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Arts-chipels.fr

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Le festival Marionnettes et objets devait tenir sa 21e édition dans les Hauts de Seine. Pour donner au travail des compagnies une chance d’être vues, ailleurs, plus tard, des représentations sont destinées à la presse et aux professionnels. Une démarche un peu marteau mais généreuse, comme celle de nombre de théâtres qui accueillent, à l’heure actuelle, des spectacles sans public.

Marto est un festival qui s’intéresse à la marionnette et à la manipulation d’objets. Huit directeurs de structures culturelles, à Fontenay-aux-Roses, Antony/Châtenay-Malabry, Clamart, Bagneux, Châtillon, Malakoff, Issy-les-Moulineaux et Nanterre ont décidé de permettre aux artistes de présenter leurs créations pour travailler à l’après-pandémie, entrevoir un avenir. Ils proposent des spectacles extrêmement différents dans leur propos, leur approche et les moyens qu’ils mettent en œuvre.

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Les Buffles dans les méandres de la pensée animale

Une famille buffle – papa, maman et les six enfants – vit difficilement d’une laverie qu’elle exploite à grand-peine. L’un des enfants disparaît, dévoré, affirment les parents, par un lion. Mais les circonstances de sa disparition restent mystérieuses et les enfants survivants s’interrogent. On connaîtra à la fin les circonstances de cette disparition. Les enfants grandissent, abordent la sexualité et s’affranchissent de la dépendance à leurs parents. Ils n’en demeurent pas moins un groupe, compact. Cette fable pourrait être une simple transposition de nos sociétés humaines mais elle va au-delà en s’interrogeant sur les comportements animaux – la disposition des buffles, par exemple, à vivre en troupeau. Elle explore la question des sacrifices consentis ou nécessaires pour préserver l’intégrité du groupe. Beuglements, mugissements et souffles émaillent les relations très bavardes de ces têtes de buffles rapprochées les uns des autres, qui conservent leur caractère de tribu inséparable. Dotées de pattes articulées terminées en sabots, les marionnettes, manipulées à vue, livrent un récit choral, non dialogué, de leur histoire, ce qui confère un caractère d’étrangeté aux situations. L’auteur évoque, au travers de ces animaux quoique de manière détournée, à la fois le Barrio Chino, le quartier populaire de Barcelone où il réside, et la force des non-dits qui demeurent, parfois au sein même d’une même famille, quant à la guerre d’Espagne, au silence imposé par la dictature et aux blessures que l’histoire a laissées…

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Supergravité, une dérive énigmatique d’une grande force plastique

Vous qui passez ce seuil, laissez vos codes de compréhension à l’entrée car il n’est pas sûr que vous y retrouviez les références scientifiques que vous pourriez attendre et une certaine forme d’organisation de la pensée. La supergravité, c’est la der des ders des théories destinées à comprendre les mécanismes de l’univers et à les unifier dans une approche unique. Elle succède à la relativité restreinte – qui a elle-même remplacé la relativité galiléenne – qui mettait en lumière la structure cinématique (description des mouvements) de l’espace-temps, puis à la relativité générale qui fait de l’espace-temps une entité dynamique, évoluant au même titre que les autres champs physiques. Le développement, depuis les années 1960, de la gravitation expérimentale, la découverte des particules telles que les quasars et les pulsars, des objets condensés, des trous noirs et des champs gravitationnels variables ont complexifié notre approche des lois qui gouvernent l’univers. Les tentatives modernes d'unification des interactions fondamentales dans le cadre de la théorie quantique des champs ont suscité des recherches nouvelles sur les rapports entre la relativité générale, la théorie quantique et les autres forces, stimulant la création, ou le développement, de nouvelles théories physiques, comme la supergravité, qui vise à unifier la mécanique quantique et la relativité générale. Théorie des cordes et des supercordes, fractales, spins, branes, supersymétries… autant de mots créés qui font rêver sans qu’on sache, sauf exception, les définir.

