13 Décembre 2020
On imaginait un retour progressif et difficultueux mais effectif dans les salles de spectacles. Que nenni ! On est mieux loti du côté du goupillon que sur les tréteaux !
J’avais pris mes rêves – je les partage avec beaucoup d'autres – pour des réalités et imaginé un retour à la normale, et les suspensions du Carnet du Coronavirus (36 numéros déjà) avec des considérations sur le paradis, histoire de laisser passer l’air, de revenir à un jardin d’Eden culturel peuplé de créations bizarres, de beaux concerts insolites, de morceaux de bravoure sans guerre, de rodomontades savoureuses, d’émotions esthétiques. L’actualité en a décidé autrement avec la poursuite de cette fermeture qui n’en finit pas des lieux de spectacles alors qu’on se presse à touche-touche dans les magasins pour les courses des fêtes et que les églises accueilleront leurs fidèles. Du coup, on se demande s’il ne faudrait pas créer une église « Théâtre », une autre « Concerts », une troisième « Cinéma » et ainsi de suite pour tourner les mesures d’interdiction. Si Paris vaut bien une messe, la culture vaut bien une cathédrale…
Du rififi chez les théâtreux
Le monde du spectacle avait été sage et mesuré lors du démarrage du deuxième confinement. Mais l’interdiction de rouvrir au 15 décembre les lieux de spectacles et les salles de cinéma alors que tout un chacun pourra fréquenter les lieux de culte, voyager et se réunir à l’envi – n’a-t-on pas eu cette réponse ahurissante d’un ministre, à propos du réveillon de la Saint-Sylvestre où le couvre-feu est maintenu, qu’il suffirait de dormir là où on avait réveillonné, bonjour la sécurité sanitaire ! – nous donne l’impression de marcher sur la tête… Les réactions ne manquent pas. Mais le monde du théâtre ne se contente plus de protester. Devant l’iniquité des injonctions prises, des recours ont été introduits auprès du Conseil d’Etat sur l’inégalité des mesures selon les institutions concernées par les interdictions et sur l’atteinte qu’elles constituent aux libertés individuelles. On est passé du dialogue courtois à un durcissement d’autant plus important qu’on avait assuré les acteurs de la culture d’une reprise et que tous avaient réengagé pas seulement des bonnes volontés, mais aussi des moyens financiers dans cette reprise. Quelle que soit la décision du Conseil d’Etat, on mesure le désastre que représente cette forme de « communication » entre l’Etat et ses administrés.
Pas essentiel : les insurrections de Grand corps malade, comme la nôtre
Mis en ligne le jour où on annonçait que les salles de spectacle resteraient fermées, un appel du large a été lancé avec le slam de Grand corps malade. Un plaidoyer en faveur de la culture et de l’art, ce « superflu » qualifié de non essentiel » par le gouvernement. « C'est un peu violent, pour le moins maladroit, a déclaré Grand corps malade, de séparer ce qui est soi-disant essentiel de ce qui ne serait pas essentiel. Est-ce qu'un magasin de chaussures est plus essentiel qu'un théâtre ou qu'un cinéma ? En tout cas le magasin de chaussures, lui, il est ouvert. C'est clivant comme terme. Être catalogué pas essentiel, c'est comme une gifle. Beaucoup de gens, pas seulement moi ou les professionnels de la culture, sont persuadés que la culture est au contraire essentielle pour le moral, l'humeur, la créativité. Le monde de la culture a un sentiment amer, d'injustice. ». Le slam est sur :
Pendant le confinement, les spectacles continuent
Et les propositions des salles aussi…
Au théâtre du Châtelet, du 16 au 31 décembre
Les équipes du théâtre ont à cœur de maintenir la programmation du mois de décembre. Rejoignez-les sur leurs réseaux sociaux (Facebook et Youtube) et assistez depuis chez vous à l'ensemble des concerts initialement prévus. Chaque jour, du 16 au 31 décembre, un nouveau concert vous est proposé. Entre classique, de fête, actuelle ou du monde, il y en a pour tous les goûts. Vous ne pouvez être présent.e le jour du concert ? Celui-ci restera disponible plusieurs semaines sur les plateformes du Théâtre. L'occasion de le voir ou le revoir à votre guise !
Une nouvelle chaîne YouTube avec des clips inédits de Sébastien Tellier, Damon Albarn, LEJ, Aloïze Sauvage… La chaîne Youtube
Œuvres de Vivaldi. Le Concert Spirituel, dirigé par Hervé Niquet
Fanny Mendelssohn, Beethoven. Avec Clémence de Forcevilleau au violon, Angèle Legasa au violoncelle et Pauline Chenaisau au piano.
Haydn, Mozart. Avec Gaëlle Arquez et le Concert de la Loge dirigé par Julien Chauvin
Agata Zubel, Yan Maresz, Mikel Urquiza, Luciano Berio, Beat Furrer. Avec Gilles Durot, Didier Pateau, Martin Adámek. Ensemble intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher
Le chœur d’enfants Sotto Voce, dirigé par Scott Alan Prouty , interprète les grands standards de Noël.
Marc-Olivier Dupin, Joann Sfar. Avec Benoît Marchand et l’Orchestre de chambre de Paris dirigé par Marc-Olivier Dupin
Irving Berlin, Duke Ellington, Georges Gershwin, Cole Porter… Avec Emma Kate Nelson & Friends
La Flûte enchantée à Versailles
L’opéra culte de Mozart à l’Opéra royal de Versailles, mais en français. L’adaptation des textes se veut moderne mais pas anachronique. Une version distrayante et fraîche avec théâtre d’ombres, livres géants et sorcières caryatides qui accentue l’aspect bouffe de l’opéra, dans la mise en scène de Cécile Roussat et Julien Lubek, avec le Concert spirituel sous la direction musicale d’Hervé Niquet.
