25 Février 2017
Concert très chaleureux au Centre culturel italien puisqu’il était envisagé sous un double aspect : la musique, bien sûr, et un soutien à apporter à des enfants d’Amatrice, ce village d’Italie dévasté par un séisme.
Les parents d’élèves du lycée international de Saint-Germain-en-Laye avaient formé le projet de faire venir les enfants de ce village sinistré et de leur offrir un séjour parisien pour leur permettre de chasser, serait-ce l’espace d’une semaine, d’effacer le souvenir des moments douloureux. Repartir avec des pâtes, de la sauce tomate et les ingrédients (porc et fromage) nécessaires à la réalisation des pâtes à l’Amatriciana était donc un must.
La chaleur d’une vraie complicité musicale
À la chaleur de la solidarité s’ajoutait la chaleur de la relation entre les interprètes : Bruno Canino est un petit vieux monsieur, vieillard chenu et frêle mais plein d’énergie au piano, qui jetait sur son partenaire un regard attendri de maître à élève. Quant à Davide Alogna, caché derrière sa barbe, il montrait à l’égard de son vieux mentor une affection sincère qui faisait plaisir à voir. Bref une belle histoire par ces temps de dessèchement des cœurs et des relations humaines. Ivry Gitlis était dans la salle, les grands aînés contemplant leurs cadets…
Magnifique Saint-Saëns
Et puis il y eut la musique : un concert très varié, de Bach (Jean-Sébastien) au XXe siècle (italien). Avec une gradation dans la difficulté comme si, au fil du temps, le violoniste se libérait du carcan de la technique pour se livrer tout entier à la musique pour achever son parcours sur l’adaptation pour piano et violon de l’Introduction et Rondo capriccioso en la mineur de Saint-Saëns (op. 28, 1863). Ce morceau, dans son adaptation pour piano et violon – le morceau avait été initialement composé pour violon et orchestre – débute par un lamento qui vous emporte dans sa ronde nostalgique avant que la musique ne s’anime et se lance dans une fuite éperdue traversée de moments d’accalmie. La main parcourt avec une énergie nerveuse toute la longueur du manche comme pour faire rendre l’âme à l’instrument, utilisant toutes les ressources du violon, les arpèges frénétiques, les coups d’archet qui mobilisent plusieurs cordes à la fois, les decrescendos opérés sans que l’archet quitte la corde. Davide Alogna nous a livré un fort beau moment, alliant perfection stylistique et intensité du sentiment.
Piano-violon : un dialogue très riche, et toute la légèreté de Mozart
Le reste du programme n’était pas de moindre qualité, développant toute la gamme expressive du violon comme la diversité des rapports piano-violon. La Sonate K 301 en sol majeur de Mozart (1778) établit un véritable dialogue entre le piano et le violon, chacun répondant tour à tour à l’autre et commentant ce que l’instrument vient de lui proposer. J’ai aimé la légèreté de l’interprétation, la joie qui émane de ce dialogue qui s’élève dans un air pur, comme par une belle journée de mai. Comme toujours, la musique de Mozart procure un sentiment de jouissance intense qui vous décolle de vous-même et vous fait flotter, sans attache. L’interprétation, ici, renforçait encore ce plaisir de l’apesanteur.
Brahms en vagues paresseuses
La Sonate n°3 de Brahms en ré mineur op. 108, composée entre 1878 et 1887, alors que le musicien atteint la maturité et la maîtrise de son art, est une œuvre grave, intense, dans laquelle un même refrain est repris, prolongé à l’infini et infiniment recommencé mais toujours différent, comme de légères vagues qui viennent vous lécher les pieds, vous chatouiller doucement le bout des doigts, dans des allers-retours incessants et sans cesse renouvelés. Les deux instruments se répondent avec délicatesse, le piano ponctuant parcimonieusement la mélodie au violon dans les deux premiers mouvements. Le rythme se fait plus syncopé dans le 3e mouvement et le piano plus incisif, plus présent tandis que le violon s’efface par moments par des pizzicati avant de revenir marteler le rythme et que la musique se fasse, à la manière traditionnelle de Brahms, plus dramatique, entraînant les deux instruments dans la force lyrique qui est la marque de fabrique du compositeur.
La subtile délicatesse de Bach
Quant à la Sonate pour violon et piano n°3 BWV 1016 en mi majeur de Jean-Sébastien Bach, elle se développe avec une lenteur et une délicatesse mélodique qui peuvent paraître surprenantes au premier abord. Sur une grande partie du morceau, le piano sert de basse au violon qui brode ses subtiles fioritures mélodiques, et risque par endroits une pointe de commentaire. Un sentiment intense d’harmonie se dégage du morceau dans cette musique au bord de l’évanescence. Construite en quatre parties, la sonate alterne parties lentes (1er et 3e mouvements) et vives (2e et 4e). Lorsque le rythme s’intensifie, le piano se fait plus présent et instaure avec le violon un dialogue en contrepoint. La pièce s’achève à un rythme enlevé, plus rapide, plus intense, comme pour emporter l’auditeur dans le mouvement de la musique qui s’élève.
Générations : Bruno Canino et Davide Alogna en concert
23 février 2017 – Institut culturel italien (50 rue de Varenne – 75007 Paris)
Jean-Sébastien Bach : Sonate pour violon et piano n° 3 en mi majeur BWV 1016
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate K 301 en sol majeur
Guido Alberto Fano : Pagine d’Album
Johannes Brahms : Sonate n° 3 en ré mineur op. 108
Camille Saint-Saëns : Introduction et Rondo capriccioso