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Quatre personnages évocateurs de l’histoire des sciences

C’est dans ce cadre qu’évoluent quatre personnages qui retracent l’aventure de la compréhension du monde. Le premier incarne Anaximandre de Milet – mais aussi tous les savants de l’Antiquité. Longue jupette plissée à la manière égyptienne, il dessine sur un tableau imaginaire une représentation du monde dont la Terre occupe le centre. Il entame un dialogue sans paroles avec un mix de Copernic et de Newton en culotte bouffante, qui renvoie aux XVIe et XVIIe siècles et aux préoccupations mécanistes de la science à cette époque. Le monde devient héliocentrique, la Lune tourne autour de la Terre, on découvre la gravitation et on fait le vide. Surviennent la relativité et ses forces fondamentales – interactions forte, faible, électromagnétique et gravitationnelle – incarnées par une comédienne dont le costume dit les années 1950-1960. Barbotant à loisir dans des concepts inaccessibles pour le commun des mortels, en voix off d’abord puis sur scène, le quatrième personnage, espiègle, jongle avec le temps rappelant tout aussi bien les traces de mains laissées par les premiers hommes sur les parois des cavernes que la jungle des terminologies mathématiques et physiques de notre temps. Le monde nous a échappé. Nous ne parvenons plus à le saisir.

Marto – Projection vers le futur. Des marionnettistes au travail pour un festival empêché

Un espace scénique onirique et poétique

Des craies qui tombent des cintres en cascade, des tableaux noirs imaginaires sur lesquels écrivent les personnages, des bâtonnets magnétiques qui se fixent un moment avant de trouver d’autres usages, un énorme gonflable ellipsoïde symbolisant la matière noire de l’univers – 95 % de la matière totale de l’univers, invisibles pour les yeux, ce n’est pas rien – qui, pour figurer le présence de cette matière, envahit la scène, on nage entre plusieurs eaux, comme entre les multiples dimensions, emberlificotées, de l’univers tel qu’on le perçoit aujourd’hui. Tout est devenu mouvant, incertain, développé en désordre. Le « chaos » est une donnée du problème et notre univers n’est plus qu’une parcelle infime, une poussière dans un ensemble infini d’univers parallèles possibles…. Le travail de création sonore qui accompagne cette rêverie cabossée, éclatée, dont on ne maîtrise plus le sens est remarquable. Il faut se glisser dans cet univers mouvant, fait d’éléments assemblés, déconstruits, reconstruits, recréés, dans cette polyphonie qui dissout les hiérarchies stylistiques comme ont été dissoutes les frontières qu’on donnait à l’univers. Pour cela, il convient d’abandonner au vestiaire tout cartésianisme et de se laisser porter par le flot des images et des sons. Les chercheurs en mathématiques voient souvent leur discipline comme un exercice poétique. Une méditation qui vous entraîne parfois très loin de ce qui lui a donné naissance. Supergravité est de cette essence-là. Un songe esthétique et plastique au pays de nulle part et de partout qui a pour nom le monde.

L’Enfant. Photo © Christophe Loiseau

L’Enfant. Photo © Christophe Loiseau

À suivre également

Gepetto 2.0 ou une plongée en coulisses proposée par le collectif Le Printemps du machiniste. Le collectif rassemble des artistes venus du théâtre, de la musique et de la danse qui se proposent d’explorer des textes contemporains. Après avoir réalisé un projet d’immersion dans la ville de Clamart en 2019, matérialisé par un livre intitulé Si la ville était un corps, il a entrepris la construction d’un atelier mobile et itinérant. Il devait, pendant le Festival, ouvrir ses portes pour faire découvrir les techniques de construction des marionnettes du spectacle Entièrement peuplée, création collective mettant en scène une trentaine de marionnettes à l’effigie d’habitants de Clamart.

