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Arts-chipels.fr

Words… words… words… Léo Ferré, un enragé plein de santé !

Words… words… words… Léo Ferré, un enragé plein de santé !

Réécouter Léo Ferré, près d’un demi-siècle plus tard, c’est plonger en plein cœur d’une parole incendiée dans un temps qui ne l’est plus, où le repli sur soi, le politiquement correct et le précautionneux à tous les étages ont fait leur office d’équarrissage. Un retour sur des mots non formatés, revenus à leur poids sauvage.

Ça commence doucement, comme si le long alignement des quatrains avec ses vers en alexandrins peinait à se frayer une voie, peinait à trouver sa voix, son oralité dans le décor quelque peu artificiel d’un long rideau argenté dont les paillettes scintillantes nous renvoient au clinquant du show-biz, l'une des facettes contradictoires du personnage. Des alexandrins, ce n’est pas le moindre paradoxe pour l’anarchiste que fut Léo Ferré, l’homme à la parole incandescente farci jusqu’à la gueule de Rimbaud et Verlaine, de Baudelaire et d’Apollinaire. Sur la scène, un micro… et un piano pour une musique qu’on n’entendra pas, ou que très peu. Car il est ici essentiellement question de poésie, de texte et d’écriture.

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Métamec années 70 et autres textes

Les textes qui sont présentés ici appartiennent aux années d’« exil » du poète, alors au creux de la vague, au milieu des années 1970, quelque part en Toscane – on retrouvera aussi, au cours du spectacle, des échos de chansons demeurées dans nos mémoires – Avec le temps, la Mémoire et la mer, Ton style – comme des notes égrenées au fil des souvenirs. Une parole comme une quintessence de l’œuvre, une colère intacte, une rage de dire non émoussée par les années. Et ses fulgurances, ses excès, ses atomisations, ses constellations, ses fraternisations insolites, ses ivresses assassines. Dans le Métamec, édité de manière posthume par le fils de Léo Ferré, se retrouvent les matins perdus, les tendresses sanglantes et les vertiges du sexe et de la nuit. Y résonne l’écho des désespoirs, la trace des horreurs, l’humus de la folie et des luttes. Dans un vocabulaire cru, non exempt de crachat, Ferré dit l’inacceptable et le perdu, il chante la révolte, comme une définition de l’Être, il dit l’écartèlement comme chemin tracé. Baptiste Amann, artiste en résidence, y glisse ses mots, y glisse ses phrases d’aujourd’hui dans le fourreau des mots d’hier pour résonner avec eux et entrer dans la folle danse des révoltés qui ne se sont jamais résignés.

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Un seul-en-texte pour un parcours en émotion

Dans un slam sans slam, pétri de verbe haut, avec une économie de moyens et de gestes qu’on aimerait peut-être plus dépouillée encore, moins prisonnière du souci d’ajouter à travers le décor ou la sonorisation des lames de sens pour tenter de cerner le poète-chanteur, Cédric Gourmelon s’insinue dans ces paroles, dans ce verbe qui enfle et se retire comme la vague au mitan des marées. On se laisse gagner par cette parole qui explose sans crainte de démesure, par cet engagement qui dit merde à la bienséance, qui se répand comme la peste gagnant le théâtre à la manière d’Artaud. Elle célèbre l’écriture « qui provoque à l’amour et à l’insurrection », qui fredonne la mélodie de l’homme « aux semelles de vent » et gueule comme le chien. Car, dans ce spectacle ni tout à fait théâtre ni complètement poème, dans ce monde où l’hybridation est force, la salissure féconde, l’image symphonie, si l’on retrouve – ou que l’on découvre, pour des générations plus jeunes – la poésie intense de Léo Ferré, c’est son message de lutte âpre et d’éclats de conscience qui transparaît et se transmet. Au-delà de l’hommage au poète et de l’admiration confite, ces mots nous parlent d’un temps où « l’or des mots » changeait le monde, où refuser était s’inscrire dans l’histoire et où rêver les yeux ouverts offrait une leçon de vie.

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Rencontrer les mots à travers le théâtre et le théâtre à travers les mots

Nouvellement arrivé à Béthune, Cédric Gourmelon, qui est à la fois le metteur en scène et le comédien de Words…words… words…, fait de ce spectacle l’un des vecteurs de son action. Pour aller à la rencontre du public de la région, il a imaginé une forme plus « légère » du spectacle, adaptable à tous lieux. Un moyen de nouer connaissance, au travers d’un texte fort, avec le public de sa région, de tisser les liens d’une relation durable et de donner l’envie de découvrir ce que les textes contemporains ont à nous offrir au théâtre. Gageons que la version « légère » qui tournera dans divers lieux éclatés du Pas-de-Calais en mars et avril, nécessairement resserrée dans sa scénographie, n’en sera que plus percutante…

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Words… words… words… D'après les textes de Léo Ferré et Baptiste Amann
S Mise en scène et jeu Cédric Gourmelon S Collaboration artistique et composition son Mikaël Plunian S Collaboration artistique Benjamin Guyot S Scénographie Mathieu Lorry Dupuy S Lumières Marie-Christine Soma S Production Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France S Créé en décembre 2022 à la Comédie de Béthune S  Le spectacle s’inscrit dans le dispositif « diffusion de proximité » du département du Pas-de-Calais S Durée 1h10 S À partir de 12 ans

Les mercredi 04, jeudi 05 et vendredi 06 janvier 2023 à 20h
Comédie de Béthune – Studio Théâtre
, 138, rue du 11 novembre, 62400 Béthune
Rés. 03 21 63 29 19 et
billetterie@comediedebethune.org  
Tournée
Du 31 mars au 07 avril 2023. En itinérance sur tout le territoire de la Communauté d’Agglomération Béthune Bruay Artois Lys Romane et sur le département du Pas-de-Calais.

Le 31/03 à Marles-les-Mines, le 01/04 à La Couture, le 04/04 à Saint-Venant, le 05/04 à Lillers, le 06/04 à Norrent-Fontes, le 07/04 à l’abbaye de Belval.

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