19 Janvier 2022
Les Tréteaux lyriques présentent, au Théâtre du Gymnase, l’un des grands succès de Jacques Offenbach, la Périchole, un opéra-bouffe où affleure la critique sociale et politique. Un spectacle joué au profit d’associations sociales et solidaires.
Les Tréteaux lyriques regroupent des amateurs de bon niveau et des professionnels, parfois retraités. Depuis 1968, ils produisent tous les deux ans des opéras-bouffe d’Offenbach dans de grandes salles parisiennes ou de la périphérie. Après la Vie parisienne, le Voyage dans la Lune et la Grande-Duchesse de Gérolstein (en 2020), ils présentent la Périchole, d’après le livret de Halévy et Meilhac, dans la version remaniée de 1874 où un acte a été ajouté.
Un aimable divertissement dans un Pérou de comédie
Le Vice-Roi du Pérou ne dédaigne pas de recevoir dans la petite garçonnière qu’il possède en ville les conquêtes de passage qu’il cherche en parcourant les rues de la ville sous un déguisement. Il s’amourache d’une jeune danseuse et chanteuse, la Périchole, qui se produit sans grand succès avec son amoureux, Piquillo, dans les rues et dans les auberges. Les deux jeunes gens aimeraient bien se marier, mais ils ne disposent pas de la somme suffisante pour établir le contrat. Dans ce Pérou d’opérette, le Vice-Roi use de tous les subterfuges pour conquérir sa belle. Pour atteindre son but, il lui faut trouver un mari à la Périchole. Sans connaître le lien qui relie les deux jeunes gens, ses subordonnés lui proposent Piquillo, qu’ils ont préalablement saoulé. Voici la Périchole et Piquillo mariés mais dans une situation fâcheuse…
Une satire limpide pour l’époque
Les clins d’œil abondent dans la Périchole. Jacques Offenbach compose la première version de son opéra-bouffe en 1868, sous le règne de Napoléon III, et chacun reconnaît l’empereur dans ce Vice-Roi « courant chez les petites femmes », de la même manière que l’allusion à une plus grande facilité de la vie « quand on est espagnol » renvoie à la nationalité d’origine de son épouse, Eugénie de Montijo. Le public s’amusait ainsi doublement des mésaventures du monarque et de l’origine grenadaine de l’impératrice. Satire du pouvoir, la pièce lyrique mettait aussi en scène la précarité à laquelle étaient soumis les artistes et la difficulté pour eux de préserver leur liberté.
La noirceur sous le rire
La Périchole se distingue des œuvres qui l’ont précédée en introduisant des scènes a priori peu conformes avec le genre de l’opéra-bouffe. Le Vice-Roi en effet n’hésite pas à faire jeter Piquillo en prison, et il en fait de même avec la Périchole lorsque celle-ci tente de faire évader son amoureux. La farce prend ainsi des tournures dramatiques et critiques que ne viennent pas tempérer des couplets assez acides sur le caractère abusif du pouvoir et l’obséquiosité des courtisans comme le gouverneur de Lima et le premier gentilhomme de la Chambre. Et lorsqu’à la fin du spectacle Piquillo et la Périchole sont graciés et libérés par le Vice-Roi, le vieux prisonnier qui les avait aidés à s’évader, lui, est contraint de retourner en prison, déclarant, en guise de conclusion : « Cela vous met la mort dans l’âme / De voir le monde comme il va… » Sous l’apparente légèreté de la fable et de la musique, la peinture du monde n’est pas toute rose et seules les femmes – en la personne de la Périchole – agissent avec droiture et dignité.
