26 Février 2018
L’institut culturel italien propose à intervalles réguliers des concerts. Il a en particulier établi des relations privilégiées avec l’académie de musique de Bari, qui fait travailler côte à côte grands artistes et jeunes interprètes. Une programmation exigeante et de qualité.
L’Accademia dei Cameristi, basée à Bari, dans les Pouilles, est une remarquable école. Par la qualité des jeunes gens qu’elle forme, d’abord. Par l’attachement qu’elle montre pour un art musical réputé plus « difficile » pour le grand public : la fin du XIXe siècle et le XXe. Les jeunes gens qu’il nous est donné d’entendre, à chaque fois différents, méritent qu’on leur prête attention et le concert du 22 février n’a pas fait exception à la règle. Federico Piccotti (violon), Gianluca Montaruli (violoncelle) et Alberto Dalgo (piano) nous ont proposé Chostakovitch, Castelnuovo-Tedesco et Smetana, un programme extrêmement intéressant et l’opportunité de découvrir un pan de la musique souvent peu exploré.
Loin de la Moldau
De Smetana, on ne connaît généralement que la Moldau, aux accents tchèques mis en exergue. Ce Trio en sol mineur opus 15 nous a donné à entendre une musique que nous n’aurions pas de prime abord cru revenir à cet artiste : ample, oscillant entre accents dramatiques en accords nerveux martelés au piano et en coups d’archet et passages plus mélodiques, presque romantiques où le violon s’élève avec une grande pureté, à cheval entre un certain classicisme et des propositions résolument modernes, avec des accélérations parfois foudroyantes, ce trio a été une révélation. Certains passages apparaissent familiers à l’oreille, tel le début du deuxième mouvement qui pourrait constituer une admirable musique de film. Nous serions dans un salon où s’échangent des banalités tandis que la musique, d’ambiance, déroule sa mélodie délicate dans l’indifférence générale jusqu’à ce que, se faisant grave, elle interrompe les conversations…
On pense toujours à Smetana comme à un compositeur lié aux revendications identitaires du Printemps des peuples, et réduit à cela. Se révèle dans ce morceau autre chose, qui mérite qu’on s’y arrête : des paysages dont la variété est séduisante, le discours impossible à réduire à des schémas de pensée tout faits. Mais slaves cependant, à n’en pas douter, dans leurs accents contrastés, dans cette forme de romantisme si particulière à ces contrées du monde… Ce Trio, dans sa composition assez frénétique par moments, a des accents symphoniques extrêmement marqués tant la variété d’exécution demandée aux interprètes est étendue.
Chostakovitch à ses débuts
Quant au Trio en do mineur opus 8 de Chostakovitch, quelle merveille de délicatesse ! Difficile de situer précisément musicalement cette œuvre de jeunesse du compositeur – il avait alors dix-sept ans – dédiée à une dame (Tatiana Glivenko dont il était, comme il se doit, amoureux et le restera pendant près d’une décennie). Elle est profondément mélodique et s’ancre, d’une certaine manière, dans un romantisme que Chostakovitch reniera par la suite. Intitulée à l’origine Poème, l’œuvre offre une variété de tempi et un jeu sur les formes musicales déjà impressionnant. La nature est présente dans cette Crimée où le compositeur fait un séjour valétudinaire, les insectes bourdonnent, lui-même tourne en vibrionnant autour de la belle, tantôt mélancoliquement attendri, tantôt plus insistant, révélant la passion qui l’anime avec une énergie insoupçonnée. Variation autour d’un même thème qui va et vient, ce morceau est tout de finesse et porte en lui les germes modernistes qui caractériseront Chostakovitch.
Quant au troisième morceau, le Trio en sol mineur op. 70 de Mario Castelnuovo-Tedesco, musicien italien émigré aux États-Unis, à qui l’on doit de nombreuses musiques de films, dont l’inspiration combine des influences italiennes, juives et espagnoles, il s’inscrivait dans la nécessaire « italianité » du programme.
Pour clore cette incursion musicale, à l’amateur de découvertes l’Institut culturel italien réserve la présence de jeunes musiciens en résidence, telle celle du jeune guitariste classique Gian Marco Ciampa. Les propositions de l’Institut sont décidément à suivre. Il suffit pour cela de s’abonner à sa newsletter…
Accademia dei Cameristi : Federico Piccotti (violon), Gianluca Montaruli (violoncelle), Alberto Dalgo (piano)
Dmitri Chostakovith, Trio en do mineur opus 81
Mario Castelnuovo-Tedesco, Trio en sol mineur opus 70
Bedřich Smetana, Trio en sol mineur opus 15
Le 22 février 2018
Institut culturel italien. 50 rue de Varenne – 75007 Paris
Tél. 01 44 39 49 39