L’Enfant – étymologiquement l’« infans » est celui qui ne parle pas – qui mêle marionnettes et théâtre, est une invitation à suivre, de l’intérieur, la Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck. À travers espaces labyrinthiques, scénographies éphémères, figures animées, vibrations sonores, le spectacle invite à suivre le parcours initiatique et la réalité intérieure du personnage d’Ygraine, surprise par le retour inattendu de son frère Tintagiles sur cette île désolée où règne une reine invisible, dévoreuse d’âmes…

Volia panic mêle performance, concert et théâtre d’objets. La compagnie Les Endimanchés embarque les spectateurs dans les méandres de l’exploration spatiale sur fond de chansons et de musique postpunk. Dans un décor de société industrielle naissante, un voyage au pays du cosmisme soviétique, un courant de pensée né au début du XXe siècle. Tour à tour musiciens, voltigeurs, machinistes, comédiens, les Endimanchés révèlent les contradictions entre le désir originel de l’homme de comprendre le cosmos et sa volonté de maîtriser l’environnement terrestre et extraterrestre.

Volia Panic

Volia Panic

Supergravité - Collectif Aïe Aïe Aïe Julien Mellano. Théâtre et arts visuels

S Avec Cecile Briand, Jacques Ville, Vincent Voisin, Julie Seiller S Mise en scène et scénographie Julien Mellano S Dramaturgie Julien Mellano et Charlotte Blin S Musique originale Olivier Mellano S Son Gildas Gaboriau S Lumière Julia Riggs S Assistante à la scénographie et régie plateau Marion Prevel

À Avignon festival off à partir du 11 juillet 2021

L’Enfant Cie Théâtre de l’Entrouvert Elise Vigneron. Marionnette et expérience immersive

S Texte La Mort de Tintagiles de Maurice Mæterlinck (adapt.) S Scénographie, mise en scène Elise Vigneron S Avec Stéphanie Farison (comédiennes), Cécile Doutey (marionnettiste) et Elise Vigneron (manipulations) S Régie son et lumière Aurélien Beylier S Dramaturgie Manon Worms S Direction d’acteur Argyro Chioti S Regard extérieur Hélène Barreau S Création lumière, machinerie Benoît Fincker S Création sonore Pascal Charrier, Julien Tamisier et Géraldine Foucault S Construction marionnettes et collaboration plastique Arnaud Louski-Pane S Construction Philippe Laliard et Benoît Fincker S Accompagnement sur le dispositif déambulatoire Karin Holmström S Costumes Danielle Merope-Gardenier

Volia Panic Alexis Forestier Cie Les Endimanchés. Performance, concert, théâtre d'objets

S Conception Alexis Forestier En hommage à Jean Paul Curnier S Écriture et montage des textes Samuel Eymard, Alexis Forestier, Itto Mehdaoui S Avec Alexis Forestier, Itto Mehdaoui, Christophe Lenté, Jean François Favreau, Barnabé Perrotey, Alexis Auffray, Perrine Cado S Création musicale Alexis Auffray, Alexis Forestier, Christophe Lenté, Itto Mehdaoui S Lumière et vidéo Perrine Cado S Régie son Nicolas Lejonc S Capsules filmiques avec la voix d’André Robillard, réalisation Obscure Spectacle

Harold - The Game

Harold - The Game

Harold : The Game - Bob Théâtre et Vélo Théâtre. Théâtre et objet

S Mise en scène Denis Athimon et Charlot Lemoine S Idée originale Rina Vergano, The Egg Theatre à Bath (GB) S Écriture Denis Athimon, Charlot Lemoine, François Athimon, Fabien Cartalade, José Lopez et Jude Quinn S Accompagnement corps Christine Le Berre S Création musicale François Athimon et Fabien Cartalade S Interprétation Denis Athimon, Charlot Lemoine, François Athimon,Fabien Cartalade, José Lopez et Jude Quinn S Régie José Lopez

15 et 16 avril : Théâtre Massalia à Marseille (13)

Dates à préciser en avril : Vélo Théâtre à Apt (84)

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