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Arts-chipels.fr

Anastasya Terenkova. Toute de finesse et de maîtrise de l’énergie

Anastasya Terenkova. Toute de finesse et de maîtrise de l’énergie

Cette jeune interprète n’hésite pas à proposer au public, au côté de Rachmaninov, Beethoven et Debussy, les œuvres plus difficiles d’accès de musiciens contemporains que sont Luciano Berio et Toru Takemitsu. Avec bonheur.

Hormis la Sonate opus 53 de Beethoven, Waldstein, qui fermait la ronde, le reste du concert était résolument orienté vers le XXe siècle. Un choix assumé mené dans une continuité durant toute la première partie du programme, commencé pianissimo avec une délicatesse admirable, jouant du presque rien, laissant flotter les notes comme en apesanteur. Nous voici au départ immergés dans une eau paresseuse qui s’écoule goutte à goutte tout comme les larmes du Clair de lune de Debussy qui s’égrènent irrémédiablement pour se perdre dans le long fleuve du temps. Le clavier, Anastasya Terenkova l’effleure, comme une caresse, le laisse résonner longtemps jusqu’à ce que s’éteigne dans le silence la plus infime trace de vibration, le manie avec une assurance stupéfiante, passant d’une parcimonie minimaliste à une intensité prodigue, jouant la versatilité des changements d’humeur présente par exemple dans les Variations sur un thème de Corelli de Rachmaninov, la variété infinie des états d’esprit, des sentiments, et elle nous entraîne dans son sillage.

Waldstein : tout en précision, en variations et en finesse

La légèreté colorée de cette sonate de Beethoven va de pair avec sa difficulté d’exécution. La précision qu’elle demande, chaque note valant pour elle-même et à égalité avec les autres dans ces enchaînements menés à rythme effréné au début, va de pair avec la mobilité fantastique qu’elle exige dans les infinies variations et les changements de ton entre course sur toute l’étendue du clavier et accords martelés, ralentissements soudains aussitôt suivis d’une reprise vive. Beethoven, qui venait de recevoir un piano Erard, y explore ici toute l’étendue du clavier.

Si le premier mouvement (allegro) est lumineux au-dessus du grommellement de la basse, le second, adagio molto, change de registre. Avec un dépouillement remarquable et un nombre de notes limité, il développe une mélodie dont la dramatisation dialogue au fil du mouvement avec l’atmosphère élégiaque du début. A la vélocité du mouvement précédent répond la nécessité de maîtriser la force de chacune des notes, la pression imposée à chaque touche. Lui succède sans interruption marquée ce qui pourrait se rapprocher d’une comptine, une mélodie dont les variations et les prolongements prennent une dimension spectaculaire lorsque la main gauche entame un contrepoint virtuose tout à tour montant et descendant du thème.

Riche en sonorités et en explorations diverses, la sonate, on l’aura compris, ne supporte pas la médiocrité. Anastasya Terenkova s’en sort admirablement et recrée pour nous cette aube miraculeuse que représente ce morceau. Ajouté au reste, c’est à un bien beau concert qu’elle nous convie…

Anastasya Terenkova – Récital de piano

Toru Takemitsu : Rain Tree Sketch II

Claude Debussy : Clair de lune

Serguei Rachmaninov : Variations sur un thème de Corelli opus 42

Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano en do majeur opus 53 « Waldstein »

Luciano Berio : Wassermusik

Saison Blüthner « Piano mon amour »

26 juin 2018

Goethe Institut, 17, avenue d’Iéna – 75016 Paris

Tél. 01 44 43 92 30

www.goethe.de/paris

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