Une Périchole qui rassemble amateurs passionnés et professionnels
Sur scène, ils sont tous ou presque des amateurs : instituteurs, chefs d’entreprise, banquiers, assureurs, avocats, pharmaciens, étudiants ou retraités, ils ont la même passion du chant et de la scène. Ils ont, pour les aider, l’appui de professionnels. Le metteur en scène, Yves Coudray, a longtemps dirigé le Festival Jacques Offenbach d’Étretat. La préparation musicale a été assurée par la cheffe de chœur Charlotte Dentzer. La chorégraphe Francesca Bonato est une spécialiste des chorégraphies d’opéra. Quant à Michel Ronvaux, le costumier-décorateur, il vient de l’Opéra de Paris. Ils sont accompagnés par le chef d’orchestre Laurent Goossaert, à la tête de l’orchestre Ad Lib. Les élèves du lycée professionnel Léonard de Vinci à Paris se sont chargés des décors et des accessoires, ceux du lycée La Source de Vincennes des costumes, et la Make Up Academy a pris en charge le maquillage.
Un enthousiasme communicatif
Un chœur de vingt-trois chanteurs, ajouté aux douze personnages qui interviennent dans la pièce, cela fait du monde sur scène ! Dans un décor de rue où se dessine seulement en fond la silhouette d’une église de style espagnol colonial, ils remplissent la totalité du plateau mais leurs déplacements, impeccablement chorégraphiés dans des costumes pleins de fantaisie, ajoutent au caractère entraînant d’une musique pleine de vivacité menée tambour battant. Piquillo, en chanteur de rues amoureux, abusé mais plein de sincérité, et le Vice-Roi, grimpé sur ses ergots en même temps qu’amoureux transi sans cesse tenu à distance par la belle Périchole, occupent la scène avec un art consommé. Quant à la Périchole, elle mène son monde du haut de sa voix de soprano avec brio au son d’un orchestre au rythme très enlevé. Si les voix n’ont pas toujours la puissance qu’on pourrait attendre de chanteurs professionnels, et si orchestre et chant, parfois, ne sont pas impeccablement calés, le résultat est néanmoins remarquable dans tous les domaines. Soutenir la qualité du travail accompli et contribuer par sa présence à une œuvre sociale et solidaire ajoutent au plaisir d’une représentation pleine d’enthousiasme et de vie.
La Périchole de Jacques Offenbach, livret de Ludovic Halévy et Henri Meilhac
S Mise en scène Yves Coudray S Chorégraphie Francesca Bonato S Costumes Michel Ronvaux et le Lycée La Source S Direction Musicale Laurent Goossaert S Orchestre Ad Lib S Cheffe de Chœur Charlotte Dentzer S Décors Thierry Decroix et le Lycée Léonard de Vinci S Graphiste Phane Tribot La Spière S Distribution Delphine Hivernet (La Périchole), Vincent Ducros (Piquillo), Jean-Philippe Monnatte (Le Vice-Roi), Jean-Philippe Alosi (Hinoyosa), Adrien Le Doré (Panatellas), Myriam Berthieu, Christelle Bonnafoux, Marie-Charlotte Nantas (Les 3 cousines ), Frédéric Ernst, Sébastien Ferri (Les notaires ), Patrice Vincent-Baschet (Tarapote ), Marc Lesieur (Le prisonnier), le Chœur des Tréteaux Lyriques Apolline Bedouet, Etienne Brain, Jérôme Combeaud, Armelle de Guillebon, Amélie Dumetz, François de Laboulaye, Marie-Alexia de La Mairieu, Basile de Leusse, Antoine de Tilly, Jean-Pierre Flutre, Violaine Guinebertière, Virginie Lafeuille, Marc Lesieur, Amélie Marion-Audibert, Katell Martin, François Monville, Violaine Motte, Noisette Narboni, Stéphanie Pierre-Caborderie, Pierre-Marie Rossignol, Michel Signeyrole, Caroline Simon-Bayle, Phane Tribot La Spière
Prochaines représentations
Du 26 au 30 janvier, du 3 au 5 février à 20h30, le 30 janvier et le 6 février à 15h
Théâtre du Gymnase Marie Bell – 38, boulevard Bonne-Nouvelle – 75010 Paris
Réservations : www.treteauxlyriques.com ou 01 42 46 79 79