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Arts-chipels.fr

Arletty. Comme un œuf dansant au milieu des galets. L’actrice et ses doubles.

Arletty. Comme un œuf dansant au milieu des galets. L’actrice et ses doubles.

La pièce de Koffi Kwahulé donne à la figure d’Arletty une résonnance très contemporaine qui rejoint les combats pour la libération de la femme et, plus généralement, la revendication de la liberté de penser et de mettre en conformité ses pensées et ses actes.

D’Arletty on se souvient de l’inoubliable Garance des Enfants du Paradis, au verbe haut en couleur et plein de franchise, femme entretenue par un homme riche qui dit à son protecteur « Mon ami, vous êtes riche et vous voudriez qu’on vous aime pour vous-même. Et aux pauvres, qu’est-ce qui leur reste ? » et lui préfère le mime Baptiste à la blanche figure de Pierrot triste. On se souvient de sa tirade fameuse d’Hôtel du Nord, « Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? », faite avec sa voix gouailleuse de « parisienne » de Courbevoie. Mais aussi du joueur de luth Dominique, aux allures androgynes, envoyé par le diable pour séduire deux hommes qui se battront pour elle. Séductrice, elle l’est aussi dans la vie, Léonie Bathiat, la fille d’un employé des tramways de Paris et d’une lingère qui débarque dans la vie d’un jeune banquier en 1917. Elle a alors dix-neuf ans…

© Yann Slama

© Yann Slama

Un destin hors du commun

Elle s’installe avec lui à Garches, fréquente Coco Chanel, les grands couturiers – elle sera même, un temps, mannequin chez Poiret, considéré comme un précurseur du style Art Déco – et les gens de la « haute ». Elle passe des bras d’Henri-Georges Lévy à ceux de Paul Guillaume, le galeriste qui défendit Modigliani et Soutine, Picasso et Matisse, avant de trouver auprès d’un homme d’affaires, Jean-Pierre Dubost, un compagnon de route qu’elle gardera en dépit de ses écarts qui sont nombreux. La femme au franc-parler, la populaire fréquente le Tout-Paris des années folles et de l’Occupation. Elle noue des amitiés avec Prévert, Carné mais aussi avec le Dr Destouches, Louis-Ferdinand Céline, et ne dédaigne pas les amitiés particulières. Elle a une relation amoureuse avec Antoinette d’Harcourt, qui entre pendant la guerre dans la Résistance. Tombée amoureuse d’un officier allemand, Hans Jörgen Soering, et pas n’importe lequel puisqu’il était l’homme de confiance de Goering, Arletty échappe de peu à la tonsure et au jugement pour collaboration mais sa « collaboration horizontale » lui vaut un internement à Drancy, puis à Fresnes et dix-huit mois de résidence surveillée ainsi qu’une interdiction de travail de trois ans.

© Yann Slama

© Yann Slama

Une femme « simple » mais une personnalité complexe

À la suite de la mort de son premier amour, surnommé « Ciel » en raison de la couleur de ses yeux et tombé au combat durant la Première Guerre mondiale, Arletty s’était juré de ne jamais se marier. Elle respectera sa promesse en dépit des propositions qui lui sont faites. Fidèle en amitié, et liée à des résistants, elle ne reniera jamais son attachement pour Céline alors même que celui-ci est devenu un proscrit et qu’elle désapprouve son antisémitisme virulent. À la fin de la guerre, alors que ses amis, son amant comme Céline, réfugié à Sigmaringen, la pressent de quitter la France et proposent d’organiser son transfert, elle choisit de rester en France et d’affronter l’opprobre public et le procès qui lui est fait. On lui prête alors, lors de son arrestation, une réplique fameuse : « Si mon cœur est français, mon cul, lui, est international. » À ses accusateurs lui reprochant sa liaison avec un Allemand, elle retournera le reproche en faisant valoir qu’il ne « fallait pas les laisser entrer ». C’est cette femme qui va au bout de ses convictions que Koffi Kwahulé a choisie d’adopter sans pour autant en retracer la biographie, en faire le biopic théâtral.

