24 Octobre 2023
C’est à rythme soutenu que ces cinq Kenyans athlétiques jouent des disciplines circassiennes avec humour et virtuosité.
Atmosphère de bar pour film noir. L’un fait briller les verres, l’autre époussette mollement, un troisième joue avec un borsalino – ou un stetson – pendu à une patère, bref ils n’ont pas l’air très motivés par ce qu’ils font. Ils le seront davantage après que l’un d’eux mettra bon ordre à cette paresse qui se disperse en petits gestes sans efficacité. Voici que la radio se met en route et diffuse la musique des Blues Brothers, le film de John Landis sorti en 1980 où l’on pouvait entendre aussi bien James Brown que Cab Calloway, John Lee Hooker que Ray Charles. Voilà nos cinq employés métamorphosés. Il leur pousse non pas des ailes mais des ressorts aux pattes et les voilà lancés dans des séries de bonds arrière acrobatiques l’un après l’autre puis parfois ensemble. Le spectacle est lancé. C’est au son du rhythm and blues, de la soul music et du blues, accompagnés par un public qui marque la mesure en tapant dans ses mains, que se déroulera la suite du spectacle.
Parcours muet pour des acrobates bavards
Ils ne parlent pas, les cinq Kenyans qui sont sur scène. Tout juste si l’un d’entre eux, toujours le même, qui joue les rabat-joie, prononce de temps en temps un « enough » pour dire que ça suffit. Parce qu’ils sont très dissipés et que l’un d’entre eux est particulièrement joueur et indiscipliné. Mais celui qui le fait taire est de bonne taille et il vaut mieux ne pas l’énerver. Ils sont deux, dans la bande, plus grands, plus costauds que les autres. Dans la discipline acrobatique qu’ils pratiquent ils sont les socles, les bases de pyramides humaines spectaculaires. Car ils ne se contentent pas de se grimper les uns sur les autres. Ils le font dans les positions les plus acrobatiques qui soient : en renversement, mains au sol, appui sur les mains, en triangles associés de deux porteurs qui soutiennent tous les autres, en balanciers à plusieurs. Les chaises qui figurent dans le décor, il les utiliseront dans des équilibres, simples d’abord, puis de plus en plus complexes jusqu’à remplacer la pyramide humaine par un empilement de chaises en équilibre instable sur lequel l’un des acrobates évolue sans difficulté apparente.
Le jeu avec les codes
Ils vont, au fil du spectacle, jouer, pour les détourner, avec un certain nombre de codes ou d’idées préconçues. Ils sont Kenyans mais ne se livreront pas, sauf en clin d’œil à un moment du spectacle, à une démonstration « ethnique ». Ils travestissent le thème « africain » en prenant la place du lion sautant dans un cercle comme il était d’usage dans les spectacles de cirque du passé, lorsque les animaux avaient leur place sur la scène, une difficulté qu'ils corsent avec deux cercles disposés l’un au-dessus de l’autre au travers lesquels ils passeront simultanément, quand ils ne défient pas le feu avec ces mêmes cercles ou des cordes tendues de plus en plus bas. Singeant les chippendales, ils se livreront à un autre moment à un effeuillage partiel. Ou encore, au cours de ce striptease qui n’en est pas un, ils extrairont de leur costume une accumulation d'accessoires, dont certains de bonne taille, comme Mary Poppins le fait de sa mallette de cuir. Bref, l’humour et le décalage sont dans les gènes du spectacle.
Des prestations époustouflantes
Cela n’empêche pas de s’émerveiller de leurs performances. Sous la drôlerie et la décontraction affichée se cache un travail d’acrobatie époustouflant qui les a menés du Festival international du Cirque de Monaco au Fringe d’Édimbourg. Parce que leurs pyramides humaines sont inventives, inaccoutumées, qu’ils dansent le limbo avec le feu, qu'ils se livrent à un exercice de corde à sauter pour le moins inhabituel, réussissant, allongés sur le dos, à sauter au rythme de la corde lorsque celle-ci touche le sol ou faisant tourner deux cordes, au même moment et au même endroit, à la perpendiculaire l’une de l’autre. Mise en scène par un professeur d’histoire du cirque de l’université de Milan, la trame mince du spectacle – le rêve de devenir l’un des Blues Brothers – prend des couleurs en ne se composant pas simplement de numéros additionnés. Si on se retrouve avec le plaisir de l’enfant qui ouvre grand ses mirettes, c’est avec les yeux de l’adulte nourri de cinéma et de jazz qu’on apprécie aussi d’être là.
The Black Blues Brothers
S Écrit et dirigé par Alexander Sunny S Avec Bilal Musa Huka, Rashid Amini Kulembwa, Seif Mohamed Mlevi, Mohamed Salim Mwakidudu et Peter Mnyamosi Obunde S Chorégraphie Electra Preisner et Ahara Bischoff S Scénographie Siegfried Preisner et Loredana Nones, Studiobazart S Lumières Andrew Broom S Cirque S Kenya S Durée 1h15 S À partir de 6 ans
Théâtre Libre – 4 bd de Strasbourg,75010 Paris – www.le-theatrelibre.fr
Du 18 octobre au 12 novembre 2023, du mer. au sam. à 21h, dim. à 16h
TOURNÉE
18 octobre – 12 novembre 2023 Théâtre Libre, Paris
10 mars 2024 Théâtre de l’Allégria, Le Plessis-Robinson (92)
13 mars 2024 Pyramide Centre Culturel, Romorantin (41)
15 mars 2024 Théâtre Municipal, Tarare (69)
16 mars 2024 Le Radiant Bellevue, Caluire et Cuire (69)
17 mars 2024 Le Toboggan, Décines (69)
19 mars 2024 La Baleine, Onet-le-Château (12)
23 mars 2024 Théâtre de l’Olivier, Istres (13)
3 décembre 2023 Teatro Magnani, Fidenza
10 décembre 2023 Teatro Verdi, Muggia
13 décembre 2023 Teatro Miotto, Spilimbergo
14 décembre 2023 Cinecity, Lignano Sabbiadoro
15 décembre 2023 Teatro De Cecco, Codroipo
16 décembre 2023 Teatro Candoni, Tolmezzo
17 décembre 2023 Teatro Comunale, Belluno
19 décembre 2023 Teatro Sociale, Cittadella
du 26 au 28 décembre2023 Teatro Comunale, Bolzano
du 30 décembre 2023au 1er janvier 2024 Teatro Sociale, Trento