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Arts-chipels.fr

Se construire. Comment on se parle pour se comprendre ?

© Laure Narzabal

© Laure Narzabal

Entre théâtre documentaire et autofiction, comment parler de tout avec presque rien, comment englober le monde en partant de micro-événements.

Stéphane Schoukroun et Jana Klein ont une manière bien à eux d’appréhender l’histoire sociale et la manière dont nous y prenons place. Vivant dans la région parisienne, c’est aussi en banlieue qu’ils ont mené et mènent encore rencontres avec les habitants, représentations dans des lieux théâtraux ou non, chez l’habitant ou en milieu scolaire, discussions et débats. Avec, en arrière-plan, un concept original : faire de leur spectacle un espace de dialogue entre leur expérience quotidienne et ceux qu’ils rencontrent. Parce que communiquer, c’est d’abord échanger des expériences de vie. Se construire s’inscrit dans cette démarche qui approche par la tangente et la drôlerie les croisements insolites et les échappées, belles ou pas, qui construisent le quotidien de tout un chacun. 

Face à la dépression covidienne

Se construire résulte d’une expérience amputée mais non tuée dans l’œuf. À l’origine, une enquête de terrain leur est proposée par le Théâtre de la Poudrerie à Sevran. Il s’agit de rencontrer les habitants et plus particulièrement les jeunes du quartier des Beaudottes. Mais patatras ! le covid passe par là et chacun est prié de rester chez soi et de résister comme il peut à la déprime qui gagne. On regarde par la fenêtre, on observe les voisins, on cherche tous les bons prétextes pour éviter de faire les courses, protection oblige, mais pas que. Dur dur quand on est théâtreux… Alors on réinvente son boulot, on remplace le travail de terrain par des entretiens téléphoniques et on s’interroge sur la place que les écrans prennent dans notre vie, au milieu des témoignages qui mêlent allègrement – façon de parler – la situation sanitaire, l’argent, la drogue ou les inégalités, au milieu de tout le reste. L’imagination galope. On projette qu’en 2025, le covid court toujours…

© Laure Narzabal

© Laure Narzabal

Des hybridations en chaîne

Jana et Stéphane se choisissent des personnages. Lui de vieux grincheux râleur sur les bords, qui a des problèmes avec son ado de fille, elle de mouche du coche qui passe une partie de son temps à le titiller et à lui rappeler ce que les entretiens ont livré. Au milieu, on installe le théâtre, on réinvente de merveilleux nuages, on fait comme si. Comme s’il y avait une table, représentée au sol par des morceaux de scotch, sur laquelle il faut éviter de marcher, même si on met les pieds dans le plat, comme si la cuisine se trouvait là et pas ailleurs, et comme si tout à coup on pouvait se téléporter chez des ados accros à Netflix et à Casa de papel ou dans des familles où le père se passe la main sur le visage dans un moment de lassitude, dévoilant tout un monde à travers un simple geste. Sans cesse ils établissent un parallèle entre leur propre vie et celles qu’on leur rapporte dans un univers où l’apparition d’une nouvelle marque de masque acquiert une importance particulière. 

Une addition de vies bricolées

Ce qui se raconte à travers ce parcours discontinu, entre les tasses de café qu’on prépare, le départ du voisin, les chansons de Faudel ou les bribes de souvenirs qui émergent sur la guerre d’Algérie, où il est question de trafics humains ou d’un futur qui verrait naître une guerre de l’eau, c’est une collection de vies minuscules qui, ensemble, deviennent majuscules, c’est une addition de bricolages matériels et mentaux qui parlent de la vie autrement. Le cœur du problème est là. Qui parle et comment ? et comment on se parle pour communiquer ? Et il n’y a pas d’un côté ceux qui créent, qui ont les mots et la manière, et de l’autre les autres. Au détour d’un dialogue, la réponse est là. « J’ai des problèmes avec ma fille », dit Stéphane à la femme qu’il est censé interviewer sur son quotidien. Et elle de répondre : « Et en quoi je peux vous aider ? » Dans le monde aux contours flottants et mobiles de Jana Klein et de Stéphane Schoukroun, qu’ils défendent avec passion au théâtre et hors les murs, les places ne sont pas fixes, les apports réciproques permanents. Et placés sous le signe de l’humour, of course.

© Laure Narzabal

© Laure Narzabal

Se Construire

S Conception, écriture, mise en scène et jeu Stéphane Schoukroun & Jana Klein S Regard dramaturgique Laure Grisinger S Création sonore Pierre Fruchard S Dispositif vidéo et lumière Loris Gemignani S Création en 2020 au Théâtre de la Poudrerie à Sevran S Existe en 2 versions, plateau et hors les murs S Près de 80 représentations depuis la saison 20/21 en collèges, lycées, centres sociaux, organisées par La Poudrerie (Sevran), Le Monfort théâtre, Citoyenneté Jeunesse, La Gare Mondiale de Bergerac, Odéon Théâtre de l’Europe, La Manekine, la Ville de Gonesse, Le Lieu Unique (Nantes), Le Théâtre Dunois… S Production Compagnie (S)-Vrai S Coproduction Théâtre de la Poudrerie à Sevran S Soutiens DRAC Île-de-France - aide à la reprise, Région Île-de-France - aide à la diffusion, Ville de Sevran, ANCT dans le cadre du dispositif « Cités éducatives » S Texte lauréat de l’aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA S La compagnie (S)-Vrai est conventionnée par la Région Île-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle. Elle est en résidence territoriale (2022-2024) à Gonesse, soutenue par la Ville de Gonesse, la DRAC Île-de-France et le Conseil Départemental du Val d’Oise S À partir de 12 ans S Durée 1h - représentation suivie d’une rencontre avec le public quand c’est possible.

TOURNÉE

> du 6 au 15 mars 2023 - au Théâtre Dunois, 7, rue Louise Weiss, Paris 13(horaires divers tout public et scolaires)

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