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Arts-chipels.fr

Débris. Une enfance destroy pour cœurs aguerris.

© DR

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On connaît la propension de Dennis Kelly pour les histoires de familles plutôt trash. Il aborde ici, dans le style acide et noir qui lui est propre, la question de la maltraitance des enfants.  Dur dur…

C’est l’histoire d’un frère et d’une sœur, l’histoire de plusieurs frères et de plusieurs sœurs fantasmés, confrontés aux exactions en tout genre de leurs parents. Dans un bric-à-brac invraisemblable où l’on reconnaît pêle-mêle un aquarium artificiel, une fontaine de pacotille, un ordinateur, du matériel son, un trop-plein d’objets comme on les accumule au cours d’une existence, Michelle et Michael, double face d’un même prénom, se racontent des histoires, leurs histoires qui remontent à l’enfance. Ils reconstruisent, ensemble ou séparément, des fantasmagories qu’ils s’attachent à prendre pour la réalité au point qu’on ne peut démêler le vrai du faux, ce qu’ils inventent et ce qui leur est réellement arrivé.

Une évocation qui fait froid dans le dos

Pour l’anniversaire de leurs seize ans, leur père a construit une croix de quatre mètres cinquante de haut. Patiemment ils en détaillent l’édification et les étapes de l’auto-crucifixion à laquelle il s’est livré dans une description aussi gore que jouissive. Dennis Kelly retourne l’histoire sainte avec une jubilation féroce. C’est le Père qui dit au Fils « Pourquoi m’as-tu abandonné ». Et ces grands enfants dépourvus d’humanité d’ironiser, par rapport à leur père : « Au moins Jésus avait de la classe ». Ils poursuivront leur farandole de turpitudes avec le récit de la mort de leur mère, étouffée par un os de poulet, dont ils miment l’agonie, par un récit de sordides tractations de prostitution d’enfants ou en évoquant des pratiques nécrophiles.

Des enfants joueurs

Ils semblent inconscients de ce qu’ils manipulent, indifférents aux horreurs qu’ils décrivent. Il se rejouent la Guerre des étoiles à la lampe de poche, font naître les enfants dans les groseillers bien avant l’arrivée des cigognes, se chantent des chansons, font la « teuf » et se griment, utilisent la marionnette pour évoquer l’oncle qui les a recueillis avant de chercher à les vendre. Et plus ils jouent, plus on comprend à quel point leur réalité, confrontée à la violence et à l’absence de tendresse, a été insoutenable au point qu’il leur a fallu recréer un monde dans lequel leur réalité est devenue un jeu.

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Le fantasme maternel

Rejetés, devenus détritus inutiles et réduits à se construire sur des ordures, ils trouveront dans cet environnement quelque chose à aimer : un bébé jeté au fond d’une poubelle. Ces orphelins en quête d’une mère dont la mort ouvre la genèse de l’aventure familiale se prendront d’un amour maternel pour cet être étrange qui ne se nourrit pas de lait mais s’abreuve de sang. Une tendresse infinie s’exprime dans cette relation de laissés-pour-compte qui se saisissent de l’horreur pour en faire la matière de leur humanité.

Dans ce jeu d’autant plus cruel que le pathétique en est absent, on est à la fois touché par ce qu’expriment en creux ces enfants devenus grands qui, au lieu des distractions enfantines, ont pour terrain de jeu l’abandon et le viol, fasciné par la cruauté avec laquelle Dennis Kelly les met en scène et épouvanté par le rappel, dans cette accumulation insupportable et nauséeuse, du sort que connaissent certains enfants et dont certaine presse à scandale se fait le rapporteur complaisant. Julien Kosellek et Viktoria Kozlova, sur le mode d’une inconscience qui dit sans état d’âme, presque en passant, nous saisissent. Sans demi-teintes ou paroles suggérés, le spectacle dit un monde qu’on ne voudrait pas connaître et prend violemment aux tripes. Il faut avoir le cœur bien accroché pour l’entendre jusqu’au bout…

Débris de Dennis Kelly traduit de l’anglais par Philippe Le Moine et Pauline Sales (L’Arche, éd. & agent)

S Une création de Julien Kosellek et Viktoria Kozlova (ensemble théâtral Estrarre) S Collaboration artistique Sophie Mourousi S Musique Ayana Fuentes Uno S Travail photographique Paola Valentin S Régie Anton Langhoff S Chargé de production Gaspard Vandromme S Diffusion Histoire de… Clémence Martens et Alice Pourcher S Durée estimée 1h05 S Production estrarre S Coproductions et soutiens La Grange dîmière théâtre de Fresnes, l’E.C.A.M théâtre du Kremlin-Bicêtre, l'Onde Théâtre Centre d'Art (Vélizy-Villacoublay), Le Théâtre Jacques Carat (Cachan), L’Ecole Auvray-Nauroy (Saint-Denis), la DRAC Île-de-France, le département du Val-de-Marne, la SPEDIDAM S Débris a été présenté dans le cadre des Plateaux du Groupe des 20 en octobre 2020

CALENDRIER 2021-2022

Création le 20 novembre 2021 à L’E.C.A.M (Le Kremlin-Bicêtre)

Du 25 janvier au 6 février 2022 à La Reine Blanche (Paris)

Le 13 mai 2022 à La Grange dîmière (Fresnes)

Le 3 juin 2022 au Théâtre Jean Arp (Clamart)

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