Festival Furies 2025 : de la rue au chapiteau.

G.A.P. Phot. © Yves Poey

Arts de la rue et de la piste fleurissent à Châlons-en-Champagne avec, pendant 6 jours, 22 spectacles, pour la plupart gratuits.

La ville du cirque

Pour sa nouvelle édition, le festival amorce un tournant historique. Furies est né à Châlons-en-Champagne, en 1990, de la volonté d’un collectif artistique pluridisciplinaire, Turbulence, qui convoque, durant cinq jours, des artistes des « arts frères » que sont le théâtre de rue et le cirque. Depuis, la cité champenoise a accueilli l’école nationale du cirque (Cnac) et un Pôle national des arts du cirque (Palc), devenant ainsi Ville de cirque. On annonce, pour 2028, l’ouverture d’un musée, construit sur l’emprise de l’ancienne caserne de Chanzy, non loin de la gare. Dans cette perspective, Furies et le Palc, deux entités distinctes, actuellement dirigées par Jean-Marie Songy, ne feront plus qu’un.

Pour l’heure, les artistes ont investi théâtres, chapiteaux, entrepôts, places et rues. Le Cnac présente les travaux des 37^e et 38^e promotions, respectivement en 3^e et 2^e année. On découvre aussi des maquettes élaborées lors d’un programme européen de résidences : Hand to hand. Il s’agissait, pour huit artistes circassiens, de s’immerger dans des entreprises privées, en France, au Portugal, en Croatie et au Danemark, pour interroger la notion d’écologie sociale et explorer le savoir-faire des travailleurs. Ces work in progress mêlent cirque et réflexions politiques.

Face aux tragédies qui embrasent la planète, « les artistes entrent dans Châlons, ville refuge pour les évasions culturelles venues du monde entier », écrit Marc Songy dans son édito. « Oui, nous sommes là, le secteur des arts et des cultures, pour ouvrir les consciences et transmettre les risques de ces horreurs en promouvant la littérature et les arts vivants au plus près de toutes et tous. »

Il faut dire aussi que Furies ne s’en tient pas à son festival et, tout au long de l’année, multiplie les actions culturelles en direction de divers milieux et les résidences d’artistes, en Champagne-Ardennes ou ailleurs.

Le programme 2025 est fourni. En une même journée, on a pu voir dès l’aube 2 Soleils, de Jérôme Bouvet, un clown devenu « berger de taupes » ; Kraquement, premier opus de la trapéziste Lucia Heege Torres ; Amours, la nouvelle création de Mumuche Company ; Stek, comédie urbaine clownesque, et deux spectacles de rue : G.A.P. (Gloire Au Plongeoir), par le Cirque inextrémiste et Contacts, une déambulation carnavalesque nocturne à travers la ville, en partant de la cathédrale Saint-Étienne. Des kilomètres à pied dans la cité au confluent du Mau et du Nau (dérivation de la Marne).

Kraquement. Phot. © Yves Poey

Kraquement : trapèze et papier kraft

Lucia Heege Torres, formée à l’Escola Massana à Barcelone, a intégré le Cnac en 2021. Elle présente aujourd’hui sa première pièce, préparée lors de ses études. Au trapèze ballant, sa spécialité, elle s’envole dans un bruissement de papier, heurtant deux longs pans de kraft qu’elle déchire avec rage, tout en pestant quand son agrès se défait. La voici à terre, à se contorsionner au son du violoncelle et d’une balade mélancolique interprétée par Léa Lépêtre. Par bribes, Lucia Heege Torres raconte l’exil, la perte, l’absence. Une solitude qu’elle conjure en esquissant une silhouette à grands traits d’encre noire, sur un kakémono de kraft suspendu aux cintres. Peinture éphémère comme ces nombreuses figures sculptées dans le papier qui finiront par peupler l’espace scénique, derrière un chemin de charbon. Dans ce paysage désolé que l’artiste a conçu et façonné, le public, plongé dans l’obscurité et bercé par le bruit du papier froissé, de la mer et le cri des mouettes, aura frémi aux figures vertigineuses de Lucia Heege Torres au trapèze. Sa première pièce révèle une artiste souple et solide comme le matériau résistant et léger avec lequel elle a dessiné un univers à la mesure de son talent. On regrette seulement que ça parle un peu trop.

