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Arts-chipels.fr

L’Incroyable rencontre Antoine Vitez – Jean-Paul II. Un dialogue à fleurets mouchetés entre le goupillon et la faucille et le marteau.

L’Incroyable rencontre Antoine Vitez – Jean-Paul II. Un dialogue à fleurets mouchetés entre le goupillon et la faucille et le marteau.

Deux hommes d’immense culture s’affrontent dans l’arène sur le mode de la courtoisie. Convergences et divergences forment un dialogue de l’irréconciliable.

Catholicisme et communisme se livrent depuis toujours une guerre sans merci. On se souvient de la formule de Marx pour qualifier la religion : l’opium du peuple. L'opposition sans nuance est donc plutôt la règle. Pourtant, en ce soir de 1988, dans les jardins de Castelgandolfo, ils vont se rencontrer à la suite de la représentation du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Charles Péguy, présenté au pape par la Comédie française. Pour l’occasion, son administrateur, Antoine Vitez, a fait le voyage. Après la représentation, faisant fi du protocole, le pape s’attarde avec la troupe… Un journaliste du Progrès de Lyon, Philippe Mestre, est présent, micro à la main. Les propos saisis à ce moment lui inspirent, en s’appuyant sur les écrits des deux hommes, la matière de l’Incroyable rencontre.

© Photo Lot

© Photo Lot

Des hommes que tout oppose

Leurs positions sont on ne peut plus divergentes. L’un est le messager de Dieu sur terre, l’autre un athée convaincu. L’un s’intéresse à l’au-delà et à la transcendance, l’autre à l’ici et maintenant et aux hommes. L’un est Polonais, d’un peuple qui n’a jamais chéri les Russes qui ont dépecé son pays au cours de l’Histoire et réprimé, comme les nazis, la catholicisme. L’autre peine, vestige d’un temps où les intellectuels apportaient un soutien inconditionnel à l’Union soviétique, à admettre l’échec du communisme soviétique, qu’il dissocie de l’idée socialiste. Deux personnages entiers, campés dans des convictions inconciliables. Vitez insiste sur les paradoxes d’une religion qui a excommunié les comédiens mais laissé prospérer et protégé des homosexuels notoires comme Benvenuto Cellini et Michel-Ange. Le souverain pontife lui renvoie la balle avec les errances du modèle soviétique, l’interdiction faite aux individus de pratiquer quelque religion que ce soit et la négation de l’individu dans un système collectiviste.

L’Incroyable rencontre Antoine Vitez – Jean-Paul II. Un dialogue à fleurets mouchetés entre le goupillon et la faucille et le marteau.

… et des parallélismes

Tous deux sont des lutteurs de longue date. Karol Wojtila est féru de théâtre. Dans sa jeunesse, il a conçu le théâtre comme un moyen de résistance contre l’occupation nazie, participé, à travers le Studio 39, à des représentations interdites, écrit durant cette période des pièces où il met en parallèle le destin de la Pologne et celui d’Israël. Vitez est l’héritier et l’un des fers de lance du « théâtre populaire », de cette époque où les banlieues étaient rouges et où la culture était considérée comme un moyen d’émancipation des masses. Deux combats pour la conquête de la liberté, mais qui prennent des voies divergentes. Dans l’opposition courtoise entre les deux hommes se tisse une relation subtile. Le pape met en avant la force de l’Idée, que Vitez combat au nom de la réalité. Il fustige la foi tout en reconnaissant sa croyance dans le socialisme. La frontière, c’est celle de la transcendance. Le fait de confier à un autre – Dieu en l’occurrence – la gestion de sa liberté. Le pape lui oppose une vision chrétienne qu’il considère imprégnée de réalisme quand l’approche marxiste, dit-il, finit par « être purement idéaliste, faute d’être concrète. » Les deux hommes se rencontrent sur la mission réconciliatrice du théâtre pour l’un, de l’Église pour l’autre. Une Église qui sait reconnaître ses erreurs et ne s’oppose pas aux avancées de la science.

L’Incroyable rencontre Antoine Vitez – Jean-Paul II. Un dialogue à fleurets mouchetés entre le goupillon et la faucille et le marteau.

Sur ce plateau dont le sol reproduit le Castelgandolfo, le goupillon, le marteau et l’enclume sont de force égale. N’en demeure pas moins que cette conversation à bâtons rompus survole, dans cette évocation à saute-mouton, des thèmes qui mériteraient un approfondissement que ne permet pas la mise en situation de la conversation « mondaine », fût-elle aussi pétrie de culture et de références que celle des deux hommes. Elle possède cependant l’utilité de lever des lièvres pour ouvrir une discussion. Michel Bompoil et Bernard Lanneau, qui incarnent les deux personnages, s’y emploient avec talent et force de conviction.

L’Incroyable rencontre Antoine Vitez – Jean-Paul II de Jean-Philippe Mestre

Mise en scène : Pascal Vitiello

Avec : Michel Bompoil (Vitez) et Bernard Lanneau (Jean-Paul) II

Du 22 mai au 30 juin 2019, du mardi au samedi à 18h30, le dimanche à 15h

Théâtre Le Lucernaire – 53 rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris

Tél. 04 42 22 66 87. Site : www.lucernaire.fr

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