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Arts-chipels.fr

Alice et autres merveilles. Un voyage épatant au pays des contes pour petits et grands

Alice et autres merveilles. Un voyage épatant au pays des contes pour petits et grands

Fabrice Melquiot et Emmanuel Demarcy-Mota nous proposent une version d’Alice enlevée, dynamique et pleine de drôlerie qui ajoute à la fantaisie de Lewis Carroll des entorses savoureuses au récit d’origine.

Quel enfant n’a pas écouté ou lu, un jour, l’étrange aventure de cette petite fille passée sans crier gare un jour d’ennui dans un monde sans queue ni tête où une Reine despotique veut à tout bout de champ vous la décoller, justement, la tête, où les montres n’indiquent pas l’heure, où les lapins sont sans cesse pressés et où les chats sourient jusqu’aux oreilles, ce qui est bien inhabituel car a-t-on jamais vu un chat sourire ?

Pour enfants et adultes, un chef d’œuvre de la littérature

Alice au pays des merveilles, avec sa logique inversée, son poids de non-sens et ses raisonnements absurdes n’a cessé, depuis sa publication en 1865, d’enchanter les enfants et de faire rire les adultes. Le fantasque récit inventé par le révérend Dodgson au fil d’une promenade en barque pour la jeune Alice Liddell a franchi depuis l’origine la barrière du temps sans prendre une ride. Célèbres ont été les traducteurs – Henri Parisot, Jean Gattégno…– qui se sont confronté à ce texte bourré d’inventions de langage pour notre délectation d’adultes. Innombrables ont été les adaptations pour la jeunesse qui ont rendu les tribulations de cette petite fille au pays de l’imaginaire universelles. Le spectacle, d’une certaine manière, concilie les deux. Aux adultes que nous sommes, il rappelle que nous sommes restés de grands enfants et il conserve la saveur inimitable de cette langue merveilleuse. Du côté des enfants, il s’installe de plain-pied dans une contre-culture qu’ils possèdent naturellement, dans une manière de regarder le monde qui en met à nu les mécanismes, en dénonce les absurdités. Il retourne comme une crêpe nos usages et nos injonctions en les prenant au pied de la lettre et en en révélant l’inanité.

Alice et autres merveilles. Un voyage épatant au pays des contes pour petits et grands

Entorses en tous genres

Le spectacle nous rappelle, presque sur le mode documentaire, photos d’époque à l’appui, que c’est pour une petite fille que fut écrit ce texte. Il renvoie les enfants à eux-mêmes et en fait les destinataires privilégiés du spectacle. Ils ne cesseront d’être pris à témoin de la fantasmagorie à laquelle ils sont conviés. Quand le spectacle commence, les acteurs sont dans la salle et des lapins aux grandes oreilles surgis on ne sait d’où provoquent des cris d’orfraie. Il n’y a pas d’écart entre la scène et la salle. Quant à Alice, qui émerge des spectateurs pour grimper sur la scène, elle est un hybride de petite fille du passé, avec son jupon de tulle, et de pré-ado du présent, blouson de couleur vive et grosses chaussures, en passe de grandir. Le Petit Chaperon Rouge s’invite à la fête et vient prendre le public à partie – que diable vient-il faire dans cette histoire ? Il se lamente de la nullité de son histoire auprès de celle d’Alice, du ratage qu’elle représente. Le grand méchant Loup fera, lui aussi, son apparition, comme pour rappeler que tous les contes, finalement, ont partie liée. Pour clore le tout, la musique pop est de la partie dans ce melting pot débridé et les jeunes spectateurs ne s’y trompent pas quand ils participent au spectacle en frappant en rythme dans leurs mains.

Alice et autres merveilles. Un voyage épatant au pays des contes pour petits et grands

Le merveilleux réinventé

Les codes sont chahutés, le passé et le présent mêlés. Le haut et le bas cesseront par la suite à leur tour d’avoir leur valeur traditionnelle. Des personnages surgissent d’une trappe comme des diables hors de leur boîte ou s’y engloutissent, Alice flotte tête en bas au-dessus de nos têtes dans le puits dans lequel elle est tombée en poursuivant l’étrange lapin qui parle et se presse. On ne s’étonne plus quand elle se demande, avec le plus grand sérieux et une logique imparable, si elle a dépassé le centre de la Terre et si elle arrivera en Australie. Lorsqu’elle se met à pleurer, c’est une mare de larmes qui envahit la scène, dans laquelle pataugeront les personnages. En permanence raison et déraison se côtoient, se répondent… Les animaux tiennent des conférences, les bébés sont des porcs, les chats grimacent. Alice se déplace dans la bulle du songe. L’eau, territoire privilégié des rêves, est partout. Elle se reflète sur le fond de scène, baigne et imprègne l’atmosphère. Les personnages y nagent comme dans les nappes de brouillard qui estompent les contours, rendent les rivages incertains. Les silhouettes en ombres chinoises, par le miracle de la lumière, deviennent gigantesques, avant de rapetisser, les robes s’allongent, s’allongent quand Alice qui suit décidément les instructions, mange le gâteau qui la rend géante… Poésie des images, magie des surgissements soudains et des engloutissements dans les artifices de la scène et de la lumière laissent les jeunes classes médusées. Elles en oublient même de chahuter… Les certitudes vacillent, le monde change de contours et cela est bien. Dans cette logique de l’absurde, par essence illogique, et cette logique du cours des choses qui est une absurdité, le spectateur prend un bain d’irrationnel. Il se prélasse dans l’entre-deux paradoxal, contradictoire et plein d’humour, de Lewis Carroll avec un plaisir et une délectation sans pareille.

Alice et autres merveilles. Un voyage épatant au pays des contes pour petits et grands

Alice et autres merveilles, texte de Fabrice Melquiot d’après Lewis Carroll (L’Arche éditeur)

Mise en scène : Emmanuel Demarcy-Mota

Scénographie : Yves Collet

Avec : Isis Ravel, Jauris Casanova, Valérie Dashwood, Sandra Faure, Philippe Demarle, Sarah Karbaniskoff, Stéphane Krähenbühl, Gérard Maillet, Walter N’guyena.

Théâtre de la Ville. Espace Cardin  1, avenue Gabriel – 75008 Paris, du 15 au 23 décembre 2021

Le 2e volet: Alice traverse le miroir, au Théâtre de la Ville. Espace Cardin  1, avenue Gabriel – 75008 Paris, du 5 au 9 janvier 2022

Les deux spectacles ensemble les 8 & 9 janvier 2022

Tél : 01 42 74 22 77. Site : www.theatredelaville-paris.com 

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