Stek. Phot. © Daniel Michelon

Stek, des clochards célestes

Les clowns sont souvent tristes mais ceux-ci n’ont pas de vague à l’âme. Clochards éberlués, tout droit surgis d’une grande poubelle en beaux diables multicolores, ils n’ont pas peur de se cogner à la vie. Et quand ils tombent, ils se relèvent illico pour mieux s’étaler ou se prendre, dans la figure, le couvercle de leur poubelle qu’ils trimballent partout comme une malle aux trésors, à la recherche du stek.

Ce graal, enfin exhumé des ordures, sera grillé sur un barbecue trouvé dans une décharge, décor de cette comédie foutraque qui finit par des glissades carnavalesques sur le plateau inondé par maladresse. Pantalons trop courts et vêtements trop longs en haillons ne les empêchent pas de se bagarrer ou d’être complices quand il s’agit de partager la nourriture.

Analia Vincent Ceppi, la seule fille du clan, n’a pas froid aux yeux quand, en prologue, elle fait la manche, en vain, avec sa petite voix à la Giulietta Masina dans La Strada. Elle fait le poids face aux jongleurs Ottavio Stazio et Mario De Jesus Barragan et au clown filiforme Léo Morala. Intrépidus Squad, ce nom de collectif va comme un gant à la fine équipe de cascadeurs sortis de l’école du Lido à Toulouse. Rire garanti. Et petite émotion, quand ils enterrent leur costume de clown, comme une relique d’un autre âge…. Une pièce qui, malgré une fin un peu décousue, respire la joie de vivre quand la pauvreté ne rencontre qu’indifférence.

Intripidus Squad, créé en 2020 par Léo Morala (France), Ottavio Stazio (Italie), compose son récit avec talent entre danse urbaine, cirque, théâtre et musique.

Amours au féminin pluriel

Ce n’est certainement pas délices et orgues que nous présente Mathilde Roy dans un solo acrobatique et cocasse, accompagnée par le compositeur Zerolex, au clavier électronique. « Voulez-vous qu’on s’aime ? Comment on fait ? » demande-t-elle au public après une danse du sabre, détournant les codes badass des guerrières manga.

Elle va puiser dans la philosophie grecque et les chapitres de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes pour concocter une succession de saynètes, questionnant différentes facettes de l’amour. Des questions sans réponses qui donnent lieu à des chorégraphies drolatiques. « Amour familial : difficile à fuir », dit-elle, surtout quand l’enfant paraît, mimé ici par un ballon gonflé à bloc. L’Amour de soi est caricaturé par une série de selfies, et la passion tourne vite à la jalousie dont Barthes disait : « Comme jaloux je souffre quatre fois : d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun. » Mais « Cupid en s’en fout », chante l’artiste tout en marchant sur les mains.

En phase avec la musique, et des spectateurs conquis, Mathilde Roy nous dresse un panorama en demi-teinte de ce sentiment souvent galvaudé mais qui nous tient à cœur et à corps.

Acrobate et contorsionniste, elle a cofondé Mumuche Compagny en 2008 avec Paul Cretin-Sombardier pour monter des projets graphiques, dansés en utilisant le métissage du nouveau cirque. Le spectacle, encore frais, a trouvé une juste distance avec le public, mais reste à resserrer.

