31 Juillet 2019
À l’occasion de la sortie de son CD consacré à la musique de Carl Philipp Emanuel Bach, Vittorio Forte réussit le tour de force de donner aux compositions de ce descendant de Jean-Sébastien Bach une sensibilité qui aborde aux rives du classicisme et se teinte d’accents romantiques.
Il est certains compositeurs dont on entend toujours les mêmes ritournelles. C’est un peu le cas de Carl Philipp Emanuel Bach, le musicien décrié par son père qui ne pouvait voir en lui son successeur. De Carl Philipp Emanuel, la postérité aura retenu sa musique légère, agréable mais sans consistance, qu’on écoute en fond sonore, qui ne vous empêche pas de penser, qui ne vous fait pas lever le nez de vos occupations. Vittorio Forte réussit à nous montrer un autre visage du compositeur. Il nous livre en effet, dans le choix des morceaux, l’image d’un homme qui cherche, à cheval entre baroque et classicisme, une musique entre deux chaises, la conscience entre deux mondes. Un compositeur qui nous livre une musique qui peut sembler inaboutie, avec ses arrêts brusques de phrasé, ses fractures stylistiques, mais qui laisse échapper un parfum de nouveauté et se met à exister furieusement dans son imperfection même. Il nous donne à entendre non le musicien lisse auquel nous sommes accoutumés mais un être qui doute, qui cherche. Il souligne les ruptures de ton, les échappées belles et fait naître, émerger de la gaieté de façade un autre aspect, moins lissé mais plein de poésie et de sensibilité qui inspirera Mozart, Haydn et Beethoven.
Dans les méandres de l’interprétation
Diable d’homme grave et facétieux que celui qui expose ainsi aux yeux du monde non la perfection mais l’inachèvement de la quête, non la finitude mais l’infini des tentatives. Comme toujours Vittorio Forte applique son regard décalé à un certain ordre du monde. Il détourne nos habitudes musicales de leur traintrain sans histoire, prend la tangente pour nous faire comprendre et entendre la petite musique soigneusement enfouie sous les poncifs. Qu’il s’attaque à Liszt, à Gershwin ou à Carl Philip Emmanuel Bach, il a cette manière d’être à côté, d’imposer avec douceur et finesse mais de manière irrépressible sa lecture de l’œuvre, qui fait fi d’une quelconque « fidélité » mal placée qui voudrait qu’on l’interprète comme ci ou comme ça, dans le respect maladif du dogme. Au lieu de cela, il vient nous chercher par la main pour nous entraîner hors des sentiers battus, nous inviter à faire l’école buissonnière. Il explore les failles parce qu’il sait qu’en elles palpite la vie. De concert en concert, d’exploration en exploration, Vittorio Forte jette des passerelles entre les mondes, affermit son jeu, le module entre ombre et lumière, lui donne un délié, une sonorité qui lui est propre, rend la beauté vibrante. Son interprétation de Carl Philipp Emanuel Bach n'échappe pas à cette règle. Elle dessine un romantisme à coup sûr dans son parcours sensible, comme un miroir de l’âme, peut-être, où les taches et les fissures qui ternissent un poli trop parfait dessinent des magnificences…
Vittorio Forte
Récital Carl-Philip-Emmanuel Bach le 01/08 à 18h30 à La Roque d'Anthéron (Abbaye de Silvacane)
Récital Chopin le 15/08/2019 à 20h au château d'Alba-la-Romaine (07)
Discographie de Vittorio Forte
Chopin, Waltzes (Aevea Classic) ***** 5 Diapasons
Voyage mélodique de Schubert à Gershwin (Lyrinx)
Affinités retrouvées Couperin-Chopin (Lyrinx)
Abschied (Lyrinx) *****Disque de la semaine dans Classique HD
LES CONCERTS
13 Juin 2019 - Bougy Villars (Suisse)
15 Juin 2019 - Le Boulou (France)
16 Juin 2019 - Banyuls sur mer (France)
21 Juin 2019 - Nyon (Suisse)
23 Juin 2019 - Présinge (Suisse)
30 Juin 2019 - Rosset (Suisse)