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Arts-chipels.fr

Génération Mitterrand. Quand la gauche était unie…

© Pauline Le Goff

© Pauline Le Goff

Pourquoi, après l’union sacrée qui rassembla toute la gauche en 1981, celle-ci s’est-elle fracturée ? Retour sur images sur quatre décennies…

Ils sont trois, une femme et deux hommes. Marie-France est journaliste, Michel ouvrier, Luc enseignant. Leur point commun ? Le 10 mai 1981, ils ont tous les trois voté Mitterrand à la présidentielle. En 2022, Marie-France a choisi Emmanuel Macron, Michel Marine Le Pen et Luc Jean-Luc Mélenchon. Réunis autour d’une table, ils s’interrogent sur le gouffre qui s’est ouvert en quarante ans et sur les raisons qui provoquent aujourd’hui leurs grands écarts.

© Pauline Le Goff

© Pauline Le Goff

Ferveurs de mai...

Ils reviennent en arrière sur leurs attitudes de mai 1981. L’espoir fou, avant l’élection, que la droite soit débarquée et qu’une union des gauches prenne le pouvoir. Ils racontent l’attente angoissée des heures qui précèdent la proclamation des résultats et l’explosion de joie qui se produit alors, les gens qui sortent dans la rue, la fête qui s’improvise partout. Luc, à Belfort, trinque jusqu’à l’aube avec Chevènement. Enfin, on garantira la liberté d’expression des radios et télévisions nationales. On parle de rendre la France aux masses laborieuses, les nationalisations sont à l’ordre du jour. Communistes et socialistes sont main dans la main, tous sont unis dans la même attente d’une société plus juste, plus solidaire. La décentralisation est à l’ordre du jour, la réduction du temps de travail aussi.

Et la gueule de bois pour certains…

Mais bien vite c’est le retour de bâton. Rêver une société nouvelle sans avoir envisagé sa réalisation concrète, sans avoir pris en compte les contraintes qu’impose le système économique, et les projets vous reviennent dans la gueule, pas faisables. Chacun des trois protagonistes évoque les barrières qui se dressent et les réponses apportées aux difficultés. Trahison des idéaux ou réalisme, les opinions divergent. La dévaluation est aux portes, les nationalisations sont mises en sommeil et il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Les élections traduisent le mécontentement général qui saisit la population. Des mairies passent à droite et l’Assemblée nationale, de rose qu’elle était, change de couleur et vire au bleu…

© Pauline Le Goff

© Pauline Le Goff

Portrait d’un homme de pouvoir

Dans ce contexte difficultueux, un homme tient la barre dans la tempête et ses décisions sont difficiles à prendre. Entre les mises en garde de Michel Rocard, partisan d’un « réalisme » économique prenant en compte la situation du marché et l’état de la France, et les promesses électorales, et surtout les attentes de ceux qui l’ont élu, le président donne un cap, puis en change, sous la pression des événements. Les élections disent le mécontentement ? Il ne part pas et inaugure un régime de cohabitation inédit qui servira de garde-fou à un libéralisme triomphant. Et on sait que les Français prendront un certain plaisir à ce système où pouvoir et contre-pouvoir sont contraints d’avancer ensemble…

Une personnalité complexe

La figure même de François Mitterrand fait de lui un dirigeant à part. Car il est brillant mais impénétrable, cet avocat issu de la bourgeoisie catholique au comportement nébuleux durant l’Occupation et le régime de Vichy, usé par la IVe République et stigmatisé pour son attitude oscillante lors de la guerre d’Algérie. Un homme froid et distant, un « Sphinx » comme on le surnomme alors, retors et manipulateur. Il se sait déjà malade du cancer qui l’emportera peu de temps avant la fin de son deuxième mandat. Pourtant rien ne transpire de sa maladie et les seringues qui le soignent voyagent dans le secret de la valise diplomatique. Florentin jusqu’au bout des ongles, il n’hésite pas à recourir à tous les moyens pour parvenir à ses fins. Lorsque l’Union européenne est en route et dans le souci de la préserver, le politique en lui décide de recourir au référendum. Son opposant du moment sur la question européenne, c’est Philippe Seguin et Mitterrand n’hésitera pas alors à jouer de sa santé déclinante et de son apparente morbidité, qu’il ne masque plus alors, pour déstabiliser son adversaire…