Kraquement S Sur une proposition de Lucia Heege Torres S Au plateau Laura Lépêtre et Lucia Heege Torres S Régie plateau et machiniste Claire Auzanneau S Création lumière Cristoph Bruyas S Création sonore Lucie Schneider et compositrice des chansons Léa Léprêtre S Création Costume Sofia Eremina et Lucia Heege Torres S Accompagnatrice artistique, d’écriture et dramaturgie Léa Lépretre S Regard extérieur Lulu Hadas Koren S Administration Association Les Thérèses S Coproductions : Archaos-PNC Méditerranée-Marseille, Grand CIEL-Cirque en liens-Verdun, l’Espace Périphérique (Mairie de Paris – Parc de la Villette), École Nationale de Cirque de Châtellerault, Le Palc-PNC Châlons-en-Champagne Grand Est, Le Plus Petit Cirque du Monde-Centre des arts du cirque et des cultures émergentes-Bagneux, Cirk'Eole-Montigny-les-Metz.S Kraquement est un projet Finaliste Circus Next 2024, programme cofinancé par l’UE S Soutiens CNAC-École de cirque-Châlons-en-Champagne Grand Est, Le CENTQUATRE-Paris, Zepetra-École de Cirque-Castelnau-le-Lez, le CIAM-Centre International des Arts en Mouvement, Aix-en-Provence, Le point Haut-Lieu de création urbaine Saint-Pierre-des-Corps, Latitude 50-pôle des arts du cirque et de la rue (Be), L'Usine-CNAREP En partenariat avec Les Thérèses.
Création le 7 juin 2025 Furies à Châlons-en-Champagne
Début juillet 2025 Narbonne, les Rêveries populaires
Fin juillet 2025 – Monthelon
8/9/10 août 2025 – Festival Bel Arte (85)
Du 20 au 23 août 2025 - Festival d’Aurillac
Octobre 2025 - Festival du Bitume et des plumes – Besançon

Stek S De et avec Mario de Jésùs Barragàn Marinez, Ottavio Stazio, Léo Morala Macias et Analia Vincent Ceppi S Le spectacle est lauréat du Prix à l’écriture SACD- Beaumarchais 2023 S Coproductions Le Plus Petit Cirque du Monde- Centre des arts du cirque et des cultures émergentes- Bagneux, L'Azimut-PNC Île-de-France-Antony et Châtenay-Malabry, Cirque Théâtre d’Elbeuf Plateforme-2 Pôles Cirque en Normandie-La Brèche- Cherbourg, Carré Magique-PNC en Bretagne- Lannion, Métis’Gwa-Les Abymes-Guadeloupe. Soutiens : FoRTE, Région Ile de France.

Amours S Autrice et interprète Mathilde Roy S Création et interprétation musicale Zerolex S Regard magique Yann Frish S Œil chorégraphique Louis Gillard S Regard dramaturgique Sophie Borthwick S Conseil magique Jules Metge S Regard extérieur Valentina Santori S Aide costumes Valérie Alcantara S Complice artistique Paul Cretin-Sombardier S Production Caroline Sotta S Administration Purdey Bidas S Partenaires Archaos-PNC Méditerranée-Marseille, Château de Monthelon, Hors-Limite(s)-cie Pernette- Besançon, Les 2 scènes-Scène nationale-Besançon, La Transverse Metalovoice–Corbigny, La Grainerie– Fabrique des arts du cirque-Balma, La Verrerie d'Alès-PNC Occitanie-Alès, Noctambules-Nanterre, 2r2c-Coopérative de Rue de Cirque-Paris, La Ruche en mouvement-compagnie de cirque-Abbaye de Corbigny, La Bergerie de Soffin-Tiers-lieu de vie-Nièvre, Animakt-Association culturelle-Saulx- les-Chartreux, Ville de Besançon, Département du Doubs, DRAC Bourgogne-Franche Comté, Région Bourgogne-Franche Comté.
Création le 7 juin 2025, Festival Furies
27-29 juin 2025 festival Vivacité, parking des grandes voiles à Sotteville-lès-Rouen (76)
5 juillet 2025 festival Les fantaisies populaires à Cenne-Monestiès (11)
17 - 20 juillet 2025 festival Chalon dans la rue (71)
24 -26 juillet 2025 festival Les rencontres de Monthelon, Montréal (89)
10 août 2025 festival Bell’Arte, Bellevue (85)
20 - 23 août 2025 festival Éclat, Aurillac (15)
11 septembre 2025 Labège avec Arto (31)
12-14 septembre 2025 Ramonville avec Arto (31)
3 - 5 octobre 2025 festival Du bitume et des plumes, Besançon (25)
15 octobre 2025 à l’université de Toulouse (31)