18 Juillet 2020
Intime et sonore, cette exploration autour d’une chambre dans les touffeurs d’une saison de mousson a la beauté subtile et délicate de la mémoire.
« Attachez vos ceintures et préparez-vous à l’atterrissage. La température extérieure est de 30 degrés et des trombes d’eau se déversent sans relâche, noyant le paysage dans une brume de gouttelettes. » Ainsi pourrait-on dépeindre le premier contact de cette jeune Française qui débarque sur le tarmac de l’aéroport de Saïgon-Hô Chi Minh-Ville au Vietnam. C’est la mousson d’été et le double nom de la ville témoigne déjà d’une identité multiple et d’une histoire troublée. Elle, elle est une jeune Française, exilée on ne sait exactement pourquoi, engagée dans une firme où elle côtoie ce monde nouveau, cette langue qu’elle ignore et qui n’est pour elle que sonorités imprégnées de mystère et de poésie.
Chroniques imaginaires
Dans l’espace de sa chambre, elle recrée le monde qui l’entoure. Un maillot de bain qui trempe dans un aquarium sous le regard placide d’un poisson rouge qui nage entre les algues créées par l’accessoire et la mer déroule son friselis de vagues. Un néon en forme de héron – ou de flamant rose – qui s’éclaire et la forêt surgit, bruissante de cris d’oiseaux et de vrombissements d’insectes, fantomatique sous son rideau de pluie, chaude, tout imprégnée de l’érotisme de ces vêtements qui collent à la peau. Un scooter miniature qui tourne inlassablement sur une platine et nous nous retrouvons plongés dans le grouillement incessant et l’agitation électrique de la ville. Un nuage de toile qui filtre la lumière nous voilà placés sous un ciel d’orage ou sous l’incessant rideau de pluie qui noie les contours, estompe la réalité des choses et installe le rêve sur le devant de la scène.
Puissance de la mémoire
Repères largués, on erre comme la goutte d’eau à la surface du monde. Trop légère, elle s’évapore dans l’air et se dissout. Plus chargée, elle prend corps, s’écoule et grossit jusqu’à en rejoindre d’autres pour prendre forme et force, devenir nuage. Elle se transforme et comme elle nous devenons autre chose au contact de l’évocation que fait surgir Éloïse Mercier. L’Amant de Marguerite Duras revient hanter le paysage, violence et sensualité accompagnent la vision complexe qui mêle tradition et modernité, fantasme et réalité que nous propose l’auteur-interprète. À voix chuchotée, susurrante au micro, sur le ton de la confidence et sur fond d’enregistrements faits au Vietnam, elle nous fait pénétrer dans le monde sensoriel qui l’assaille dans ce pays contradictoire et contrasté. Les images surgissent, prises dans le fleuve de ses paroles, et se déversent comme la pluie qui tombe. On se laisse porter au rythme de ces changements ténus, de ces voix étrangères dont on ne perçoit que la musique des mots et on succombe à cette poésie entêtante qui naît du presque rien.
Une goutte d’eau dans un nuage
Texte, mise en scène et interprétation Éloïse Mercier
Conception sonore Vincent Bérenger et Éloïse Mercier
Voix vietnamienne Ha Nguyen T.H
Arrangements et mixage Charlie Maurin
Poésie vietnamienne Phe X. Bach
Tournée 2020- 21 :
6 et 7 octobre 2020 : Châteauvallon, scène nationale
3 et 4 décembre 2020 : Centre Culturel de Porrentruy, Suisse
20 avril 2021 : Théâtre du Rocher, La Garde