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Arts-chipels.fr

Le Théorème du Pissenlit. La lutte en culottes courtes.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Les histoires des adultes ne sont pas toujours roses. Celles des enfants, qui leur sont intimement mêlées, non plus. Jouer avec peut s’avérer un moyen de comprendre les règles qui régissent le monde et fournir un outil de résistance…

Ils se présentent sur scène pour nous raconter une histoire. Une histoire qui ne commence pas vraiment par « il était une fois » parce qu’elle n’a rien d'un conte de fées, qu’elle ne se situe pas dans un passé merveilleux, mais une histoire tout de même, directement adressée au public dans la salle. « Imagine »… que c’est ton anniversaire et qu’enfin ton père t’offre le jouet dont tu as rêvé. Mais dans le paquet, quelque chose d’autre capte ton attention. Dedans, il y a une lettre écrite par une petite fille, Li-Na. Et hop ! on saute à pieds joints dans un autre récit que les comédiennes et les comédiens vont à tour de rôle illustrer, sans différenciation de sexe ou d’âge selon qu’ils jouent enfants ou adultes, garçons ou filles.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Quand les histoires des adultes rejaillissent sur les enfants

Li-Na vit, avec d’autres enfants, dans le village du Rocher où ils s’ébattent en liberté tandis que les parents travaillent pour faire vivre leur famille. Elle est amie avec Tao. Celui-ci est contraint d’entrer à l’usine pour remplacer un parent qui ne peut plus travailler. Il y rejoint d’autres enfants, eux aussi employés. C’est là que Li-Na, qui s’est lancée à la recherche de son ami, les découvre, épuisés, harassés par les cadences, en butte à la dureté des consignes et aux punitions. Elle se fait engager à son tour pour le rejoindre. Elle imaginera un stratagème peu banal pour dénoncer le travail illégal des enfants et mener la révolte. Sur le modèle des poupées gigognes, on passe du spectateur au bénéficiaire de l’anniversaire, puis à l’aventure de Li-Na qui s’emboîte dans celle de Tao qui les mène dans l’usine avant de se déboîter progressivement pour revenir au destinataire de départ, bouclant ainsi la boucle du récit.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

De boîtes en boîtes

Les boîtes ne composent pas seulement la structure du récit. Dans ce Pays-de-la-Fabrique-des-Objets-du-Monde qui n’est pas sans rappeler notre univers quotidien, l’objet manufacturé est roi et il encombre l’espace sous la forme de casiers à bouteilles en plastique déplacés par les protagonistes au gré des événements. Ils se métamorphosent en briques formant des maisons ou des usines, en cubes sur lesquels on se perche, en tours qui s’élèvent jusqu’au ciel, en radeau ou en barque au cours du voyage. Et lorsque le bateau fait naufrage, ses pièces s’égaillent dans l’eau pour devenir mobiles suspendus au gré des flots. Empilés chaque fois différemment, comme dans un immense Lego® qui se transforme au gré du récit, ils participent au cycle des métamorphoses symboliques qui est l’une des clés de voûte du spectacle.

© Christophe Raynaud de Lage

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Semés à tout vent

La lettre n’était pas le seul intrus dans la boîté. S’y trouvaient aussi des graines de pissenlit, matérialisées dans le spectacle par un diabolo jaune vif qu’un diaboliste diablement adroit tourne et retourne, fait virevolter en tous sens, lance en l’air et rattrape dans les positions les plus acrobatiques. Comme les akènes du pissenlit portés par le vent, le diabolo essaime, multiplie les taches colorées à mesure que l’univers gris et terne de l’usine prend les couleurs de la révolte instillée par Li-Na. Symbole de liberté, il roule, saute, vole au vent sans contrainte, capable de se fixer dans tous les interstices et même dans l’impensable, à l’intérieur du béton, dont il dénature l'artificialité en lui apportant, justement, sa touche naturelle. Instrument de jonglage, son usage dans le spectacle le rapproche du théâtre d’objets. Le petit instrument aux formes de sablier parle sans paroles, commente, accompagne le mouvement, apporte sa légèreté en contrepoint du monde massif des casiers.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Parler à l’imaginaire

Abstrait, presque conceptuel, le dispositif laisse dans les intervalles de l’évocation non-figurative, la place à l’imaginaire. Les objets qui apparaissent sur scène ne visent pas à la reproduction d’objets réels. Ils sont une représentation que chacun modèle à sa façon en fonction de sa propre vision. Cet univers où on fait « comme si », où les choses ne sont pas ce qu’elles sont mais ce qu’on dit qu’elles sont entre de plain-pied dans le fonctionnement de la pensée enfantine. Dans le même esprit, il suffit aux comédiens de tambouriner en cadence sur les casiers retournés pour évoquer la réalité du travail à la chaîne. Et le fait que genres et âges soient chamboulés s’inscrit dans la même démarche.