Au Théâtre de la Ville, du 14 au 17 décembre, les arts, lanceurs d’alertes
En association avec Télérama et avec la Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay, l’Urgence des arts, le second volet de l’Urgence des alliances – une série de rencontres qui avaient été réalisées à la sortie du premier confinement pour imaginer des propositions concrètes de l’après Covid 19 – propose quatre rencontres en forme de manifeste. Fabienne Pascaud (pour Télérama), Emmanuel Demarcy-Mota (pour le Théâtre de la Ville) et Marc Dondey (Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay) présentent ainsi le thème de ces rencontres. « Comment imaginer l’avenir ? Comment le mettre en scène, en mots et en images ? […] Notre priorité est de réaffirmer le rôle essentiel de l’art pour être un porteur de lumière et d’émancipation. Pour tous. Quel que soit son âge, son métier, son parcours, sa connaissance des codes et sa fréquentation – ou non – des salles de spectacles, de cinéma ou des musées. Il sera forcément question dans nos débats de la précarité des artistes et professionnels de la culture de toutes disciplines, longtemps impactés par les fermetures des lieux de cultures… Mais le but de nos rendez-vous n’est pas seulement de plaider la cause d’un secteur qui souffre de la pandémie comme beaucoup d’autres. Il est de penser à demain, à la nécessité de construire dès aujourd’hui le demain et l’avenir des arts. La sidération provoquée par la première vague de la pandémie nous avait fait engager au mois de juin, très vite, L’Urgence des alliances, un grand chantier de construction de passerelles entre culture, santé, environnement, économie, sciences et éducation. Les 20 propositions qui en sont sorties restent entièrement d’actualité. Mais nous sommes entrés dans un autre temps, tissé de désarroi et de défiance, comme privé d’avenir. La seconde vague de la pandémie a entraîné la suspicion et la démonétisation de la parole publique au bénéfice toxique de la rumeur, du relativisme et du complotisme. La manipulation du bon sens et de l’opinion fait rage. Avec la tentation du repli dans la pensée magique et du refus de la complexité. Avec la pandémie, une brèche s’est élargie, encore, par où se déverse le flot puissant des vérités alternatives. Un post sur Twitter ou Facebook pèse dans la seconde plus lourd que le long travail de l’enquête, de la recherche et de la création. Il y a hold-up sur le débat démocratique. Faire récit, dans ce contexte, devient un combat. Nos débats du mois de juin l’avaient bien repéré. La parole des artistes nous est ici plus nécessaire que jamais. Ils sont nos décodeurs et nos lanceurs d’alertes. Nos phares et nos balises. À eux de faire ce qu’ils font le mieux, ce qui est leur raison d’être : penser l’impensable, éclairer les zones d’ombres et les angles morts. Imaginer des mondes alternatifs, oui, mais tissés dans la vérité sensible de notre vécu. »
LE PROGRAMME
S Lun. 14 déc. 18 h Scènes Emmanuelle Bouchez, journaliste, avec Alex Beaupain, auteur compositeur interprète, Volny Fages, sociologue, enseignant-chercheur, Dominique Hervieu, chorégraphe, Macha Makeïeff, metteur en scène, Clément Mao-Takacs, pianiste, chef d’orchestre
S Mar. 15 déc. 18 h Livres Nathalie Crom, journaliste, avec Jakuta Alikavazovic, romancière et traductrice, Manuel Carcassonne, éditeur, Emmanuel Carrère, auteur, Régine Hatchondo, Directrice du CNL, Carine Karachi, neurochirurgienne
S Mer. 16 déc. 18h Politiques culturelles Yasmine Youssi & Fabienne Pascaud, journalistes, avec Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, Jack Lang, ancien ministre de l'éducation nationale, de la Culture et de la Communication
S Jeu. 17 déc.18 h Cinéma Marie Sauvion, journaliste, avec Olivier Assayas, réalisateur, Caroline Bonmarchand, productrice, Marie-Christine Bordeaux, spécialiste de la médiation culturelle, Manuel Chiche, distributeur, Axelle Ropert, scénariste & réalisatrice.
Toutes les informations sur www.telerama.fr, www.theatredelaville-paris.com et www.ens-paris-saclay.fr. Réservation obligatoire sur www.theatredelaville-paris.com. Diffusion des débats sur www.telerama.fr et www.theatredelaville-paris.com
Ecouter autrement : les Clefs de l’orchestre déshabillent la 9e Symphonie
La 9e Symphonie de Beethoven, l’alpha et l’oméga, selon Verdi, de la musique classique, dévoilée par Jean-François Zygel avec les chœurs et l’Orchestre national de Radio France. Où il sera question de la liberté d’improvisateur de Beethoven et de son décrochage des styles classique et héroïque, de ses explorations buissonnières et de son art théâtral destiné à frapper l’imagination et saisir l’auditeur…On dit souvent que la musique est affaire de ressenti. Découvrir comment elle est fabriquée n’est pas perdre l’émotion suscitée par le morceau mais au contraire l’enrichir de saveurs nouvelles… https://www.france.tv/france-5/les-clefs-de-l-orchestre-de-jean-francois-zygel/572531-la-symphonie-n-9-de-ludwig-van-beethoven.html Jusqu’au 15/12