© Simon Loiseau

© Simon Loiseau

Un bilan politique marquant pour le présent

Ce que la pièce met aussi en avant, c’est l’importance que la présidence de François Mitterrand occupe dans l’histoire de la France. Du côté du paysage politique, la fracture qui laisse émerger le Front national dans les marges de l’électorat populaire, ouverte pour contrer la droite, a des répercussions considérables dans la société française contemporaine et ouvre également la voie au désir de retrouver une certaine « pureté idéologique » de la « gauche ». Repli identitaire et ultra-gauche s’abreuvent à la même source, avec, au centre, un principe de réalité défendu par une certaine bourgeoise boboïsante. Mais au-delà de l’évolution du paysage politique, la pièce met aussi l’accent sur l’évolution d’une société en marche. La décentralisation ne souffrirait plus aujourd’hui de retour en arrière, pas plus que l’idée européenne.

La Ve République en majesté

Génération Mitterrand s’inscrit dans une série, « Huit rois (nos présidents) », destinée à proposer un portrait théâtral de la Ve République. Elle dénote une certaine conception de l’Histoire dans laquelle les mécanismes économiques et l’histoire « collective », s’ils en constituent une partie, ne peuvent être séparés des individualités qui, occupant les postes du pouvoir, en infléchissent le cours. La pièce offre aussi l’occasion – et cela constitue une grande part de son intérêt – de réfléchir sur ce que sont les décisions politiques, au-delà de ce qui les motive. Les catégoriser comme « bonnes » ou « mauvaises » relève d’un exercice d’équilibrisme pour le moins périlleux au regard de l’Histoire et de son évolution. Raison de plus pour ne pas se laisser embarquer par les raisonnements simplistes et les jugements à l’emporte-pièce…

Génération Mitterrand. Quand la gauche était unie…

Génération Mitterrand. Texte Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detoeuf

S Mise en scène Léo Cohen-Paperman S Jeu Léonard Bourgeois-Tacquet, Mathieu Metral, Hélène Rencurel S Lumières Pablo Roy S Scénographie Anne-Sophie Grac S Costumes Manon Naudet S Production Léonie Lenain S Diffusion Anne-Sophie Boulan S Coproduction Compagnie des Animaux en Paradis, le Théâtre Louis Jouvet de Rethel - scène conventionnée d’intérêt national des Ardennes, Théâtre de Charleville-Mézières, Espace Jean Vilar (Revin ), Le Salmanazar (Epernay), Le Forum Jacques Prévert – scène conventionnée de Carros S Soutien Théâtre du Rond-Point S Cette action s’inscrit dans le cadre de la résidence partagée de la compagnie des Animaux en paradis en région Grand Est, réalisée en partenariat avec : le Théâtre Louis Jouvet de Rethel - scène conventionnée d’intérêt national des Ardennes, Le Salmanazar - scène de création et de diffusion d’Epernay, le Théâtre de La Madeleine - scène conventionnée de Troyes, le Théâtre municipal de Charleville-Mézières, la Maison des jeunes et de la culture Calonne de Sedan, l’Espace Jean Vilar de Revin, La Filature - espace culturel de Bazancourt. S La compagnie des Animaux en paradis est soutenue par la DRAC Grand Est, la Région Grand Est et le département de la Marne. S Spectacle ayant bénéficié de l’aide de l’Agence culturelle Grand Est au titre du dispositif « Tournée de coopération » S Durée 1h15 S À partir de 14 ans

Du mercredi 7 au vendredi 30 septembre 2022, du mercredi au samedi 21h15

Théâtre de Belleville – 16, passage Piver – 75011 Paris

www.theatredebelleville.com

TOURNÉE

5 et 6 janvier 2023 Théâtre de Châtillon (92)

13 janvier 2023 Théâtre de l’Éclat – Pont-Audemer (29)

27 janvier 2023 Théâtre de Carros (06)

4 mars 2023 ACB - Scène Nationale de Bar-le-Duc (55)

21 mars 2023 Transversales - Scène conventionnée de Verdun (55)

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