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Arts-chipels.fr

Pièce, par le collectif Gremaud/Gurtner/Bovay. Au seuil du théâtre et du réel.

Pièce, par le collectif Gremaud/Gurtner/Bovay. Au seuil du théâtre et du réel.

Le vide et le plein, la parole et le silence, le discours sur le discours qui discourt sans discourir : autant de variations sur lesquelles surfe ce trio qui traque l’insolite en plein cœur du quotidien.

Sur le plateau, l’espace d’une salle de répétition a été reproduit. Une grande baie vitrée par où passe la lumière, des radiateurs sous la fenêtre, un grand coffre qui sert de banc en fond de scène. Une boîte dans la boîte de scène. Mais déjà la distorsion du « discours sur » apparaît. À la perspective « naturelle » se substitue une perspective révélée : la boîte s’enfonce en biais vers le fond de scène comme sur un tableau qui indique la perspective en jouant sur un point de fuite invisible qui déforme le réel.

Erratique discours

Trois personnages apparaissent. Ils ont cela de particulier qu’ils ne semblent être rien ni personne, en fait. Des gens qu’on croise tous les jours. Une bourgeoise un peu coincée dans une robe old-style bordeaux, une autre plus « populaire », au look plus criard, haut style léopard et jupe rouge vif, un homme sans autre caractéristique qu’il perd sans cesse son pantalon. Eux, ils sont des amateurs répétant une pièce, une tragédie grecque vraisemblablement – Antigone, Médée, ou peut-être d’autres, difficile de se repérer dans ces fragments qu’ils peinent à énoncer en parlant faux, avec une outrance dans la gestuelle ou au contraire des gestes retenus, inaboutis qui traduisent le degré zéro de l’interprétation. Ils s’interrompent, écoutent un interlocuteur invisible qu’on n’entend pas, ébauchent un début de phrase inachevé, bloqué dans son élan par on ne sait quoi.

© DR

© DR

Une pièce dans la pièce dans la pièce

Dans cet espace qui dit la « pièce », jouant sur la polysémie du mot, les comédiens jouent les comédiens amateurs qui jouent la pièce. Le théâtre ne cesse de se retourner sur lui-même. Chorus millimétrés à deux ou trois, monologues en bribes face à la salle, commentaires sur la pièce qu’ils tentent de jouer, ils sont dedans et dehors : les personnages, censés sortir de la réalité, les comédiens, eux aussi réels, qui incarnent les personnages extraits du quotidien, les deux, assemblés, qui énoncent, maladroitement, empêchés dans leur parole, désarmés face à des obstacles invisibles mais omniprésents, quelque chose qui devrait avoir à voir avec le théâtre… On est dans le dessin d’Escher où les personnages qui ne cessent de monter descendent tout à la fois sans que jamais le mouvement ascension-descente ne soit interrompu. Le tout forme un ensemble réjouissant tant la peinture du quotidien qu’il révèle en creux nous renvoie à des histoires connues qui prennent sur scène un relief particulier. Cette vie dans le théâtre qui parle de la vie tout en montrant le théâtre est un exercice de style de haut vol à savourer à tous les niveaux…

Pièce par le collectif Gremaud/Gurtner/Bovay

Scénographie: Victor Roy

Musique et son : Samuel Pajand

Lumières : Antoine Friderici

Avec : Tiphanie Bovay-Klameth, François Gremaud, Michèle Gurtner, Samuel Pajand

Monfort Théâtre – 106, rue Brancion – 7501( Paris

Du 1er au 3 février 202, à 20h30.

www.lemonfort.fr 

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