18 Avril 2017
Construit à partir de divers textes de Tchekov (deux nouvelles, une pièce en un acte, des extraits de correspondance), le spectacle conte l’histoire dérisoire et tragique de trois personnages habités par le théâtre et que le théâtre abandonne.
Plusieurs histoires s’enchevêtrent et se succèdent. Il y a d’abord ce vieil alcoolique inhibé que sa passion inassouvie pour le théâtre conduit à devenir souffleur jusqu’au moment où excédé par le jeu de l’acteur qui interprète Hamlet, il invective le comédien en pleine représentation et se fait renvoyer. De leur côté, deux personnages, qui se détestent mutuellement, ne se reconnaissent l’un l’autre que lorsqu’ils sont en représentation. Un vieil acteur s’endort dans sa loge et se retrouve enfermé dans le théâtre en compagnie du souffleur. Il lui récite alors des morceaux de bravoure tirés de Boris Godounov, d'Othello, du Roi Lear et d'Hamlet. Une actrice qui a connu des jours meilleurs, se retrouve à errer dans un théâtre désormais fermé...
Lorsque le rideau tombe…
De ce montage émane l’amère saveur des ambitions déçues, des ratages magnifiques. Ces personnages n’existent que par le spectacle, ne trouvent leur raison d’être que dans la représentation. Quand le spectacle s’achève, ou qu’ils en sont évincés, ne demeure pour eux que le vide, un temps à tourner et retourner des souvenirs, à rêver ce qui fut ou jamais ne sera. Clowns placés sur le devant de la scène, lorsque le spectacle s’achève, ils ne sont plus rien. Sous le maquillage du clown, c’est un visage qui pleure. Et la déclaration d’amour de Tchekov au théâtre – et à Shakespeare en particulier – ne conduit, au bout du chemin, que sur le vide, la solitude et le désespoir.
Commencé comme une farce avec le personnage savoureux du souffleur, dont les mimiques de naïf un peu simplet cultivent une comédie un peu noire, le spectacle s’enfonce peu à peu dans le drame qui touche les personnages, ce théâtre qui se dérobe pour ne laisser au bout du compte que le néant dans lequel ils errent sans espoir de salut.
Le pari de cette agrégation de textes était audacieux. Le dispositif scénique, avec cette boîte dans laquelle s’agitent les personnages, disposée sur la scène comme une métaphore de l’espace du théâtre sur la scène, image du théâtre dans le théâtre, est ingénieux. Mais il est dommage que les comédiens ne parviennent pas à hisser le texte à un niveau suffisant pour lui donner la force tragique qui est la sienne.Du coup, on reste sur sa faim...
Le Dernier chant, d’après les textes d’Anton Tchekhov: les nouvelles le Baron et Elle et lui, la pièce le Chant du cygne et la correspondance de Tchekov avec son épouse, Olga Knipper.
Traduction : Yves Bastide. Adaptation : Emmanuel Ray
Mise en scène : Mélanie Pichot
Avec : Emmanuel Ray, Mélanie Pichot, Fabien Moiny.
Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
Tél. 01 48 08 39 74, www.epeedebois.com
Du mardi au samedi à 20 h 30, samedi et dimanche à 16 heures, du 18 avril au 7 mai 2017.