© Yann Slama

© Yann Slama

Le théâtre dans la fable de l’histoire d’Arletty

L’histoire d’Arletty, Koffi Kwahulé choisit de la conter à travers une fiction qui mêle fiction historique et fiction théâtrale. Lorsque la pièce commence, c’est dans une loge de théâtre que nous nous trouvons. Y trône un grand miroir à maquillage entouré de lampes dont l’éclat se fera éclairs des tirs de guerre qui se déroulent au moment où les combats font rage dans Paris. Elles se modifieront aussi pour évoquer les instants du procès où Arletty est mise en accusation. Mais pour l’heure, ce n’est pas elle qui apparaît sur scène, mais la comédienne qui doit l’interpréter. Elle est en corset à baleines, signe des années 1940, mais porte sur les oreilles un casque dans lequel explose une musique tonitruante, punk comme la comédienne qui l’interprète a qualifié Arletty. Tout au long de la pièce, paroles d’hier et d’aujourd’hui alterneront sans autre transition que la lumière dont les stridences rappellent la violence à laquelle Arletty fut confrontée et le son qui nous parvient en « off » des accusations lancées contre la comédienne. Le miroir, ce sont les multiples reflets au travers desquels nous regardons Arletty : celui de la comédienne, une femme de notre époque, qui veut vivre pleinement son identité et reconnaît dans Arletty une part d’elle-même, ce désir d’aller jusqu’au bout, de s’assumer pleinement ; celui d’Arletty elle-même, cette femme altière, campée sur ses certitudes et les défendant jusqu’au bout ; celui dans lequel Koffi Kwahulé installe le reflet que l’écrivain dessine d’une femme libre ; et nous-mêmes, à la croisée de ces chemins. Une vision du monde dans lequel des femmes assument leurs choix qui vont de l’avortement ou des désirs homosexuels à la liberté d’aimer, des « vierges et des putains », des « femmes dangereuses donc »... mais ô combien enviables !

Arletty. Comme un œuf dansant au milieu des galets de Koffi Kwahulé

S Mise en scène / scénographie.Kristian Frédric S Avec Arletty.Julia Leblanc-Lacoste S Assistante écriture mise en scène Marie Lecocq S Stagiaire mise en scène Cassandra Le Riguer S Conception vidéo Soo Lee et Youri Fernandez / Univers Transmédia S Concepteur sonore Hervé Rigaud S Concepteur lumière et régisseur Yannick Anché S Régisseur son et vidéo Frank Harriet S Accessoiriste Sarah Brousse-Martinez S Construction Décor Atelier Lasca S Graphisme affiche Thomas Ladret S Producteurs : Cie Lézards Qui Bougent, Fabrik Théâtre Opéra / Bayonne (64) S Coproducteurs : Cie Graines de Soleil, Le Lavoir Moderne Parisien (LMP, 75), La Ville d’Anglet (64), Le Toursky à Marseille (13), Julia Leblanc-Lacoste, Koffi Kwahulé, Kristian Frédric S Partenaires : La Ville de Bayonne, Le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, La Région Nouvelles Aquitaine - Cultures Connectées, Communauté des Communes du Pays Basque, Dômes Studio, Louxor - Palais du Cinéma, Record Eye, La Terrasse. S Lieux partenaires : After Before - Pavillon 108 Fumel (47), Le Petit Chien Théâtre Avignon (84), MVC Saint-Etienne Bayonne (64), ESCM de Bayonne (64), La Merise Trappes (78), Théâtre Du Pont Tournant Bordeaux (33), Ville de Mourenx (64)

Au Lavoir moderne parisien – 35 rue Léon – 75018 Paris

Du 6 octobre au 14 novembre 2021, du mercredi au samedi 21h, dimanche 17h

Réservations www.lavoirmoderneparisien.com Tél. 01 46 06 08 05

TOURNÉE SAISON 2021/2022

< 6 oct - 14 nov - Lavoir Moderne Parisien / PARIS (75) (30 représentations)

< 16 nov - La Merise / Trappes (78) - (2 représentations)

< 18 - 21 nov - Théâtre Du Pont Tournant Bordeau x (33) (4 représentations)

< 23 - 26 nov - Théâtre Toursky / Marseille (13) (4 représentations)

< 30 nov - 4 déc - Théâtre Quintaou / Anglet (64) (7 représentations)

< 18 - 19 jan - Ville de Mourenx / MOURENX (64) (2 représentations)

< FESTIVAL AVIGNON OFF / JUILLET 2022 Au Petit Chien Théâtre / Avignon (84) - 21 représentations

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