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Arts-chipels.fr

La Lune en plein jour. Résiste !

La Lune en plein jour. Résiste !

Le monde est plein d’écrivains qui considèrent que se raconter est forcément digne d’intérêt. C’est à juste raison dans le cas de Marina Tomé. Entre survie joyeuse et sentiment de l’exil conjuré à force de recherche, de volonté et d’enthousiasme, elle nous offre une tendre et belle leçon de vie.

Peut-on venir d’une famille juive émigrée en Argentine, passer sous un camion, se trouver forcée de reprendre la route de l’exil et quitter l’Amérique du Sud pour la France sous la pression de la dictature militaire ? Être passée dans le long corridor gris qui conduit à la blanche lumière de la mort, en être revenue. Porter au ventre une douleur qu’on ne parvient pas à identifier mais qui vous taraude et que les « -logues » et « -peutes » (psycho-théra) de tout poil, d’une voix pincée, ne vous aident pas à chasser. C’est l’histoire peu banale d’une petite fille accrochée à la main de sa mère qui, à son tour, tient la main d’une autre petite fille et qui raconte…

© Ludo Leleu

© Ludo Leleu

Survivre, en dépit de tout

Marina Tomé a connu tout cela. Elle dit. La volonté de ne pas mourir avant d’avoir fait l’amour. Le déracinement, même lorsque l’on est enfant. Le souvenir du numerus clausus qui empêchait les juifs d’occuper certains postes en Pologne et qui revient comme un leitmotiv à chaque étape du voyage. La peur de déranger, une manière de toujours s’excuser d’être là. Le souvenir des abuelas (les aïeules) qui transmettent les souvenirs du temps d’avant, et le sentiment d’appartenir au monde de là-bas, ce monde indigène dans lequel les grains de maïs ont une histoire et où le tango rythme le balancement des jours. Ce « murmure des fissures » qui fait si mal sans qu’on sache pourquoi. Elle raconte le pays de la liberté qui vous accueille mais où les Français se promènent avec toujours un mur de béton devant le nez. Les expériences limites et le manque. Et la recherche qui passe aussi par la feuille de coca pour lever les inhibitions et réveiller les souvenirs.

© Ludo Leleu

© Ludo Leleu

Marche ta parole et en avant !

Au-delà de cette leçon du déracinement que tous les exilés, de quelque bord qu’ils soient, connaissent, ce sentiment de se sentir toujours le cul entre deux chaises, la tête entre deux mondes, ni tout à fait d’une culture et pas vraiment de l’autre, Marina Tomé dit la force qu’on peut y puiser, la façon dont on parvient en équilibre instable à danser sur le fil. Comment se remémorer pour trouver au fond de soi, mais aussi dans les soubassements de ce que nous ont transmis les générations passées et l’accumulation des expériences le moyen d’avancer, tête haute, l’enthousiasme au bord des lèvres et la soif de vivre dans la poitrine. Utiliser les épreuves comme autant de saveurs précieuses pour vivre sa vie, se mettre en mouvement. Infatigable, le sourire aux lèvres même dans l’évocation du désespoir, avec l’humour et l’autodérision en guise de viatique, Marina Tomé promène avec poésie son rire et ses larmes sur son épiderme et sa glotte, qui ressemblent furieusement aux nôtres.

© Ludo Leleu

© Ludo Leleu

La Lune en plein jour. De et avec Marina Tomé.

Texte publié aux éditions Dacre, coll. Les Quinquets

Mise en scène : Anouche Setbon

Décor et costumes : Oria Puppo. Musique : Michel Winogradoff. Lumière : Jean-Luc Chanonat

Du 13 janvier au 6 avril, tous les lundis à 20h

Théâtre de la Huchette, 23, rue de la Huchette – 75005 Paris

Tél. 01 43 26 38 99. Site : www.theatre-huchette.com

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