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Après le chaos. Existe-t-il une vie d’après pour une mère de terroriste ? Un cheminement douloureux entre culpabilité et responsabilité…

Après le chaos. Existe-t-il une vie d’après pour une mère de terroriste ? Un cheminement douloureux entre culpabilité et responsabilité…

Dans ce texte poignant, Élisabeth Gentet-Ravasco donne à voir une face souvent occultée du terrorisme. Car les victimes ne sont pas seulement celles qui ont péri ou leurs proches…

Il pleut sur la ville comme il pleut sur mon cœur. Sur l’écran qui occupe le fond de la scène s’est inscrite la métaphore filmique du récit de la femme qui vient d’entrer en scène. On vient de lui annoncer, lapidairement, que son fils est mort dans un attentat. Elle est incrédule, terrassée. Mais ceux qui sont venus lui annoncer la nouvelle ne sont pas là pour cela. Car l’auteur de cet attentat, c’est son propre fils. Elle le comprend progressivement à travers l’interrogatoire auquel elle est soumise. À la douleur de la perte s’ajoute une autre douleur, née de cet acte que son fils a commis et qu’elle ne peut seulement reconnaître, encore moins accepter.

© DR

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Un autre visage intime du terrorisme

Au fil des années récentes, nombre d’entre nous ont été confrontés à cette inexplicable, à cette impardonnable atteinte qu’est le terrorisme, avec son cortège meurtrier. Amis, proches, familles ont fait l’expérience de ce deuil résultant de convictions imbéciles, absurdes, de cet effacement incompréhensible de toute humanité pour des raisons contre nature, et les médias se sont fait l’écho de leurs souffrances. Ici, Élisabeth Gentet-Ravasco aborde l’autre face de cette médaille. Elle s’intéresse à ceux dont la souffrance a été occultée par celles des victimes : les proches de leurs bourreaux. Elle se glisse dans la peau d’une mère de terroriste qui découvre, alors que l’événement s’est produit, le comportement de son fils et ajoute à la douleur de sa perte celle des victimes et son propre sentiment de culpabilité.

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Des proches abasourdis

Un thème revient de manière récurrente dans les propos des parents d’enfants auteurs d'attentats-suicides ou partis dans les camps d’entraînement de l’islamisme radical que nous rapportent les médias : leur sidération de n’avoir pas vu venir. Leurs enfants, ils étaient comme les autres, ils travaillaient bien à l’école, se liaient peu et passaient, sans doute, un peu trop de temps sur internet… mais comme beaucoup d’autres, à cet âge. Voici que du jour au lendemain, par son passage au terrorisme, leur enfant n’est plus un anonyme perdu dans la masse, mais un objet d’opprobre, et toute sa famille désignée du doigt, marquée d’un sceau d’infamie. Pour cette famille, « vie quotidienne » n’a plus le sens d’une vie sans histoire. C’est dans cet abîme ouvert que s’engouffre l’auteure à travers la prise de conscience progressive de la mère, après la douleur de la perte, non seulement de l’acte commis par son fils et de l'horreur qu'il représente, mais aussi de la destruction irrémédiable des relations familiales que cet acte entraîne.

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Un voyage à travers la douleur

Véronique Augereau, toute en incompréhensions, en interrogations et en désespoirs sans fond traversés d’éclats de colère et de révoltes incontrôlées, incarne avec beaucoup de sensibilité et de finesse cette mère qui ne veut pas croire que son fils est mort et qu’il est, de plus, responsable de la mort d’autres dont le seul tort était d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Mais surtout elle est une femme déchirée qui se pose sans relâche la question du pourquoi, du comment elle n’a rien vu, et de la possibilité qu’elle aurait pu avoir de faire qu’il en soit autrement. Une culpabilité dont on ne peut se laver et que rien ne parviendra jamais à soulager. Cette culpabilité et ces questions, qui apparaissent ici de manière paroxystique et la conduiront à des conséquences dramatiques, sont d’autant plus effrayantes qu’elles resteront sans réponse possible. Elles nous renvoient, de manière plus quotidienne, aux interrogations que tous les parents, à un moment ou à un autre, connaissent à propos du parcours de leurs enfants, en particulier lorsque ceux-ci s’écartent des rêves qu’on avait formés pour eux et que des fissures apparaissent. Le spectateur confronte dans un miroir le reflet de son expérience personnelle et la situation d’exception de cette femme qui se tord et se torture devant lui. Parce que la question de la responsabilité excède les cas personnels, qu’elle est plus générale. Et parce que l’humanité est et demeure une et indivisible dès lors que son propos est la prise en compte de l’Autre.

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Après le chaos

S Texte Élisabeth Gentet-Ravasco S Mise en scène Stéphane Daurat S Avec Véronique Augereau S Musique Avant l'Aube S Scénographie Sébastien Sidaner S Lumière Sébastien Vergnaud S Conception et réalisation vidéo Fanny-Gaëlle Gentet S Production Sophie Balazard S Ce texte est lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA

Théâtre de la Manufacture des Abbesses - 7 rue Véron 75018 Paris

Du 27 février au 6 avril 2022, les dim. à 20h30, les lun., mar. & mer. à 21h

Rés. 01 42 33 42 30 www.manufacturedesabbesses.com  

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