du 17 novembre 2022. Jeudi, vendredi et samedi à 21h, dimanche à 17h  

Manufacture des Abbesses – 7, rue Véron, 75018 Paris

Rés. 01 42 33 42 03 www.manufacturedesabbesses.com