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Arts-chipels.fr

Irène Duval et Aurélien Pascal. Deux jeunes musiciens à suivre absolument

Irène Duval et Aurélien Pascal. Deux jeunes musiciens à suivre absolument

Le Goethe Institut présentait, le mardi 19 décembre, dans le cadre de son cycle consacré à Francfort, deux jeunes interprètes, hébergés par la Kronberg Akademie. Malgré leur jeune âge, la violoniste Irène Duval et le violoncelliste Aurélien Pascal forment déjà l’élite musicale des interprètes de demain.

Ils sont tous deux sont très jeunes (25 ans pour elle, 23 pour lui). Extraordinaires aussi tous deux dans un programme où on a pu les écouter ensemble et séparément.

Un parcours sans faute pour Bach-olâtre impénitent

Le programme débutait par Bach, avec le bonheur qu’on a à écouter cette musique d’essence divine qui naît sous les doigts de ce musicien inspiré. Les suites pour violoncelle sont l’équivalent, au violoncelle, de ce que Bach a pu écrire pour le violon. Construite comme ses pareilles, la Suite n°3 pour violoncelle en ut majeur (BWV 1009) alterne les rythmes enlevés comme la courante ou la dansante gigue avec la lente, grave et poétique sarabande contrapuntique. Même si le morceau débute comme un exercice de style avec montée et descentes d’octaves, on quitte bien vite cet échauffement, cette mise en doigts pour une musique qui développe ses volutes aériens et sa grâce mystérieuse dans l’espace, dessinant des motifs lumineux, parfois à double corde, qui alternent et se répondent dans un dialogue qui est le propre de Bach. Il y a dans le violoncelle quelque chose de l’âme humaine et dans le morceau une liberté qui emprunte à l’art polyphonique.

Irène Duval et Aurélien Pascal. Deux jeunes musiciens à suivre absolument

Même complexité malgré son apparente limpidité dans la Sonate n°1 pour violon seul en la mineur (BWV 1003). Sublime dans la lenteur de son premier mouvement comme dans la fugue multicordes aux accords marqués qui forme le deuxième mouvement. L’esprit s’évade en rentrant en lui-même. La pureté des quelques notes égrenées formant la mélodie, soulignée par les accords vous arrache l’âme et vous transporte dans un ailleurs qui parcourt toutes les variantes de la musique et du son, du grave à l’aigu, de l’accord puissant à la dentelle musicale, de la mélodie presque en sourdine, à peine esquissée, à l’affirmation grave et mélodieuse.

Pour en finir avec la partie de programme consacrée à Bach, deux Inventions (BWV 777 et BWV 779) et l’occasion d’une démonstration de virtuosité, peut-être trop manifeste parce que menée à rythme d’enfer là où on préférerait un ton plus posé et moins frénétique. Le même principe présidait au choix de la Paganiniana de Nathan Milstein, fantaisie virtuose  inspirée du Caprice n°24 de Paganini où ce violoniste virtuose du XXe siècle exprimait tout son talent. Il fut pour Irène Duval l’occasion de montrer l’étendue de son savoir-faire – qui est considérable – en raison de la difficulté technique du morceau et de la maîtrise de l’instrument que l’interprétation requiert. Elle a été éblouissante de virtuosité mais aussi dans sa manière d’explorer toutes les possibilités, les nuances et l’intensité de l’instrument qu’elle a manié à la perfection.

Irène Duval et Aurélien Pascal. Deux jeunes musiciens à suivre absolument

Dialogues parfaits

La partie la plus surprenante du concert résidait dans le Duo pour violon et violoncelle opus 7 de Zoltán Kodály, une œuvre composée au moment de la déclaration de guerre, en 1914 et jouée seulement en 1918. Cette pièce, difficile et mélancolique, parfois même grave, est extrêmement passionnante. Le rapport – virtuose – des deux instruments est celui d’un dialogue composé d’échos parfois, de propositions de l’un auquel répond l’autre, avec des ruptures de ton, des électrisations soudaines, des éclairs traversant un parcours mélodique, et un sentiment d’urgence qui traverse le morceau. À eux deux, violon et violoncelle créent l’impression d’un véritable orchestre. Rapidité, alternance des modes d’utilisation des instruments, à l’archet ou en pizzicati, ajoutent à la diversité des sons de la composition où surgissent – référence au caractère hongrois de cet ami de Bartók – des échos de musique tzigane. Irène Duval et Aurélien Pascal étaient remarquables par la précision, en dépit de l’extrême rapidité des enchaînements, du jeu qui les mêle inextricablement comme par le sens des nuances qu’ils introduisent.

Enfin, fermant le concert, la Passacaille Haendel-Halvorsen était éblouissante de virtuosité. La variation écrite en 1894 par le violoniste et chef d’orchestre norvégien Johan Halvorsen d’après la Suite en sol mineur HWV 432 de Haendel est un véritable régal. Toute en crescendos et decrescendos et en alternance permanente de ralentissements mélodieux et d’emballements soudains, elle nous promène à rythme échevelé dans une musique qui comporte, elle aussi des accents tziganes. Le plaisir que tiraient les deux interprètes à jouer ce morceau transparaissait dans leur entente parfaite et la finesse avec laquelle ils ont interprété ce morceau très exigeant sur le plan technique…

On l’aura compris, ces deux-là nous ont offert une prestation d’exception qui augure d’un futur encore plus radieux…

 

Irène Duval (violon) et Aurélien Pascal (violoncelle)

Jean-Sébastien Bach: Suite pour violoncelle n°3 en ut majeur (BWV 1009)

Jean-Sébastien Bach, Sonate pour violon seul en sol mineur (BWV 1003)

Jean-Sébastien Bach, Inventions (BWV 777 et 779)

Nathan Milstein: Paganiniana

Zoltán Kodály: Duo pour violon et violoncelle opus 7

Haendel-Halvorsen: Passacaille

16 décembre 2017

Dans le cadre « Classiques en suite », en coopération avec la Kronberg Academy

Goethe Institut, 17, avenue d’Iéna – 75016 Paris

Tél. 01 44 43 92 30

www.goethe.de/paris

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