© Christophe Raynaud de Lage

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Où l’on retrouve le « il était une fois »

Cependant, y avait-il une crainte de la part de l’auteur que le contenu n’apparaisse trop aride ? Il ajoute, pour faire bonne mesure, des génies et des monstres qui peuplent la contrée, renvoyant d’une certaine manière au « il était une fois » féerique écarté du propos. Mais ceux-ci restent, somme toute, anecdotiques. Ils forment une petite goutte d’eau vite engloutie dans l’océan architecturé où, comme les briques des casiers qui se recombinent sans cesse pour créer de nouveaux mondes, la parole s’éclate et se reconstruit entre solos et partitions chorales pour livrer un message fortement ancré dans la réalité en même temps que complètement fictionnel. Une démarche qui transforme l’existence du pissenlit en proposition emblématique sujette à démonstration, basée sur un cqfd, ce qu’il fallait dire – sur la réalité du quotidien.

Le Théorème du Pissenlit. La lutte en culottes courtes.

Le Théorème du pissenlit de Yann Verburgh

S Mise en scène Olivier Letellier Interprétation Fiona Chauvin, Anton Euzenat, Perrine Livache, Alexandre Prince, Antoine Prud'homme de la Boussinière S Assistante à la mise en scène Marion Lubat S Création lumières Jean-Christophe Planchenault S Création sonore Antoine Prost S Assistant son Haldan de Vulpillières S Scénographie-accessoiriste Cerise Guyon S Accessoiriste, régisseuse plateau Elvire Tapie S Costumes Augustin Rolland S Conseiller artistique Thierry Thieû Niang S Régie générale Celio Menard S Régisseurs lumière en alternance Arthur Michel et Jean-Christophe Planchenault S Régisseurs son en alternance Haldan de Vulpillières, Celio Menard, Arnaud Olivier S Régisseurs plateau en alternance Brahim Achhal et Elvire Tapie S Production Les Tréteaux de France, Centre dramatique national itinérant S Coproductions Le Théâtre de la Ville - Paris, La Filature - Scène nationale, Espace des Arts - Scène nationale de Chalon-sur-Saône, Le Grand T - théâtre de Loire-Atlantique, Théâtre de la Manufacture CDN Nancy Lorraine, Le Quai CDN Angers Pays de la Loire, La Maison des Arts de Créteil, Le Grand Bleu - Scène conventionnée d’intérêt national « Art, enfance et Jeunesse », Ville de Fontenay-sous-Bois, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, Scène nationale du Sud-Aquitain, Le Canal théâtre du Pays de Redon, scène conventionnée d’intérêt National art et création pour le Théâtre, L’Équinoxe - Scène nationale de Châteauroux, Théâtre de Lorient - Centre dramatique national, Compagnie Le Théâtre du Phare S Avec le soutien du Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil - scène conventionnée d’intérêt national « art et création pour la danse » et du Domaine du Mons (Vitrac sur Montane) S Théâtre de récit S À partir de 9 ans S Durée 1h

TOURNÉE 2023-2024

Le 17 octobre 2023 à 14h30 & 20h, le 18 à 9h30 Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (74)

Le 6 décembre 2023 à 19h30, le 7 à 10h & 14h15 La Coursive, La Rochelle (17)

Le 11 décembre 2023 à 14h, le 12 à 20h Carré Magique, Lannion (22)

Du 24 au 27 janvier 2024 Le Grand Bleu, Lille (59)

Le 30 janvier 2024 à 14h30, le 31 à 10h et le 1er février à 10h & 19h Équinoxe - Scène nationale Châteauroux, Châteauroux (36)

Le 8 février 2024 à 14h & 20h Théâtre de Privas, Privas (07)

Du 15 au 17 février 2024 Les Salins - Scène nationale de Martigues, Martigues (13)

Le 22 février 2024 à 14h15, le 23 à 9h30 & 19h La Criée - Théâtre National de Marseille, Marseille (13)

Le 7 mai 2024 à 14h30 et 19h30 La Comète - Scène nationale de Châlons en Champagne, Châlons-en-Champagne (51)

Le 23 mai 2024 à 10h, le 24 à 14h30 & 20h Mairie de Fontenay-sous-Bois, Fontenay-sous-Bois (94)

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