31 Juillet 2019
À l’occasion de la sortie de son CD consacré aux Valses de Chopin, Vittorio Forte élargit la gamme en proposant un programme exigeant qui associe Chopin à des compositeurs qui marquent le tournant à la fois historique et musical entre le XIXe et le XXe siècle.
Mince, impeccablement sanglé dans son costume, chemise à col haut ouvert et gilet satiné, cheveux mi-longs ondulés, il a le look du musicien romantique tel que l’ont popularisé Caspar David Friedrich ou Eugène Devéria. Il se fond donc naturellement dans la musique qu’il interprète au point même qu’on pourrait parfois l’imaginer dans quelque salon chez Charles Nodier ou George Sand. Mais l’homme réserve des surprises…
Le plaisir des hybridations musicales
Si Vittorio Forte voue une fidélité sans borne à Chopin, il n’en affectionne pas moins les rapprochements musicaux audacieux. Il avait avec bonheur associé la musique de François Couperin aux Mazurkas de Chopin, créé un pont de Schubert à Gershwin sur le thème de la voix et du chant, dans une transcription pianistique. Il récidive cette fois avec les Valses de Chopin dans lesquelles il intercale des valses aussi différentes que celles de Moszkovski, de Granados, de Villa-Lobos, de Debussy, ou l’étonnante variation sur la Chauve-souris que Godowsky fait de la musique de Strauss, qui inscrit cette musique composée en 1876 dans un XXe siècle assez iconoclaste et la transforme en une pièce virtuose dans laquelle la main gauche rivalise avec la droite. Le même Godowsky, d’ailleurs s’était attaqué aux Études de Chopin en en proposant cinquante-trois récritures qui figurent parmi les pièces les plus savantes et les plus difficiles écrites pour le piano.
La valse des découvertes
Si l’on croit tout d’abord tout connaître des Valses de Chopin, force est de constater que certaines ont échappé à notre mémoire car Vittorio Forte a inclus des œuvres du compositeur non publiées de son vivant et parfois retrouvées plus tard. Mais le concert offre surtout l’occasion d’écouter des musiciens parfois peu joués ou mal connus. Si la Valse brillante de Moszkovski reste assez classique dans sa facture, avec une ampleur, une virtuosité et un rythme enlevé, parfois très appuyé, les Valses poétiques de Granados déplacent l’approche de la valse sur le terrain élégiaque et sentimental avec beaucoup de délicatesse et de légèreté même si une certaine dramatisation apparaît en filigrane. La modernité naissante s’installe progressivement avec la Valse op. 38 de Scriabine, toute en état d’âmes, et la Valse de la douleur de Villa-Lobos, et surtout avec cette miniature du compositeur adolescent qu’est alors Debussy avec la Valse romantique. La surprise fait irruption avec cette adaptation-récriture « symphonique » de la Chauve-souris de Johann Strauss. Si le thème demeure parfaitement reconnaissable, les variations que lui imprime Godowsky révèlent une jouissance profonde à le tordre en un exercice virtuose et plus « déjanté » et multiple que l’œuvre d’origine.
Retrouver le goût des plaisirs anciens
Le choix de dédier un concert à la valse revient, pour Vittorio Forte, à faire remonter des souvenirs enfouis de notre enfance, « ces premiers plaisirs musicaux au sein desquels nous nous sommes nourris, et qui se sont gravés dans nos esprits comme un premier amour. » Cette appétence, elle est partout présente. Dans le demi-sourire qui flotte sur les lèvres du pianiste lorsqu’il appose ses doigts sur les touches, dans le sentiment de félicité qui traverse de bout en bout le concert, dans l’explosion libérée de toute contrainte qui caractérise le bis, où l’on voit les Valses de Chopin se muer, côté piano-bastingue, en rythme de jazz échevelé et jouissif où le plaisir de jouer la musique et de jouer avec la musique envahissent l’espace. C’est bien là la marque de fabrique de Vittorio Forte, une perfection technique alliée à une extrême émotion qui passe au bout des doigts, une sensibilité qui se diffuse à travers son toucher fin et délicat non exempt d’éclats. Les notes semblent comme en suspension, avec de légères et subtiles syncopes, presque imperceptibles, comme si livrer la musique ne pouvait se faire qu’en la délivrant de la gangue de l’accumulation des notes. Quant à Chopin, Vittorio Forte en fait entendre toutes les nuances, en percevoir les changements de tons, de rythmes et d’accents. C’est un très grand plaisir mais c’est aussi très beau.
Vittorio Forte
Récital Carl-Philip-Emmanuel Bach le 01/08 à 18h30 à La Roque d'Anthéron (Abbaye de Silvacane)
Récital Chopin le 15/08/2019 à 20h au château d'Alba-la-Romaine (07)
Discographie de Vittorio Forte
Chopin, Waltzes (Aevea Classic). ***** 5 Diapasons d'or
Voyage mélodique de Schubert à Gershwin (Lyrinx)
Affinités retrouvées Couperin-Chopin (Lyrinx)
Abschied Carl Philipp Emanuel Bach (Odradek) - *****Disque de la semaine dans Classique HD
En tournée en 2019
7 février - Picanya (Espagne) - Centre Culturel de Picanya - Récital
24 février - Rolle (Suisse) – Temple - Concerto n°.2 op.21 de Chopin avec le Sinfonietta de Genève
9 mars - Collex Bossy (Suisse)- Salle communale - Concerto n°.2 op.21 de Chopin avec le Sinfonietta de Genève
10 mars - Genève - Victoria Hall - Concerto n°.2 op.21 de Chopin avec le Sinfonietta de Genève
Mars - Paris - Cercle France-Amériques - Récital lancement du disque CPE BACH, Abschied (Odradek records)
24 mars – Carcassonne, Chapelle des jésuites
24 mars – Levens - Récital
28 mars - Umea (Suède) - Récital
Avril – Carcassonne - Récital
15 avril - Genève - Salle des abeilles - Récital
28 avril – Bruxelles - Récital
Juin – Collioure - Récital
4 octobre – Evrecy - Récital