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Arts-chipels.fr

Quelque chose. Jouir librement ce serait vraiment quelque chose !

©Fabien Debrabandère

©Fabien Debrabandère

C’est par une épopée dans l’histoire du sexe, histoire personnelle, histoire universelle, que Bernadette Gruson nous entraîne sur un ton aussi léger que touchant, vers ce quelque chose…

L’amour, le plaisir, la jouissance, le sexe, ce ne sont pas des affaires individuelles, mais de société, et d’ouverture, et Bernadette nous le montre bien : plus qu’une pièce c’est un dialogue auquel on participe. Dès que le spectateur pénètre dans la salle, armé d’un post-it et d’un crayon, les échanges commencent, elle s’enquiert de chacun, nous invite à nous détendre, et à prendre part à cette expérience collective.

Histoire personnelle, histoire universelle

Bernadette, c’est une jeune adolescente qui vient d’avoir ses règles, et qui en est fière : elle est une femme à présent. Persuadée que cette entrée dans la féminité lui promet de nouvelles libertés, la découverte de l’amour, l’insouciance du plaisir, un livre, que sa mère lui donne, « la VÉRITÉ sur l’amour » va vite la faire déchanter…

Découvrant peu à peu que plutôt qu’un livre sur l’Amour, c’est un livre sur la « bonne tenue » d’une femme – modestie, soumission, non existence du désir – elle nous plonge dans la longue histoire de la sexualité féminine pour tenter de comprendre comment on en est arrivé là. Passant à travers les âges, elle nous fait découvrir tour à tour des civilisations qui ont été réellement progressistes pour la femme, comme l’Égypte ancienne, ou celles dont on semble oublier l’oppression féroce envers les femmes, comme la Grèce antique. Le constat est alarmant. Les temps de liberté de la femme sont rares : après l’Égypte des pharaons et quelques moments de grâce, comme la parution de l’Art d’aimer d’Ovide, il faut attendre mai 1968 pour qu’elles retrouvent une éphémère possibilité d’émancipation.

Et on en est là : alors que n’importe qui pourrait dessiner un pénis, qui saurait dessiner une vulve ? Pourquoi ce tabou autour du sexe de la femme ? Est-on obligé d’en rester là ? N’est-il pas temps de changer les choses, pour enfin pouvoir jouir sans limite, ni honte ?

Espièglerie et gravité

Avec pour tout décor un rouleau de carton, Bernadette Gruson nous promène avec agilité dans les tribulations de l’adolescente qui découvre le monde depuis sa salle de bain. Maîtrisant le jeu du déguisement, pourtant toujours simple mais parfaitement efficace, passant avec espièglerie du rôle de la petite fille à la femme pleine de désir, de la naïveté à l’analyse, de l’effroi à l’espoir, l’auteur fait vivre au spectateur les sentiments mitigés de la féminité rarement libérée.

Le choix de la salle de bains n’est pas innocent. Nous nous trouvons dans cette pièce sacrée de l’intimité pour faire le voyage. Par un jeu de lumière de fumée et de musique, la salle de bains rentre en surchauffe avec l’actrice. Elle est le terrain où on la voit tour à tour s’extasier ou être horrifiée. Et comment lui résister lorsqu’elle laisse libre cours à ses désirs, et qu’elle appelle le spectateur exalté à monter sur scène avec elle pour célébrer le bonheur de la jouissance ?

Décidément, cette pièce est rythmée, courageuse et porteuse d’espoir, même si l’on regrette parfois que le traitement historique manque peut-être un peu de profondeur.

Quelque chose, de Bernadette Gruson

Texte, mise en scène et interprétation : Bernadette Gruson

Théâtre de Belleville – 94, rue du Faubourg du temple, Paris, 75011

Du mercredi 5 au samedi 29 septembre 2018

Du mercredi au samedi à 21h15

EN TOURNÉE

La Scène Louvre-Lens les 16 et 18 novembre

Espace culturel La Gare Méricourt le 8 mars

CHU Lille Centre pénitencier de Sequedin (en cours)

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