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Arts-chipels.fr

Travelling, une exposition dédiée à Chantal Akerman au musée du Jeu de Paume

Photo © INA

Photo © INA

Sur les pas de cette créatrice aux multiples facettes – réalisatrice de cinéma, productrice, artiste de scène, photographe… –, un parcours muséal enrichi de projections, performances, conférences, rencontres...

Du 28 septembre 2024 au 19 janvier 2025, à chacun de trouver son chemin dans ce voyage en images.

Flash back

Chantal Akerman (1950-2015) revient dans ce musée à titre posthume : elle y avait présenté l’une de ses nombreuses installations D’Est : au bord de la fiction en 1995.

Dès l’entrée de Travelling, nous naviguons entre les écrans avec des extraits de films, et surtout de nombreuses installations, moins connues du grand public.

Une salle d’archives retrace l’itinéraire de la cinéaste dès ses premiers pas : une vocation déclenchée par Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Née à Bruxelles en 1950, elle y étudie le cinéma à l’Ensas où elle est remarquée avec son court-métrage, Saute ma ville (1968-1970). Ce petit brûlot semble aujourd’hui prémonitoire de sa fin tragique : une jeune femme isolée saccage son appartement avant de tout faire sauter, elle avec. On y trouve déjà quelque chose de son film phare, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975)...

Delphine Seyrig dans Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles

Delphine Seyrig dans Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles

De Bruxelles à Paris en passant par New York

Bruxelles, Paris, New York : avec un pied-à-terre dans chacune de ces villes, où elle vit en alternance, la cinéaste nous fait aussi voyager jusqu’en Europe de l’Est et au-delà de la frontière des États-Unis, jusqu’au Mexique, dans le désert... Avant d’installer son camp de base à Paris, dans les années 1970, elle aura, entre autres, fréquenté l’underground new-yorkais, autour de la Factory de Warhol, et du cinéma expérimental de Michael Snow, Kenneth Anger ou Stan Brakhage...

Dans ce va-et-vient constant entre les pays, elle tourne des films de tous genres : drames, comédies dont une comédie musicale Golden Eighties (1985); une adaptation de La Prisonnière de Marcel Proust, La Captive (2000). Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) – s’est déclinée sous forme d’installations.  C’est l’une des premières réalisatrices à passer au « jeu de l’art » — selon sa propre formule — avec entre 1995 et 2015, près de 20 installations vidéo dans de nombreux centres à travers le monde.

Ces œuvres témoignent d’une recherche de sens, au-delà de la mort qui hante ses images depuis le début, à commencer par son histoire familiale avec une mère rescapée des camps nazis, jusqu’à son suicide, un an après la mort de sa mère à qui elle a consacré son dernier film No Home Movie (2015) : un portrait bouleversant aux derniers jours de sa vie.

D’Est, au bord de la fiction. Exposition Chantal Akerman Photo © Julie Pollet-

D’Est, au bord de la fiction. Exposition Chantal Akerman Photo © Julie Pollet-

Un parcours thématique

Faisant fi de la chronologie et de la géographie, l’exposition s’organise en six étapes, reprenant des installations réalisées par Chantal Akerman. Dès l’entrée, 7 écrans captent le regard : Woman sitting after killing a été conçu pour la 49Biennale d’art contemporain de Venise (2001) à partir de la séquence finale de Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles. Le personnage, Woman, ou bien Jeanne, ou bien Delphine Seyrig, est là en 7 exemplaires, assise face à nous, devant une table, l’air absent. Cette femme vient de commettre un meurtre que rien n’évoque, si ce n’est, à y bien regarder, un peu de sang sur sa main.

Même immersion avec D’Est, au bord de la fiction (1995) : 25 moniteurs couleur reprennent en alternance les images d’un documentaire D’Est, tourné au cours de plusieurs voyages, entre 1992 et 1993, en Russie, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, ex-Allemagne de l’Est, jusqu’en Belgique. « Je voudrais filmer là-bas à ma manière documentaire frôlant la fiction, dit-elle. Tout ce qui me touche. » Plans fixes sur des visages bouleversants, des personnages en déshérence, des bouts de rues, des voitures qui passent et des autobus, des gares, des plaines, des cours d’eau, des arbres, des forêts... Elle y capte les ambiances d’une Europe délabrée, comme celle d’après la Shoah. C’est aussi à la recherche de ses racines familiales qu’elle met en scène des personnages du yiddishland new-yorkais dans Histoires d’Amérique (1988).

Dans l’installation A Voice in the Desert, tournée dans le désert d’Arizona, entre deux montagnes situées de part et d’autre de la frontière mexicaine, Chantal Akerman raconte, en voix off, l’histoire d’une immigrée mexicaine, alternativement en espagnol et en anglais. Dans ce couloir que les migrants clandestins empruntent pour entrer aux Etats-Unis.

Selfportrait/Autobiography: A Work in Progress (1998) récapitule son œuvre sur 6 moniteurs couleur fonctionnant en décalé. On y voit des extraits D’Est, au bord de la fiction, de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles, de Hotel Monterey (1972), de Toute une nuit (1981-1982) et de son livre Une famille à Bruxelles (1998) où elle déclare : « L’installation me semble être une forme à la fois terriblement adéquate et excitante pour explorer une fois de plus l’autoportrait-autobiographie. »

C’est dans ce sens que semble avoir été pensée cette exposition qui nous promène dans un labyrinthe d’images démultipliées, formant un portait composite de cette artiste. À chacun d’y trouver son chemin, si bien que certains visiteurs se sentiront peut-être perdus dans cette immersion visuelle et sonore non fléchée.

D'Est : au bord de la fiction

D'Est : au bord de la fiction

Du côté documentaire

Les plus curieux pourront consulter des documents papier, provenant de la Fondation Chantal Akerman à la Cinémathèque royale de Belgique (CINEMATEK) à Bruxelles : scénarios, notes personnelles, photographies de plateau ou de repérage, coupures de presse, extraits de reportages télévisés, dont une longue interview de l’artiste à la RTBF. Ces documents montrent aussi combien l’écriture était chez elle un mode d’expression privilégié : le « plus proche de la pensée ». Elle est l’autrice de plusieurs textes, dont Hall de nuit (1992), Une famille à Bruxelles (1998) et Ma mère rit (2013)....

Pour aller plus loin

À l’occasion des vingt ans du Jeu de Paume en 2024 et de cette exposition Chantal Akerman, le musée inaugure une nouvelle  salle de cinéma : labellisée Art & Essai, elle propose des séances tout au long de l’année. La programmation Akerman du musée se prolonge dans la capitale au Centre Wallonie-Bruxelles, au Mémorial de la Shoah, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme et à la Philharmonie de Paris. La société de production Capricci propose une rétrospective de ses films restaurés dans un coffret et dans les salles de cinéma, et Arte diffuse une sélection de sa filmographie en ligne.

D'Est : au bord de la fiction

D'Est : au bord de la fiction

Travelling – Chantal Akerman
Cette exposition a été conçue par le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar), la Fondation Chantal Akerman et CINEMATEK, et réalisé en collaboration avec le musée du Jeu de Paume pour sa présentation à Paris.

Musée du Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, Jardin des Tuileries Paris 1er • Mo Concorde (lignes 1, 8, 12) T. +33 (0) 1 47 03 12 50 • jeudepaume.org
Du 28 septembre 2024 au 19 janvier 2025
Horaires : Mardi • 11h - 21h / Du mer. au dim. · 11h - 19h / Lundi • fermeture

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